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louange, toute abondance oratoire, et notre défaite vaut mieux que tous les triomphes possibles de la parole. Par où commencer nos éloges ? Par où, sinon par démontrer ce que nous venons d’avancer, savoir, qu’il possède les vertus que l’on voit dans tous les hommes ? Car quelque grandeur qu’aient montrée, soit les prophètes, soit les patriarches, soit les justes, soit les apôtres, soit les martyrs, réunissez toutes ces vertus, Paul en sa personne les a reproduites toutes ensemble à un si haut degré de perfection que nul, en ce qu’il a de meilleur, ne peut rivaliser avec lui. Voyez, Abel a offert un sacrifice (Gen. 4,4) de là, la célébrité de son nom ; mais, si vous considérez le sacrifice de Paul, vous verrez qu’il est aussi supérieur à l’autre que le ciel est au-dessus de la terre. De quel sacrifice voulez-vous que je vous parle ? car un seul ne lui a pas suffi. Chaque jour il s’offrait lui-même en sacrifice (1Cor. 15,31), et il s’offrait doublement, mourant chaque jour, et promenant partout ce qui était frappé de mort en lui. (2Cor. 4,10) Sans cesse il faisait face aux dangers, il s’immolait volontairement, mortifiant en soi la nature de la chair, vraie victime sacrifiée à Dieu, ou plutôt victime bien préférable aux anciennes. Car il n’immolait ni génisses, ni brebis : c’était lui-même qu’il sacrifiait chaque jour, et doublement. De là, la confiance qui lui faisait dire : J’ai déjà reçu l’aspersion pour être sacrifié. (2Tim. 4,6) Cette aspersion veut dire qu’il a déjà répandu son propre sang.
Sachez bien qu’il ne lui suffit pas de ces sacrifices ; mais, après s’être entièrement consacré à Dieu, il lui fit encore une offrande des peuples, des continents, des mers ; planant sur les pays grecs, sur les pays barbares ; sur tout l’espace que le soleil embrasse, il volait comme un aigle, il volait partout, non en simple voyageur, mais arrachant les épines des péchés, répandant la parole de la piété, dissipant l’erreur, amenant la vérité ; des hommes, il faisait des anges, ou plutôt, des démons, il faisait des anges, et ces anges étaient des hommes. Aussi, près de son départ, après tant de sueurs et des trophées sans nombre, pour consoler ses disciples, il disait : Quand même je devrais répandre mon sang sur la victime et le sacrifice de votre foi, je m’en réjouirais, et je m’en conjouirais avec vous tous ; et vous devriez aussi vous en réjouir et vous en conjouir avec moi. (Phil. 2,17-18) Quelle victime pourrait donc égaler celle que Paul immola avec le glaive de l’Esprit, qu’il offrit sur l’autel érigé au plus haut des cieux ? Abel périt par la perversité, par la rage meurtrière de Caïn (Gen. 4,8) ; de là, la gloire d’Abel. Mais moi j’ai à vous montrer, des milliers de morts, autant de morts que ce bienheureux apôtre a passé de jours à publier le Seigneur. Et maintenant si vous voulez considérer la mort non plus seulement spirituelle mais réelle de saint Paul, vous remarquerez que si Abel fut tué par un frère qui n’avait en rien à se plaindre de lui, Paul fut égorgé par ceux qu’il voulait arracher à des maux sans nombre, pour qui il a enduré tout ce qu’il a souffert.
Noé fut un homme juste et parfait au milieu des hommes de son temps (Gen. 6,9), et il était sans égal parmi eux tous ; Paul fut sans égal parmi les hommes de tous les temps. Noé se sauva seul, avec ses enfants ; Paul, à son tour, vit le monde englouti sous un nouveau déluge beaucoup plus affreux que l’ancien ; il ne fit pas une arche avec des planches ; au lieu de planches il agença des épîtres ; mais il ne sauva pas deux, ou trois, ou cinq de ses parents, il sauva du péril l’univers entier qui s’abîmait dans les flots. Son arche n’était pas réduite à ne parcourir qu’un seul lieu, elle comprenait la terre jusqu’à ses dernières limites, et alors, et maintenant encore, Paul nous fait tous entrer dans cette arche construite pour sauver les foules, qui transforme des insensés plus dépourvus de raison que les animaux, qui en fait des êtres dignes de rivaliser avec les puissances d’en haut, victoire de l’arche nouvelle sur celle d’autrefois. Celle-là reçut un corbeau, et laissa sortir un corbeau ; elle reçut un loup, et n’en adoucit pas la férocité : Paul fit mieux ; il reçut des loups, il en fit des brebis ; les éperviers, les geais, il les transforma en colombes ; tout ce qui était déraison et férocité, il le chassa de la nature humaine, il y substitua la douceur de l’Esprit, et maintenant encore flotte sur les ondes l’arche qui ne se brise pas. C’est que pour fendre de pareilles planches les orages de la perversité n’ont pas de puissance : c’est l’arche qui domine les flots qu’elle sillonne, et l’arche fait taire la tempête ; et cela est juste, car ce n’est ni le bitume, ni la poix qui joignent les planches, c’est l’Esprit-Saint.
Voyez Abraham maintenant, tous l’admirent ; quand il entendit ces paroles : Sortez de votre