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désignait, et Jean s’écriait : Je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers. (Luc. 3, 16) Les Juifs virent encore éclater des milliers d’autres signes miraculeux soit en paroles soit en actes, et, nonobstant ces lumières, ils sont demeurés dans leur aveuglement. Leurs yeux voyaient, leurs oreilles entendaient, et leur raison restait plongée dans la nuit des préjugés. C’est ce que l’Évangéliste rapporte expressément lorsqu’il dit que beaucoup de Juifs crurent en Jésus, mais qu’ils ne le confessaient pas, de peur d’être chassés de la synagogue par les chefs du peuple. (Jn. 7, 42) Et Jésus-Christ lui-même disait : Comment pouvez-vous avoir la foi, vous qui recevez de la gloire les uns des autres et ne recherchez pas la gloire qui est de Dieu seul ? (Jn. 5, 44)
Paul se conduit bien différemment : il n’entend qu’une, seule fois la voix de celui qu’il persécute, et aussitôt il accourt, aussitôt il obéit, sa conversion est soudaine et complète. Si vous n’êtes pas trop fatigués de la longueur de ce discours, je poursuivrai cette comparaison de la bonne volonté de saint Paul et de l’obstination des Juifs, et je vous citerai un autre exemple qui en fera mieux ressortir le contraste. – Les Juifs eux-mêmes entendirent la voix du Fils, ils l’entendirent comme Paul l’avait entendue, et presque dans les mêmes circonstances, et néanmoins ils ne crurent pas. Ce fut au fort de son délire et de sa colère, dans le feu de la guerre qu’il faisait aux disciples, que Paul entendit la voix : on en peut dire autant des Juifs. Quand et comment ? Ils sortirent la nuit avec des torches et des lanternes pour le prendre, car ils croyaient n’avoir à faire qu’à un pur homme. Mais lui, voulant les instruire de sa puissance, et, en dépit de leur obstination, leur montrer qu’il est Dieu, leur dit : Qui cherchez-vous ? (Jn. 18, 4) Ils étaient devant lui et tout près, et ils ne le voyaient pas. Ils le cherchaient, et c’était lui qui guidait leurs pas afin qu’ils le trouvassent ; Jésus voulait leur apprendre qu’il n’allait pas à la passion par contrainte, et que, s’il n’avait pas consenti à souffrir, aucune puissance humaine n’aurait pu l’y forcer. Comment auraient-ils pu le contraindre ceux qui ne savaient pas même le trouver ? que dis-je, ceux qui ne pouvaient même pas le voir quoiqu’il fût présent ? non seulement ils ne le voyaient pas, quoique présent, mais Jésus les interrogeait, ils lui répondaient, et ils ne savaient pas encore qui était celui qui leur parlait, tant ils étaient aveuglés ! Jésus fit plus : il fit tomber ces hommes à la renverse. Lorsqu’il eut dit Qui cherchez-vous ? tous s’en allèrent à la renverse comme poussés par cette voix. La voix les renversa par terre de la même manière que saint Paul fut lui-même terrassé par celle qu’il entendit. Saint Paul ne vit pas celui qu’il persécutait, les Juifs ne virent pas celui qu’ils cherchaient. La fureur de Paul l’empêcha de voir, la fureur des Juifs les empêcha de voir. Paul fut terrassé lorsqu’il était en route pour aller enchaîner les disciples, les Juifs le furent pendant qu’ils allaient pour enchaîner le Christ. Ici des chaînes, et là des chaînes ; persécution ici, persécution là ; cécité d’une part, cécité de l’autre ; voix dans un cas, voix dans l’autre ; dans les deux cas la puissance du Christ paraît avec le même éclat, les remèdes employés sont les mêmes, mais l’effet produit n’est pas le même ; c’est qu’aussi les malades étaient bien différents. Quoi de plus insensé, de plus stupidement dur que les Juifs ? Ils sont renversés, mais ils se relèvent et poursuivent leur criminelle entreprise. Des pierres seraient-elles plus insensibles ! Afin qu’ils sachent quel est Celui qui les a jetés par terre par cette seule parole : Qui cherchez-vous ? il réitère sa demande lorsqu’ils sont levés : Qui cherchez-vous ? puis, quand ils ont répondu : Jésus, il reprend : Je vous l’ai déjà dit : C’est moi. (Jn. 18, 6) C’est comme s’il leur disait : sachez que je suis le même qui mous ai demandé : qui cherchez-vous ? et qui vous ai terrassés. Mais cela ne produisit aucun effet, et ils demeurèrent dans leur aveuglement. Ce parallèle a dû vous convaincre que saint Paul ne s’est pas converti par nécessité, mais par l’heureuse disposition de son âme et par la sincérité de sa conscience.
6. Si vous le permettez et si votre patience n’est pas épuisée, je vous citerai encore un exemple plus saisissant, et qui démontrera, sans qu’il reste rien à objecter, que ce ne, fut pas par nécessité, mais librement, que saint Paul s’est converti au Seigneur. Paul vint plus tard à Salamine, dans l’île de Chypre, et il trouva là un magicien qui le combattait en présence du proconsul Sergius. Alors Paul rempli du Saint-Esprit lui dit : O homme rempli de fraude et de malice, fils du diable, ne cesseras-tu pas de pervertir les voies du Seigneur ? (Act. 13, 10) C’est ainsi que parle