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Voilà pourquoi l’Esprit-Saint est venu les visiter en forme de langues ; c’était aussi pour nous rappeler le souvenir d’une ancienne histoire. Comme dans les premiers âges du monde, les hommes, entraînés par l’orgueil, avaient voulu construire une tour qui s’élevât jusqu’au ciel, mais que Dieu, par la division des langues, avait dissipé leur criminel complot, l’Esprit-Saint descend aujourd’hui sous la forme de langues de feu, afin de réunir le monde divisé, et, par une opération nouvelle et extraordinaire, au lieu qu’autrefois les langues avaient divisé la terre et rompu une ligue coupable, les langues, aujourd’hui, réunissent la terre, et ramènent l’union où régnait la discorde. Voilà donc pourquoi l’Esprit-Saint se montre sous la forme de langues ; il emprunte des langues de feu, à cause de l’abondance des épines que le péché avait fait croître en nous. Quelque gras et quelque fertile que soit un champ par lui-même, s’il n’est point labouré, il se couvre et se hérisse partout de buissons et d’épines ainsi notre âme, quoique sortie bonne des mains du Créateur, quoique propre par elle-même à produire des fruits de vertu, ne recevant pas la culture de la piété, ni la semence de la connaissance de Dieu, a produit comme une forêt d’épines et de plantes inutiles, que l’impiété a fait croître en elle. Et semblable à la terre, dont la face est souvent cachée sous la multitude des épines et des mauvaises herbes, la pureté et la dignité de la plus noble portion de nous-mêmes étaient comme étouffées et ne paraissaient pas, jusqu’à ce que le divin Cultivateur de la nature humaine l’eût purifiée par le feu de son Esprit, et l’eût rendue propre à recevoir les semences célestes.
3. Tels sont les biens, et de plus grands encore, que ce jour nous a procurés. Célébrons-le donc, ce jour, d’une manière qui réponde aux grâces qu’il nous apporte, célébrons-le en décorant nos âmes de toutes les vertus, plutôt qu’en ornant de fleurs l’entrée de nos maisons, et en revêtant nos murs de tapis superbes, afin que nous puissions recevoir la grâce de l’Esprit-Saint, et recueillir les fruits qui en proviennent. Et quels sont ces fruits ? écoutons le bienheureux Paul : Les fruits de l’Esprit, dit-il, sont la charité, la joie, la paix. (Gal. 5,22) Voyez quelle est l’exactitude du langage, et la suite naturelle des idées ! Il met la charité à la tête ; et après cela il parle des biens qui doivent suivre ; c’est après avoir planté la racine qu’il montre les fruits qui doivent naître ; c’est après avoir posé le fondement, qu’il bâtit dessus l’édifice ; c’est après être remonté à la source qu’il descend aux ruisseaux qui en découlent. Car la joie ne peut entrer dans nos âmes avant que nous ne regardions la prospérité d’autrui comme la nôtre, avant que le bien qui arrive à notre prochain ne nous soit aussi agréable que s’il nous arrivait à nous-mêmes. Or, nous ne parviendrons jamais à ce point de perfection, à moins qu’une charité supérieure ne domine chez nous avec empire, la charité, qui est la racine, la source, la mère de tous les biens spirituels. Comme une racine, elle produit mille branches de vertu ; comme une source, elle fait jaillir des eaux abondantes ; comme une mère, elle reçoit dans son sein et embrasse tous ceux qui ont recours à elle. Pénétré de cette vérité, saint Paul dit, dans une de ses épîtres, que la charité est le fruit de l’esprit. Il lui accorde dans une autre la glorieuse prérogative d’être l’accomplissement de la loi : La charité, dit-il, est l’accomplissement de la loi. (Rom. 13, I0) Lorsque le Sauveur du monde établit la règle certaine et la marque sûre à laquelle on reconnaîtra ses disciples, il ne propose point d’autre règle, d’autre marque que la charité : Tous les hommes, dit-il, connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de ! a charité les uns pour les autres. (Jn. 13,35) Ainsi, recourons tous à la charité, embrassons-la avec ardeur, et décorons-nous de cette vertu pour célébrer la fête présente. Où est la charité, tous les défauts disparaissent ; où est la charité, tous les appétits déraisonnables se répriment. La charité, dit saint Paul, n’agit point à contre-temps, elle ne s’enfle point, elle n’est point ambitieuse. (1Cor. 13,4) La charité ne fait point de mal à son prochain. Où la charité domine, il n’y a pas de Caïn qui tue son frère. Retranchez l’envie, et vous avez retranché la source de tous les maux ; coupez la racine, et vous avez supprimé le fruit. C’est moins dans l’intérêt de ceux qui sont en butte à l’envie, que je parle, que pour l’avantage de ceux qui éprouvent cette passion, puisque ces derniers se causent les plus grands préjudices, et se portent les coups les plus mortels, tandis que les persécutions de l’envie peuvent valoir aux autres, s’ils le veulent, des prix et des couronnes. Voyez comme le juste Abel est chanté