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devait être à l’égard des autres hommes. La seule chose dont il se faisait une honte, c’était de négliger quelque objet qui eût rapport à leur salut. Voilà pourquoi il mettait tout en œuvre et en usage pour ceux qu’il fallait sauver, et ne ménageait ni ses paroles, ni son argent, ni sa personne ; lui qui s’est livré mille fois à la mort, à plus forte raison aurait-il prodigué l’argent s’il en avait eu. Que dis-je, s’il en avait eu ? je puis montrer qu’il n’a pas épargné l’argent, quoiqu’il n’eût rien. Et ne regardez pas ces paroles comme une énigme, mais écoutez-le lui-même qui dit : Je donnerai volontiers tout ce que j’ai, et je me donnerai encore moi-même pour le salut de vos âmes. (2Cor. 12,15) Parlant aux Éphésiens, il leur disait : Vous savez que ces mains ont fourni tout ce qui m’était nécessaire, à moi et à ceux qui étaient avec moi. (Act. 20,34)
Ce grand homme, embrasé de la charité, la première de toutes les vertus, avait un cœur plus brûlant que la flamme même. Et comme le fer jeté dans le feu devient feu tout entier, de même Paul, enflammé du feu de la charité, était devenu tout charité. Comme s’il eût été le père commun de toute la terre, il imitait, ou plutôt il surpassait tous les pères, quels qu’ils fussent, pour les soins temporels et spirituels : ses paroles, son argent, sa personne, sa vie même, il sacrifiait tout en un mot pour ceux qu’il aimait. Aussi appelait-il la charité, la plénitude de la loi, le lien de la perfection, la mère de tous les biens, le principe et la fin de toutes les vertus. C’est ce qui lui faisait dire : La fin des commandements est la charité, qui naît d’un cœur pur et d’une bonne conscience (1Tim. 1,5) ; et encore : Ces commandements de Dieu : Vous ne commettrez point d’adultère, vous ne tuerez point, et s’il y en a quelque autre semblable, sont compris en abrégé dans cette parole : Vous aimerez le prochain comme vous-même. (Rom. 13,9)
Puis donc que la charité est le principe et la fin de tous les biens, et qu’elle les renferme tous, tâchons d’imiter le grand Apôtre dans une vertu qui l’a élevé au comble de la perfection. Ne me parlez ni des morts qu’il a ressuscités, ni des lépreux qu’il a guéris (Dieu ne vous demandera rien de cela) ; acquérez la charité de Paul, et vous obtiendrez une couronne parfaite. Et qui est-ce qui le dit ? le docteur lui-même de la charité, qui la préférait au don des prodiges et des miracles, et à tous les autres. Comme il l’avait beaucoup pratiquée, il en connaissait parfaitement le pouvoir. C’est la charité surtout, je le répète, qui l’a élevé au comble de la perfection, qui l’a rendu digne de Dieu. Aussi disait-il : Désirez les dons les plus excellents ; mais je vais vous montrer une voie plus excellente encore. (1Cor. 12,31) C’est de la charité qu’il parle, comme de la voie la meilleure et la plus facile. Marchons-y donc sans cesse dans cette voie, afin que nous puissions voir Paul, ou plutôt le Maître de Paul, et obtenir des couronnes incorruptibles, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soient la gloire et l’empire, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.