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la nature, quand il reçut l’ordre d’immoler son fils, la nature domptée en lui par l’énergie de la volonté ? N’avez-vous pas vu les trois enfants hébreux vous donner le même exemple ? N’entendez-vous pas le proverbe, que l’habitude fait de la volonté une seconde nature ? Je dirais volontiers, que c’est la première nature ; tout ce que nous avons déjà dit le démontre. Ne voyez-vous pas que l’on peut conquérir jusqu’à la fermeté de la nature, par une volonté généreuse et vigilante, et qu’il y a plus de gloire à recueillir de la vertu volontaire que de la vertu pratiquée par contrainte ? Voilà le bien par excellence. Aussi quand je l’entends prononcer ces paroles : Je traite rudement mon corps, et je le réduis en servitude, de peur qu’ayant prêché aux autres, je ne sois réprouvé moi-même (1Cor. 9,27), c’est alors surtout que je célèbre ses louanges ; je vois ce que sa vertu lui a coûté de peines, de sorte que les hommes venant après lui ne peuvent pas colorer leur mollesse par sa facilité naturelle à faire le bien. Et quand il prononce encore ces paroles : Je suis crucifié au monde (Gal. 6, 14), je célèbre encore sa volonté. C’est qu’il est possible, par l’ardeur de la volonté, oui, il est possible d’imiter la force de la nature. Et si nous pouvions mettre sous vos yeux ce modèle de la vertu parfaite, vous verriez que son zèle a su donner aux vertus volontaires toute la fermeté qui vient de la nature. Il ressentait la douleur des coups, cependant il les méprisait comme feraient les puissances incorporelles : de là ces paroles qui le feraient prendre pour un homme supérieur à notre nature. Car lorsqu’il dit : Je suis crucifié au monde, et le monde est crucifié pour moi; autre part : Je vis, ou plutôt ce n’est pas moi qui vis, mais c’est Jésus-Christ qui vit en moi (Gal. 2,20), n’est-ce pas comme s’il disait qu’il est sorti de son corps ? Que signifient encore ces paroles : Dieu a permis que je ressentisse dans ma chair un aiguillon qui est l’ange et le ministre de Satan ? (2Cor. 12,7) C’est pour montrer que la douleur n’allait pas plus loin que le corps ; sans doute elle pénétrait jusqu’à l’âme, mais par l’énergie de sa volonté, il la repoussait. Que veulent dire tant d’autres paroles encore plus admirables, quand il se réjouit d’avoir été battu de verges, quand il se glorifie d’être chargé de chaînes ? Essayez de les expliquer autrement que nous ne l’avons fait en rapportant ce texte : Je châtie mon corps et je le réduis en servitude ; je crains qu’ayant prêché aux autres, je ne sois moi-même réprouvé. Ces paroles montrent la faiblesse de la nature ; et j’en ai tiré comme conséquence la noble vigueur de la volonté.
Car voici pourquoi ce double sujet de réflexions vous est proposé : il ne faut pas que la grandeur que vous admirez en lui vous fasse croire que sa nature diffère de la nôtre, et que cette pensée vous décourage ; il ne faut pas non plus, pour quelques petites défaillances que vous pouvez remarquer, condamner cette âme sainte ; voyez-y, au contraire, encore une raison de conserver le courage et de concevoir d’heureuses espérances. Voilà pourquoi il célèbre encore la grâce de Dieu, il l’exagère, non, il ne l’exagère pas ; mais il en parle avec reconnaissance, il ne veut pas vous laisser croire qu’il ait rien de bon qui soit de son fonds à lui. Il parle aussi de son zèle, afin que vous n’alliez pas, ayant tout remis entre les mains de Dieu, vous endormir dans un profond sommeil. Vous trouverez dans cet apôtre les règles d’une conduite toujours exacte et mesurée.
Mais voici encore une objection. Il s’est emporté contre l’ouvrier en cuivre, Alexandre. Qu’importe ? Il n’a pas prononcé des paroles de colère, mais de douleur, au nom de la vérité ; il ne se plaignait pas de ce qu’on l’attaquait, mais de ce qu’on s’apposait a l’Évangile. Il combat fortement, dit l’Apôtre, non pas moi, mais la doctrine que nous enseignons. (2Tim. 4,15) De sorte que l’imprécation de Paul, non seulement fait voir son amour pour la vérité, mais de plus est une consolation pour ses disciples. Il était naturel qu’ils fussent scandalisés au spectacle de blasphémateurs impunis, de là l’imprécation. Mais il a encore prié pour attirer la colère divine contre d’autres personnes, par exemple : Il est bien juste, devant Dieu, qu’il afflige à leur tour ceux qui vous affligent maintenant (2Thes. 1,6) ; il ne désirait pas leur châtiment, loin de là, mais la consolation de ceux qui étaient affligés. Aussi ajoute-t-il : Et qu’il vous console avec nous, vous qui êtes dans l’affliction. Et ce qui le prouve c’est, quand il souffre lui-même, la sagesse de ses paroles, sa manière de répondre à ses ennemis, écoutez : On nous maudit, et nous bénissons ; on nous persécute, et nous souffrons ; on nous dit des injures, et nous répondons par des prières. (1Cor. 4,12-13) Si ses actions, ses paroles à l’égard des autres,