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nos infortunes leur sont propres, apprenez quelle joie ils ont témoignée lorsqu’ils ont vu notre Maître réconcilié avec nous. Mais s’ils ne s’étaient pas affligés de notre disgrâce, ils ne se seraient pas tant réjouis de notre réconciliation. Or, qu’ils se soient réjouis, j’en trouve la preuve dans ces paroles du Fils de Dieu : Il y aura une grande joie dans le ciel et sur la terre, pour un seul pécheur qui fait pénitence. (Lc. 15,7) Mais si les anges se réjouissent pour un seul pécheur qui fait pénitence, quelle vive satisfaction n’ont-ils pas dû éprouver, en voyant aujourd’hui notre nature placée au plus haut des cieux, dans la personne de celui qui en est les prémices ? Apprenez, d’ailleurs, la joie qu’ont témoignée les troupes célestes pour notre réconciliation. Lorsque Notre-Seigneur naquit selon la chair, les anges voyant qu’il était réconcilié avec les hommes (car il ne serait jamais descendu si bas s’il n’eût été réconcilié), voyant, dis-je, cette œuvre consommée, ils formèrent des chœurs sur la terre, et ils s’écriaient dans leurs transports : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre, et bonne volonté aux hommes. (Lc. 2,14) Et afin que vous sachiez qu’ils glorifient Dieu pour les biens qu’a reçus la terre, ils ajoutent la raison en disant : Et paix sur la terre, et bonne volonté aux hommes, aux hommes qui s’étaient montrés ingrats envers le Créateur, qui étaient ses ennemis déclarés. Vous voyez comme ils glorifient Dieu pour le bonheur d’autrui, ou plutôt pour leur bonheur propre, puisqu’ils regardent ce qui nous arrive d’heureux, comme leur étant personnel. Voulez-vous apprendre qu’ils se réjouissaient et qu’ils triomphaient lorsqu’ils devaient voir Jésus-Christ monter au ciel, écoutons-le lui-même : Vous verrez bientôt, dit Jésus-Christ, les cieux ouverts, et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l’Homme. (Jn. 1,51) Les anges, dit-il, montaient et descendaient sans cesse ; ce qui annonce combien ils désiraient de voir un spectacle merveilleux. C’est l’usage de ceux qui aiment de ne pas attendre le moment où arrivera l’objet aimé, mais de le prévenir par les transports de leur joie. Les anges descendent, parce qu’ils sont empressés de voir un spectacle nouveau et extraordinaire, la nature humaine placée dans le ciel. Voilà pourquoi les anges paraissent, et lorsque Jésus-Christ vient au monde, et lorsqu’il ressuscite, et aujourd’hui qu’il monte au ciel : Deux hommes, dit l’Évangile, parurent vêtus de blanc, annonçant leur joie par la blancheur de leurs habits, et ils dirent aux disciples : Hommes de Galilée, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? ce Jésus, qui, en vous quittant, s’est élevé dans le ciel, viendra de la même manière que vous l’y avez vu monter. (Act. 1,10-11)
5. Suivez-moi, mes frères, avec attention Pourquoi tiennent-ils ce langage ? est-ce que les disciples n’avaient pas d’yeux ? est-ce qu’ils ne voyaient point ce qui se passait ? l’Évangéliste ne dit-il pas qu’ils le virent s’élever au ciel ? pourquoi donc des anges viennent-ils leur apprendre qu’il est monté au ciel ? Pour deux raisons : la première, c’est que les disciples étaient continuellement affligés, quand ils pensaient qu’ils allaient être séparés de Jésus-Christ. Aucun, de vous, leur dit le Fils de Dieu dans l’Évangile (paroles qui confirment ce que j’avance), aucun de vous ne me demande ou Je vais ; mais parce que je vous ai dit ces choses, votre cœur s’est rempli de tristesse. (Jn. 16,5-6) Si nous ne nous séparons qu’avec peine de nos amis et de nos parents, comment les disciples, qui voyaient leur Sauveur, un Père doux et tendre, un Maître plein d’attention et de bonté, se séparer d’eux, comment n’auraient-ils pas été affligés ; comment n’auraient-ils pas éprouvé la douleur la plus vive ? Des anges paraissent pour les consoler d’une séparation pénible, par l’espoir d’un retour agréable : Ce Jésus, leur disent-ils, qui en vous quittant s’est élevé ait ciel, viendra comme il y est monté. Vous vous affligez parce qu’il s’est élevé au ciel ; mais ne vous affligez plus, puisqu’il reviendra. Élisée voyant son maître quitter la terre, déchira ses vêtements, parce que, sans doute, il n’avait personne qui vînt lui dire qu’Élie reviendrait ; afin donc que les disciples de Jésus ne s’affligent pas, à l’exemple de celui d’Élie, des anges viennent les consoler dans leur tristesse. Telle est la première raison pour laquelle les anges paraissent. La seconde, et qui n’est pas moins forte, est celle qui leur fait ajouter : Ce Jésus qui s’est élevé au ciel. Expliquons un peu cette raison. Il s’est élevé au ciel, et la distance étant infinie, la portée de leur vue ne pouvait suffire pour voir un corps s’élever jusqu’aux cieux. Mais comme un aigle qui vole en haut, plus il s’élève, plus il se dérobe à nos regards : de même, plus le corps de Jésus-Christ s’élevait, plus il se dérobait aux