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à servir et à être initiés aux saints mystères, l’autre avait hâte de trahir son Maître. De même aujourd’hui, nous voyons deux voleurs, mais l’un insulte, l’autre adore, le premier blasphème, celui-ci bénit et il reprend le blasphémateur en ces termes : Tu ne crains donc pas Dieu ? Car nous souffrons la peine que nos crimes ont méritée. (Luc. 23,40-41)
3. Avez-vous vu la foi du bon larron ? Avez-vous remarqué sa foi sur la croix, sa sagesse dans le supplice, sa piété dans les tourments ? Qui ne s’étonnerait de voir qu’il a conservé sa présence d’esprit, qu’il ne s’est pas évanoui étant percé de clous ? non seulement il se possédait parfaitement, mais oubliant ses propres intérêts il s’occupait des affaires des autres, enseignant sur la croix et réprimandant en ces termes : Ne crains-tu donc pas Dieu. Ne t’arrête pas, dit-il à son compagnon, à ce tribunal de la terre, il est un autre juge invisible, un tribunal inaccessible à la corruption. Ne sois pas troublé de ce que cet homme a été condamné ici-bas, les jugements de Dieu diffèrent de ceux-ci. A ce tribunal terrestre, les justes sont quelquefois condamnés et les méchants échappent au châtiment, les coupables sont absous et les innocents dévoués au supplice. C’est que les juges ont beau faire, ils se trompent souvent, et souvent aussi, soit surprise et ignorance du bon droit, soit avec connaissance de cause, parce qu’ils étaient gagnés par argent, ils ont trahi la justice. Là haut, il n’en est pas ainsi, car Dieu est juste juge et son jugement paraîtra comme la lumière sans que les ténèbres ou l’ignorance puissent l’obscurcir. Ainsi, dans la crainte qu’il ne lui objectât la condamnation qui pesait sur le Sauveur, il le conduisit au tribunal du souverain juge, lui rappelant ce tribunal redoutable, comme s’il lui eût dit : « Regarde plus haut et tu ne seras pas ému par ce qui vient de se passer, tu ne seras plus ici-bas avec des juges corrompus ; mais tu en appelleras avec confiance au jugement d’en-haut. » Quel raisonnement chez ce voleur ? Quelle prudence ? Quelle sagesse ? Aussitôt il passa de la croix dans le ciel. Puis, afin de fermer la bouche à son compagnon par un argument sans réplique, il lui disait : Ne crains-tu donc pas Dieu ? Car nous sommes sous le poids de la même condamnation. (Luc. 23,40) Comment cela ? Nous sommes en effet livrés au même supplice. N’es-tu pas toi aussi sur la croix ? Lors donc que tu l’insultes, c’est toi-même que tu attaques. De même que celui qui est en faute s’accuse le premier en accusant ceux qui sont dans le même cas que lui, ainsi celui qui est dans le malheur se condamne en faisant aux autres un crime de leur infortune. Car nous sommes sous le poids de la même condamnation. Et lui lit la loi de l’apôtre exprimée par ces paroles de l’Évangile : Ne jugez pas afin que vous ne soyez point jugés. (Mat. 7,1) Car nous sommes sous le poids de la même condamnation. Que fais-tu, ô larron ? En t’efforçant de plaider la cause du Sauveur ne te rends-tu pas complice des insultes de ton compagnon ? Non, nous répondil ; ce qui suit ne laisse pas de doute à cet égard ; car dans la crainte qu’on ne s’imagine que de la parité du supplice il conclut à la parité des fautes, il rectifie ainsi ses premières paroles : Nous du moins, nous sommes punis justement, puisque nous souffrons la peine que nos crimes ont méritée. (Luc. 23,41) Voyez-vous la confession parfaite ? Voyez-vous comment sur la croix il s’est déchargé de ses fautes ? Car il est écrit : Commence par confesser toi-même tes fautes afin que tu sois justifié. (Isa. 43,26) Personne ne l’a forcé, personne ne lui a fait violence, mais il s’est fait connaître volontairement en disant : Nous du moins nous sommes punis justement, puisque nous souffrons la peine que nos crimes ont méritée ; mais lui n’a fait aucun mal (Luc. 23,41-42), et il ajoute ensuite : Souvenez-vous de moi, Seigneur, dans votre royaume. Il n’a pas osé dire : Souvenez-vous de moi dans votre royaume avant d’avoir déposé par la confession, le fardeau de ses péchés. Comprenez-vous maintenant le prix de la confession ? Le larron se confessa et il ouvrit le ciel ; il se confessa et il acquit une telle confiance qu’ayant à peine cessé d’être voleur il demanda le ciel. De quels biens la croix n’a-t-elle pas été pour nous la source ? Vous prétendez à un royaume, mais qu’est-ce qui l’indique ? Des clous, une croix, voilà ce qui nous apparaît ; mais cette croix est désormais un signe de royauté. J’appelle Jésus-Christ roi, parce que je le vois crucifié car c’est le propre d’un roi de mourir pour ses sujets. Lui-même a dit : Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis (Jn. 10,11), donc aussi le bon roi donne sa vie pour ses sujets. Et parce qu’il a donné sa vie, je l’appelle roi. Souvenez-vous de moi, Seigneur, dans votre royaume.