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Ayant ainsi parlé, il cria très-haut : Lazare, viens ici dehors. (Jn. 11,43) Sans doute il voulut, même par sa voix, nous représenter la résurrection à venir ; car il est écrit : La trompette retentira, et les morts ressusciteront. (1Cor. 15,12) J’aurais encore plusieurs choses à dire, mais je me sens rappelé par le sujet qui aujourd’hui s’offre naturellement à nous, et je me vois contraint de passer d’une tombe à une autre.
Aussi bien est-il très opportun de comparer le tombeau de Lazare à celui de nos saintes martyres, et il ne me semble pas sans à-propos que leur mort soit fêtée en quelque sorte auprès du sépulcre de Lazare. C’est un tombeau d’une part et un tombeau de l’autre, mais celui de Lazare en s’ouvrant fait éclater la puissance du Christ, et celui des saintes martyres en se fermant et remplissant son office proclame la grâce de notre Sauveur. Là, c’est un mort qui 's ; élance du tombeau par l’effet d’un pouvoir supérieur à la nature ; ici, ce sont des femmes qui, contrairement à la nature, se précipitent vers le tombeau. D’une part, vous voyez un signe de la puissance divine, de l’autre, vous avez une preuve d’une libre et généreuse volonté ; là, c’est Lazare échappant divinement aux portes de la mort, ici, des femmes qui les envisagent avec assurance ; après la mort de l’un vient sa résurrection, à la mort des autres succède la vie ; d’un côté, la mort se voit violemment arracher sa proie, de l’autre, la mort est publiquement foulée aux pieds ; mais la mort après avoir prêté Lazare à la vie ne tarda pas à le lui reprendre, ou plutôt, comme dit l’Apôtre : Il y eut des femmes à qui leurs morts furent rendus par résurrection (Héb. 11,35), Dieu l’ayant ordonné ainsi ; tandis que celles-ci, cette mère avec ses filles, dont la commémoration nous rassemble en ce jour, se sont élancées d’une vie passagère à une vie sans fin, la mère, pieuse femme qui avait souffert les douleurs de l’enfantement, et ses filles, de jeunes vierges à qui ces mêmes douleurs étaient inconnues ; la mère qui avait sacrifié sa virginité pour donner le jour à des vierges, mère dont les douleurs avaient produit des modèles de chasteté, mère qui, suivant les lois de la nature, avait enfanté des vierges. Un tyran faisait alors partout la guerre aux personnes pieuses, détournant son glaive du carnage des étrangers, il le trempait dans le sang de ses compatriotes ; il persécutait ce Christ qu’il ne pouvait voir, s’imaginant qu’il dépouillerait le pasteur lui-même en s’attaquant à son bercail, il dirigeait ses traits contre le ciel même, et voyait d’un œil d’envie s’agrandir le royaume de Jésus-Christ : ce tyran, voilà quel était le persécuteur, et celles qui avaient à se défendre, c’étaient de timides jeunes filles. On enlevait aux citoyens leurs biens, et les citoyens abandonnaient leur patrie ; des soldats impies entraînaient ces jeunes filles, qui n’avaient de goût que pour la modestie et la vertu, ces brigands voulaient les forcer d’adorer la statue d’un nouveau Nabuchodonosor. (Dan. 3) Mais, comme à Babylone, cette nouvelle triade de martyrs trouva aussi sa fournaise : les liens de leur âme et de leur corps furent dissous, et permirent à leur âme de s’envoler en liberté dans le ciel. Ce même serpent, qui jadis poursuivant Eve dans le paradis avait surpris par la ruse son innocence et sa simplicité, s’aperçut bien cette fois que le fleuve était devenu un bain de purification dont les ondes étaient pénétrées de l’Esprit divin ; il ne poursuivit donc les bienheureuses femmes que jusque-là repoussé par ces eaux auxquelles un feu tout spirituel s’était mêlé, réfléchissant à sa perfidie, il pleura sur le châtiment de ses anciens stratagèmes ; ces femmes autrefois si faciles à tromper et à épouvanter, il les trouvait maintenant fières et audacieuses contre la mort ; ce talon qu’il guettait l’occasion de faire trébucher, il le voyait actuellement bondir de la terre au ciel. Mais nous nous sommes suffisamment arrêtés au panégyrique de ces femmes victorieuses, nous avons partout mêlé au sujet quelque enseignement utile, nous avons rehaussé l’éclat d’un antique tombeau par celui d’un autre plus récent, nous avons rapproché une résurrection miraculeuse d’une mort pleine de courage, nous avons mis sous les yeux de tous, de l’un et de l’autre sexe, des modèles de vertu et de piété, nous vous avons montré une mort illustre et une résurrection digne d’envie, il ne nous reste plus qu’à rendre grâces à Jésus-Christ, qui a l’autorité sur la vie et sur la mort, et à qui appartiennent la gloire et la puissance conjointement avec le Père et avec l’Esprit saint et vivifiant, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.