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dépourvu, autant toute la terre a été plus sanctifiée que le temple des Juifs. C’est donc bien véritablement que le mystère de la croix est une fête.
2. Voulez-vous connaître un autre bienfait de la croix, bienfait insigne qui surpasse toutes les idées des hommes ? Elle a ouvert aujourd’hui le ciel qui était fermé en y introduisant aujourd’hui un brigand. Ouvrir le ciel, y introduire un brigand, tels sont les deux miracles qu’elle opère. Elle a rendu à un brigand la céleste patrie, dont il s’était exclu par ses crimes, elle l’a introduit dans la cité d’où il tirait son origine : Vous serez, lui dit Jésus, vous serez aujourd’hui avec moi dans le ciel. (Luc. 23,43) Quoi donc ? vous êtes crucifié, vous êtes cloué sur une croix, et vous promettez le ciel ! comment pouvez-vous accorder cette faveur précieuse ? Jésus-Christ, dit saint Paul, est mort par un effet de la faiblesse humaine. Écoutons ce qui suit : Mais il vit, ajoute le même apôtre, par un prodige de la puissance divine. (2Co. 13,4) Ma puissance, dit-il encore ailleurs, se signale dans la faiblesse. (2Co. 12,9) Si je promets maintenant sur la croix, c’est afin que vous connaissiez ma puissance par la croix. Comme par elle-même la croix est quelque chose de triste, afin que vous ne rougissiez pas en faisant attention à la nature de la croix, mais que vous soyez satisfaits et joyeux en considérant la puissance du Crucifié ; voilà pourquoi Jésus-Christ montre toute sa force sur la croix. Non, ce n’est pas en ressuscitant les morts, en commandant à la mer, en menaçant les démons, mais crucifié, cloué, méprisé, injurié, outragé, bafoué, qu’il a pu fléchir et attirer à lui le cœur pervers d’un brigand. Voyez comme sa puissance éclate de toute part. Il a ébranlé les créatures inanimées ; il a brisé les pierres, et le cœur d’un brigand, plus dur que la pierre ; il l’a amolli, il l’a rendu plus souple que la cire : Vous serez aujourd’hui avec moi dans le ciel. Quoi donc ! les chérubins armés d’une épée flamboyante gardent la porte du ciel, et vous promettez à un brigand de l’y faire entrer ! Oui, sans doute, parce que je suis le maître des chérubins ; que j’ai en mon pouvoir l’enfer et ses feux, la vie et la mort. Jésus-Christ dit donc : Vous serez aujourd’hui avec moi dans le ciel. Dès que les anges et les archanges verront leur Seigneur, ils se retireront aussitôt et se rangeront par respect. Un prince qui fait son entrée dans une ville, ne placerait jamais auprès de lui sur son char un brigand ni aucun de ses serviteurs. C’est ce que fait néanmoins le Fils de Dieu plein de bonté. En retournant dans sa patrie sainte, il y fait entrer avec lui un brigand, sans prétendre, oui, sans prétendre déshonorer le ciel, mais l’honorant davantage par cela même, puisque la gloire du ciel est d’avoir un maître assez puissant et assez bon pour avoir pu rendre un brigand digne du bonheur céleste. Ainsi lorsqu’il appelait au royaume des cieux les publicains et les courtisanes, loin de le déshonorer par là, il l’honorait surtout, en faisant voir que le Maître du royaume des cieux est capable de sanctifier les courtisanes et les publicains, de les rendre dignes des honneurs et des récompenses suprêmes. Comme donc nous admirons un médecin, lorsque nous le voyons guérir de leurs maux et rappeler à une santé parfaite des hommes affligés de maladies incurables : de même, mes très-chers frères, admirez Jésus-Christ, soyez frappés de sa puissance, parce que, trouvant des hommes affligés de maladies spirituelles, de maladies supérieures à tous les remèdes, il a pu les guérir de leurs vices, il a pu les rendre dignes de son royaume, quoiqu’ils fussent parvenus au comble de la perversité. Vous serez aujourd’hui avec moi dans le ciel. Honneur insigne, comble infini de bonté, excès inouï de miséricorde ; car entrer dans le ciel avec le souverain Maître du ciel, est un plus grand honneur que d’y entrer simplement.
Qu’est-il donc arrivé, me direz-vous ? et qu’est-ce que le brigand de l’Évangile a fait de si extraordinaire pour passer de dessus la croix dans le ciel ? Je vais vous le dire en peu de mots, et vous faire comprendre toute sa vertu. Lorsque le chef des disciples, Pierre, le niait chez le grand prêtre, lui le confessait étant sur la croix. Ce n’est pas, non ce n’est pas pour injurier Pierre que je le dis, mais je veux montrer quel fut le courage et la sagesse peu commune du brigand crucifié. Tandis que Pierre ne pouvait soutenir les menaces d’une simple servante, lui qui voyait tout un peuple furieux environner la croix de Jésus, l’outrager par des défis insolents, ne considéra point Il insultes faites au divin compagnon de son supplice ; mais, rompant tous les voiles avec ! yeux de la foi, passant par-dessus toutes marques extérieures de faiblesse et d’humiliation, il reconnut le Maître des cieux, et prononça ces