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Mais quelle raison nous engage à choisir pour notre assemblée ce lieu consacré aux martyrs ? car, par la grâce du Seigneur, notre ville est environnée de tout côté et comme fortifiée des précieux restes des saints. Pourquoi donc nos pères ont-ils voulu que nous nous rassemblions dans ce lieu, et non dans un autre ? c’est qu’il y a ici une grande multitude de morts ; et comme Jésus-Christ est descendu en ce jour vers les morts, voilà pourquoi nous nous rassemblons ici.
Le lieu même est appelé coemeterium, lieu de repos et de sommeil, afin de vous apprendre que ceux qui sont morts et qui y sont déposés, ne sont pas morts, mais ne sont qu’endormis. Avant la naissance de Jésus-Christ, la fin de l’homme était appelée mort : Le jour, dit l’Écriture, où vous mangerez du fruit de cet arbre, vous mourrez de mort. (Gen. 2, 17) L’âme qui pèche, dit-elle ailleurs, mourra de mort. (Ez. 18, 20) La mort des pécheurs, dit David, est funeste. (Psa. 33, 22) La mort des saints, dit le même prophète, est précieuse aux yeux du Seigneur. (Psa. 115, 15) La mort, dit Job, est un repos pour l’homme. (Job. 3, 13) non seulement notre fin était appelée mort, mais enfer. Écoutez David qui dit en propres termes : Cependant Dieu arrachera mon âme des mains de L’ENFER qui s’en sera saisi. (Psa. 48, 16) Vous conduirez, dit Jacob, vous conduirez avec douleur mes cheveux blancs dans L’ENFER. (Gen. 42, 38) Tels étaient les noms qu’on donnait à notre fin avant Jésus-Christ ; mais depuis que le Fils de Dieu est venu, et qu’il est mort pour rendre la vie au monde, la fin de l’homme n’est plus appelée mort, mais repos et sommeil. Nous en trouvons une preuve évidente dans ces paroles de Jésus-Christ : Notre ami Lazare dort. (Jn. 11, 11) Il ne dit pas, Lazare est mort, quoiqu’il fût mort réellement. Et afin que vous sachiez que ce mot de dormir était extraordinaire, voyez comme les disciples sont troublés lorsqu’ils l’entendent : Seigneur, disent-ils à leur divin Maître, si Lazare dort, il sera guéri; tant il est vrai qu’ils ne comprenaient pas la parole de Jésus ! Saint Paul dit en écrivant à des fidèles : Ceux qui dorment ont-ils péri? (1Co. 15, 18) Nous qui vivons, nous ne préviendrons pas ceux qui sont endormis (1Th. 4, 14), dit-il ailleurs en parlant des morts. Il dit encore dans un autre passage : Réveillez-vous, vous qui dormez (Eph. 5, 14) ; et pour faire voir qu’il parle d’un mort, il ajoute : Et levez-vous d’entre les morts. Vous voyez comme partout la mort est appelée sommeil. Voilà pourquoi ce lieu est nommé coemeterium, mot consolant, mot profond et plein de sagesse. Lors donc que vous amenez ici un mort, ne vous désespérez point : ce n’est pas dans un dépôt de mort que vous l’amenez, mais dans un lieu de repos et de sommeil. Le seul nom du lieu suffit pour adoucir' votre perte. Pensez où vous l’amenez, et dans, quel temps ; c’est après la mort de Jésus-Christ, lorsque ce Fils de Dieu a détruit la puissance de la mort. Ainsi le lieu et le temps doivent être pour nous des sources abondantes de consolation. Ce discours s’adresse surtout aux femmes, qui sont naturellement plus sensibles, plus propres à se laisser abattre par l’affliction. Mais vous avez, femmes chrétiennes, vous avez, dans le nom seul du lieu, un remède suffisant à votre douleur. Voilà donc pourquoi nous nous rassemblons ici.
2. C’est aujourd’hui que Notre-Seigneur parcourt tous les abîmes ténébreux ; aujourd’hui il a brisé les portes d’airain ; aujourd’hui il a rompu les gonds de fer. (Isa. 45, 2) Voyez combien les expressions sont exactes. On ne dit pas : Il a ouvert les portes d’airain, mais Il a brisé les portes d’airain, afin que la prison devienne inutile. On ne dit pas : Il a enlevé les gonds, mais : Il les a rompus, afin que le séjour de captivité perde toute sa force. Une prison où il n’y a ni portes ni gonds, ne peut retenir ceux qu’on y enferme. Lors donc que Jésus-Christ a brisé les portes, qui pourra les rétablir ? ce qu’un Dieu a détruit, quel homme le rétablira ? Ce n’est pas ainsi qu’agissent les princes lorsqu’ils envoient des lettres de grâce pour mettre les prisonniers en liberté ; ils laissent et les portes et les gardes, afin d’annoncer à ceux qui sortent de la prison, qu’eux-mêmes ou d’autres à leur place peuvent encore, y rentrer. Jésus-Christ au contraire, voulant apprendre que l’empire de la mort était fini, a brisé ses portes d’airain. Elles sont appelées d’airain, non qu’elles fussent vraiment d’airain, mais c’était pour exprimer le caractère cruel et inexorable de la mort. Et pour vous convaincre que le fer et l’airain expriment une nature rigide et inflexible, écoutez ce que dit l’Écriture en s’adressant à un scélérat sans pudeur : Les fibres de ton cou sont de fer, et ton front est d’airain. (Isa. 48, 4) Ce n’est