Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 3, 1864.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qu’il a fait, non par la force de la rhétorique, tout au contraire, avec la plus grossière ignorance du langage. Écoutez-le, disant sans rougir : Si je suis peu instruit pour la parole, il n’en est pas de même pour la science. (2Cor. 11,6) Et il était sans fortune. C’est en effet ce qu’il dit lui-même : Jusqu’à cette heure, nous souffrons la faim et la soif, la nudité et les mauvais traitements. (1Cor. 4,11) Que parlé-je de fortune, quand il manquait souvent de la nourriture nécessaire, quand il n’avait même pas de quoi se couvrir ? Que sa profession n’avait rien de relevé, c’est son disciple qui nous l’apprend par ces mots : Il demeurait chez Aquilas et Priscille, parce que leur métier était le sien ; ils faisaient des tentes. (Act. 18,3) Il n’avait donc pas l’illustration de la naissance ; c’est évident, par l’industrie qu’il exerçait. Il n’était pas davantage d’une patrie, d’une nation illustre. Eh bien, malgré tout, il n’eut qu’à s’avancer, il n’eut qu’à se montrer, pour déconcerter ses ennemis, pour les confondre entièrement, et, comme le feu tombant sur la paille ou le loin, il brûla l’empire des démons ; à sa volonté il transforma tout.
Et il ne faut pas admirer seulement qu’un homme, dans ces conditions, eut un si grand pouvoir, mais aussi que le plus grand nombre de ses disciples, furent des pauvres, des gens sans habileté, sans instruction, des indigents, obscurs et fils de gens obscurs. C’est ce qu’il publie lui-même, et il ne rougit pas quand il parle de leur pauvreté, bien plus quand il demande des secours pour eux. Je m’en vais, dit-il, à Jérusalem porter des aumônes aux saints. (Rom. 15,25) Autre passage : Que chacun de vous mette à part, chez soi, le premier jour de la semaine, ce qu’il aura amassé, afin qu’on n’attende pas mon arrivée pour recueillir les aumônes. (1Cor. 16,2) Ce qui prouve que le plus grand nombre de ses disciples étaient des gens sans habileté, c’est ce qu’il écrit, aux Corinthiens : Considérez votre vocation, il y en a peu de sages selon la chair ; vous êtes sortis de gens obscurs, il y en a peu de nobles, dit-il (1Cor. 1,26) ; et non seulement ils ne sont pas nobles, mais tout à fait de basse naissance. Car, dit-il, Dieu a choisi les faibles selon le monde, ce qui n’existe pas, pour détruire ce qui existe. (Ibid, 27, 28) Mais s’il était sans habileté, sans instruction, il possédait au moins, à un certain degré, le talent qui persuade ?
Nullement. C’est encore ce qu’il montre par ces paroles : Je suis venu vers vous, sans les discours élevés des orateurs ou des sages, vous apportant mon témoignage. Car je n’ai point fait profession de savoir autre chose parmi vous, que Jésus-Christ et celui-ci crucifié, et je n’ai point employé en vous parlant les discours persuasifs de la sagesse humaine. (1Cor. 2,1, 2, 4) Ce qui était publié suffisait de soi-même pour tout attirer. Mais écoutez ce qu’il dit lui-même à ce sujet : Les Juifs demandent des miracles, et les Grecs cherchent la sagesse ; pour nous, nous publions le Christ crucifié, qui est un scandale pour les Juifs et une folie pour les Grecs. (1Cor. 1,22, 23) Mais il jouit de toute sécurité dans sa prédication ? Au contraire il ne respira jamais à l’abri des dangers. J’ai toujours été dans un état de faiblesse, dit-il, et de crainte et de tremblement auprès de vous. (1Cor. 2,2) Ce qui ne lui arrivait pas à lui seul, mais, en même temps, à ses disciples. Rappelez, dit-il, en votre mémoire, ces premiers jours, où, après avoir été illuminés par le baptême, vous avez soutenu de grands combats au milieu de diverses afflictions, ayant été, d’une part, exposés en public, aux injures et aux mauvais traitements, et de l’autre, ayant été compagnons de ceux qui ont ainsi souffert. Vous avez vu avec joie tous vos biens pillés. (Héb. 10,32-34) Il écrit aux Thessaloniciens : Vous avez souffert de la part de vos concitoyens, les mêmes persécutions que ceux-ci de la part des Juifs qui ont tué le Seigneur, et leurs propres prophètes, et qui nous ont persécutés ; qui ne plaisent point à Dieu, et qui sont ennemis de tous les hommes. (1Thes. 2,14, 15) Et aux Corinthiens il écrivait encore : Car, à mesure que les souffrances de Jésus-Christ s’augmentent en vous, et que vous devenez comme les compagnons de sa passion, de même vous participez à ses consolations (2Cor. 1, 5) ; et aux Galates : Vous avez tant souffert en vain, dit-il, si toutefois ce n’est qu’en vain. (Gal. 3,4)
Eh bien ! quand le prédicateur n’était qu’un homme sans habileté, pauvre, obscur, quand la doctrine qu’il publiait n’avait rien d’attrayant, n’était qu’un scandale, quand les auditeurs eux-mêmes étaient des pauvres, des gens faibles, des gens de rien, quand les dangers succédaient continuellement aux dangers, quand les périls menaçaient également maîtres et disciples, quand celui qu’on annonçait était un crucifié, quelle