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Ce qui est dit dans les deux homélies, que c’est le quatrième jour qu’on parle de la prière pour les ennemis, prouve que saint Jean Chrysostome suivait le même ordre dans ses prédications les deux années où il prononça ces homélies. 1° Il est d’abord question du malheur de Judas et de ceux qui persécutent les justes ; ce ne sont point ceux qui sont persécutés qu’il faut pleurer, mais ceux qui persécutent, puisque les persécutions ouvrent aux premiers la porte du ciel, aux seconds celles de l’enfer. – Cette considération doit porter ceux qui souffrent à prier pour ceux qui les font souffrir, comme Jésus-Christ les y oblige, non seulement pour l’avantage de leurs ennemis, mais encore dans leur propre intérêt, attendu que c’est un moyen d’obtenir la rémission de leurs péchés. – 2° Après une exposition claire, mais profonde, des circonstances de la trahison de Judas, saint Jean Chrysostome se sert de cet exemple pour nous apprendre à ne nous négliger jamais et à ne point présumer de nous-mêmes, de peur de tomber dans l’apostasie comme cet apôtre. – 3° Il établit ensuite le libre arbitre qu’il prouve d’une manière irréfutable par ce qui arriva à Judas et à la femme pécheresse. 4° et 5° Passant ensuite à la dernière cène, il commence par expliquer la Pâque des Juifs, après avoir démontré qu’ils ne peuvent plus immoler légitimement l’agneau pascal depuis qu’ils sont dans une terre étrangère. – 6° Il arrive à l’institution de la sainte Eucharistie. – Rien de plus clair, de plus complet, ni de plus concluant que ce qui est dit sur cette matière. Il termine en recommandant le pardon des injures comme moyen indispensable pour recueillir les fruits du saint sacrifice et recevoir dignement la sainte communion.
1. Je dois entretenir aujourd’hui brièvement votre charité ; je dis brièvement, non que la longueur des discours vous fatigue, car il n’est pas possible de rencontrer une ville où l’on soit plus avide d’assister aux entretiens spirituels. Ce n’est donc point dans la crainte de vous importuner que nous ne vous dirons que peu de choses, mais aujourd’hui nous avons une autre raison d’être court.
Je vois bon nombre de fidèles impatients de, participer aux redoutables mystères. Afin donc qu’ils puissent s’asseoir à cette table et profiter en même temps de nos paroles, nous devrons ne vous adresser que peu de mots, et ainsi vous recueillerez un double avantage, car après avoir été préparés par nos discours, vous vous approcherez ensuite de la communion redoutable et saintement terrible, avec crainte et tremblement, et avec le respect convenable.
Aujourd’hui, mes frères, Notre-Seigneur Jésus-Christ a été trahi : c’est, en effet, le soir de ce jour que les Juifs le prirent et s’en allèrent. Mais ne vous attristez pas en apprenant que Jésus a été trahi ; car ce qui doit vous rendre tristes et vous faire pleurer amèrement, c’est le traître Judas mais non Jésus, sa victime. En effet, celui qui a été trahi a sauvé le monde, le traître a perdu son âme ; celui qui a été trahi est assis à la droite du Père dans les cieux, le traître est maintenant dans l’enfer, en proie à des tourments sans fin. Oh ! c’est lui qu’il faut pleurer et plaindre, c’est sur lui qu’il faut verser des larmes, comme Notre-Seigneur lui-même en a versé. Car il nous apprend qu’à sa vue il fut troublé et il dit : un de vous me trahira. (Jn. 13,21) Oh ! qu’elle est grande la compassion de ce bon Maître ! celui qui est livré pleure sur le traître. Oui, à sa vue il fut troublé et il dit : un de vous me trahira. Pourquoi fut-il triste : c’était tout à la fois pour nous montrer son amour et nous apprendre à pleurer toujours, non sur celui qui souffre le mal, mais sur celui qui le fait : car c’est là le plus grand malheur. Il n’y a même pas de malheur à souffrir le mal qu’on nous fait ; mais faire souffrir, voilà le grand, l’unique malheur. En effet, endurer les maux procure le royaume des cieux, tandis que les faire endurer, c’est se préparer l’enfer et ses supplices, car il est écrit : Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux leur appartient. (Mat. 5,10) Voyez-vous comment la souffrance et l’acceptation des maux obtiennent en retour la récompense du royaume des cieux ? Apprenez maintenant comment le châtiment et le supplice sont la conséquence inévitable des mauvaises actions. Après avoir dit des Juifs : Ils ont tué le Seigneur, ils ont persécuté ses prophètes (1Th. 2,15), saint Paul ajoute : leur fin sera conforme à leurs œuvres. (2Co. 11,15) Remarquez-vous que ceux qui souffrent persécution reçoivent le royaume des cieux, tandis que les persécuteurs 'ne recueillent que la colère céleste ? Et ce n’est pas sans motif que je me suis exprimé de la sorte, car je veux que nous ne nous irritions pas contre nos ennemis, mais qu’au contraire nous ayons pitié d’eux, pleurant et gémissant sur leur sort ; puisque ce sont eux qui endurent le véritable mal par les châtiments qu’ils se préparent. Si nous disposons nos âmes par de telles réflexions, nous pourrons prier pour eux. Voilà en effet le quatrième jour que je vous exhorte à prier pour vos ennemis, afin que mes avis aussi fréquemment répétés se gravent plus profondément en vous. Si dans mes discours j’insiste autant, c’est pour détruire l’enflure de la colère et en calmer l’ardeur, afin qu’en