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choses futures. De là ces grandes et belles paroles qui semblent incroyables à tant de personnes : J’eusse désiré de devenir moi-même anathème, et d’être séparé de Jésus-Christ pour mes frères, mes parents selon la chair. (Rom. 60,3) C’est qu’il est possible, nous n’avons qu’à le vouloir, de surmonter toutes les frayeurs de la nature par la force de la volonté, et il n’est rien d’impossible pour l’homme dans ce que le Christ lui commande. Car si nous donnons au Seigneur toute la vigueur d’âme qui est en nous, Dieu à son tour nous accorde un secours puissant, et c’est ainsi que nous pouvons échapper à tous les dangers qui nous épouvantent. Il n’y a rien de répréhensible à craindre les coups, mais ce qui est répréhensible, c’est de commettre, parce que l’on craint les coups, une action que la piété réprouve ; en vertu même de cette crainte, l’homme qui craint les coups, et ne succombe pas, mérite plus l’admiration que celui qui est sans crainte. Sa vertu brille d’un plus vif éclat ; la crainte des coups est un effet de la nature ; mais ce qui ne faiblit pas lâchement sous cette crainte, c’est la vertu, qui corrige l’infirmité de la nature, c’est l’héroïsme qui triomphe, de la lâcheté et de la faiblesse. S’affliger n’a rien de répréhensible ; ce qu’il faut condamner, c’est l’affliction qui s’abandonne à des paroles ou à des actions qui déplaisent à Dieu. Si je vous disais que Paul n’était pas un homme, vous auriez raison de me rappeler les défauts de la nature, pour réfuter mes paroles ; mais je dis et j’insiste sur ce point que c’était un homme, dont la nature n’avait rien de supérieur à la nôtre, je dis qu’il est devenu meilleur par le fait de sa volonté ; dès lors vos objections sont vaines, ou plutôt elles ne sont pas vaines ; vous célébrez la gloire de Paul ; vous montrez par là sa grandeur, puisque avec une telle nature, il a pu s’élever au-dessus de la nature. Et non seulement vous exaltez Paul, mais vous fermez la bouche à ceux qui succombent, vous ne leur permettez plus de se réfugier derrière le prétexte de l’excellence de sa nature, vous les forcez à reconnaître en lui la ferveur qui vient de la volonté.
Mais, dites-vous, il lui est arrivé de craindre la mort ? Sans doute, et c’est encore un effet de la nature. Cependant ce même homme qui craignait la mort, disait aussi : Pendant que nous sommes dans cette tente, nous gémissons sous sa pesanteur (2Cor. 5,4) ; et encore Nous gémissons en nous-mêmes (Rom. 8,23). Voyez-vous comme il compense la faiblesse de la nature par la force de la volonté ? Souvent nombre de martyrs, conduits à la mort, ont pâli ; ils étaient pleins de terreurs et d’angoisses ; et c’est pour cela même surtout qu’il les faut admirer ; ces hommes qui craignaient la mort, ne la fuyaient pas pour Jésus-Christ. Ce Paul qui craignait la mort, se déclare prêt à endurer les tourments de l’enfer, pour l’amour qu’il porte à Jésus-Christ ; il a peur de mourir, et il désire d’être délivré de son corps. Et il ne fut pas le seul animé de tels sentiments ; le prince des apôtres, lui aussi, disait souvent qu’il était prêt à donner sa vie, et cependant il avait horreur de la mort. Écoutez les paroles que le Christ lui adresse à ce sujet : Lorsque vous serez vieux, un autre vous ceindra et vous mènera où vous ne voulez pas (Jn. 21,18) ; le Christ exprimait ainsi l’infirmité de la nature, non celle de la volonté. Car la nature éclate malgré nous ; impossible à nous de maîtriser ses surprises, quelle que soit l’ardeur de notre volonté, de notre zèle ; et maintenant, il n’en résulte pour nous aucun dommage ; au contraire, nous n’en méritons que plus d’être admirés. Quelle accusation pouvez-vous intenter à celui qui redoute la mort ? quelle louange, au contraire, ne mérite-t-il pas, si, redoutant la mort, il montre toujours un généreux courage ? Ce qu’il faut accuser, ce n’est pas l’infirmité de la nature, mais l’asservissement à cette infirmité ; on a raison d’appeler grand, de juger digne d’admiration celui qui surmonte la malignité de la nature par le courage viril de la volonté. Par cette victoire, il montre la puissance de l’homme qui sait vouloir, et il ferme la bouche à ceux qui demandent pourquoi la nature ne nous a pas faits vertueux ? Qu’importe que ce soit la nature qui opère ce qui est possible à la volonté ! Et de combien l’œuvre de la volonté n’est-elle pas au-dessus de l’action de la nature ! Elle la surpasse de tout ce qui mérite les couronnes et la gloire. Mais, dira-t-on, le don de la nature est solide. Mais si vous êtes résolus à faire preuve d’une volonté généreuse, cette volonté a plus de force que la nature. Ne voyez-vous pas les corps des martyrs déchirés par les glaives, la nature cède au fer, la volonté n’y cède pas, rien ne l’ébranle. N’avez-vous pas vu, répondez-moi, la volonté d’Abraham maîtrisant