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maintenant ce persécuteur. Glorifions Celui qui l’a si bien converti. Tout à l’heure vous entendiez dire qu’il dévastait l’Église, qu’il entrait dans les maisons pour en retirer les hommes et les femmes qu’il traînait en prison. Entendez maintenant les fiers accents de sa prédication : Ne cesseras-tu pas de pervertir les voies droites du Seigneur ? Et voici que la main du Seigneur s’étend sur toi, et tu seras aveugle jusqu’à un temps. Le remède qui lui avait rendu la vue à lui-même, il l’imposa au magicien ; mais celui-ci resta aveugle, ce qui vous montre que la vocation n’a pas toute seule amené saint Paul à la foi, et que sa bonne volonté y a contribué en même temps. Si la cécité seule avait fait ce miracle, elle l’eût également opéré sur le magicien. Il n’en fut pas ainsi. Le magicien demeura dans les ténèbres ; et le proconsul témoin du prodige crut. Le remède est appliqué à celui-là et c’est sur celui-ci qu’il opère. Voyez ce que peut la bonne disposition du cœur, ce que peut l’obstination et l’endurcissement ! Le magicien devint aveugle, il était opiniâtre, c’est pourquoi il ne profita pas du remède ; mais le proconsul ouvrit les yeux à la lumière et connut le Christ.
Saint Paul s’est donc converti librement, je l’ai suffisamment démontré. Non, soyez-en convaincus, Dieu ne force pas les volontés rebelles, il attire seulement les volontés obéissantes. Personne, dit Notre-Seigneur, ne vient à moi, si mon Père ne l’attire. (Jn. 6, 44) Or, le Père n’attire que celui qui veut être attiré, et qui du fond de sa misère tend les bras au divin Libérateur. Encore une fois, Dieu ne fait pas violence aux volontés ; il voudrait notre salut qu’il ne saurait l’opérer, si nous ne le voulions pas, non pas que sa volonté soit faible, mais il ne veut forcer personne. Je crois nécessaire d’insister sur cette proposition, à cause du grand nombre de ceux qui, pour colorer leur paresse, font valoir ce faux prétexte ; les exhorte-t-on à la lumière du baptême, à un changement de vie, à la pratique des bonnes œuvres : ils hésitent, ils reculent, et répondent qu’ils attendent que Dieu veuille bien les persuader et les convertir. Qu’ils s’en remettent à la volonté de Dieu, rien de mieux ; mais il faut déjà qu’ils fassent ce qui dépend d’eux-mêmes, et je leur permettrai alors de dire quand Dieu voudra. Car si vous vous livrez au sommeil et à l’indifférence, vous aurez beau vous en référer à la volonté de Dieu, rien ne se fera jamais de ce qu’il faut, je vous le déclare. Je ne me lasse pas de vous répéter que jamais Dieu n’a usé de contrainte et de violence pour attirer à lui un seul homme. Il veut que tous soient sauvés, il ne sauve personne malgré sot, Saint Paul ne dit-il pas, lui qui veut le salut de tous les hommes et leur arrivée à la connaissance de la vérité ? (1 Tim. 2, 4) Comment donc tous né sont-ils pas sauvés, si Dieu veut qu’ils le soient ? c’est que la volonté de tous ne se conforme pas à sa volonté et qu’il ne contraint personne. N’a-t-il pas dit : Jérusalem, Jérusalem, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants, et tu ne l’as pas voulu ? Et quel sera le sort de Jérusalem ? écoutez : Voici que votre maison demeurera déserte. (Luc. 13, 34-35) Vous le voyez, Dieu a beau vouloir nous sauver, si nous n’y consentons pas, nous sommes maîtres de nous perdre. Encore une fois, Dieu ne sauve que celui qui veut bien être sauvé. Les hommes dominent leurs esclaves bon gré mal gré, parce qu’ils se proposent, dans leur domination, leur propre intérêt et nullement celui de leurs serviteurs. Mais Dieu, gui ne manque de rien, Dieu qui veut nous montrer que s’il désire nous avoir pour ses serviteurs ce n’est pas qu’il ait besoin de ce qui est à nous, mais parce qu’il recherche notre intérêt, Dieu qui fait tout pour notre utilité et rien pour son avantage, qui nous accorde notre salut quand nous l’acceptons avec empressement et reconnaissance, Dieu ne peut user de violence contre ceux qui lui résistent, et, en respectant leur liberté, il montre que nous lui devons de la reconnaissance pour sa domination, et qu’il ne nous en doit point pour notre soumission. Pénétrons-nous de ces pensées, réfléchissons à la charité de Dieu pour les hommes, et, autant que nous le pouvons, menons une vie qui soit digne de cette bonté, afin que nous méritions de posséder le royaume des cieux, que je vous souhaite à tous, par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soient la gloire et l’empire, avec le Père, le Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.