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du Très-Haut ; comptez que vous ne retrouverez jamais une occasion aussi certaine de lui plaire. Mais comme il pourrait se trouver parmi vous des cœurs pusillanimes qui ne s’en rapporteraient pas à mes paroles, je veux les convaincre par un grand prodige. Allez au champ de bataille ; interrogez ceux de nos frères qui ont été tués aujourd’hui ; ils vous assureront qu’ils jouissent du plus parfait bonheur, pour avoir perdu la vie dans la guerre sainte. Il conduisit alors ses guerriers sur le champ de bataille, où il cria de toute sa force : — Assemblée des fidèles martyrs, faites-nous savoir ce que vous avez vu des merveilles du Dieu Très-Haut. Les compères enfouis répondirent : — Nous avons reçu du Tout-Puissant des récompenses infinies et qui ne peuvent être comprises par des vivants. Les chefs, surpris du prodige de cette réponse, coururent la publier dans l’armée et réveillèrent le courage dans le cœur de tous les soldats. Pendant que le camp s’agitait, le roi, feignant une extase occasionnée par le miracle qui venait d’avoir lieu, était demeuré près des tombeaux où ses serviteurs ensevelis attendaient leur délivrance. Mais il boucha les soupiraux par lesquels ils respiraient et les envoya recueillir, par ce barbare stratagème, les récompenses qu’il venait d’annoncer à leurs frères.

Disons un mot de la peur que tous les hommes ont pour les morts. Trois mauvais sujets de musiciens, au retour d’une partie de débauche, passaient devant un cimetière ; ils y entrent ; après s’être permis, pour s’encourager, de mauvaises plaisanteries sur les morts qui habitaient là, une idée folle leur vint. Ils portaient avec eux leurs instruments de musique. Ils trouvent original de donner un concert à un tas d’ossements rassemblés en faisceau dans l’une des extrémités de ce champ du repos. Ils n’ont pas plutôt commencé leur affreuse sérénade, qu’un cri part du fond de l’ossuaire ; tous les ossements qui le composent se meuvent, s’agitent, s’entrechoquent avec bruit, semblent se réunir et se ranimer pour punir les audacieux qui bravent ainsi l’empire de la mort. Les concertants sont tellement effrayés que deux d’entre eux tombent morts à l’instant, et l’autre, à demi écrasé, reste longtemps sans connaissance. En reprenant ses sens il demeura si vivement frappé qu’il se fit ermite. — Voici le secret de l’aventure. Un pauvre mendiant, qui n’avait pas d’asile, s’était réfugié derrière le monceau d’ossements, pour y passer la nuit ; cette musique inattendue Lui avait fait une telle frayeur, en le réveillant en sursaut, qu’il s’était enfui et qu’en se sauvant il avait fait crouler la pyramide fatale.

Voy. Nécromancie, Vampires, Revenants, etc.

Mortemart. Un seigneur de cette famille célèbre perdit sa femme qu’il chérissait. Tandis qu’il se livrait à son désespoir, le diable lui apparut et lui offrit de ranimer la défunte s’il voulaitse donner à lui. Le mari, dit-on, y consentit ; la femme revécut. Mais un jour qu’on prononça devant elle le nom de Jésus, elle retomba morte, et ce fut tout de bon.

Most-Mastite. Voy. Mariage.

Motelu, démon que l’on trouve cité dans le procès intenté à Denise de Lacaille.

Motogon, le dieu créateur en Australie. « Les Australiens disent que le Motogon, qu’ils croient un hommè très-fort, très-grand, très-sage, de leur couleur et de leur pays, quand il créa le soleil, la terre, les arbres, le kangarou, etc., usa de cette parole : « Terre, parais dehors ! » ) et il souffla, et la terre fut créée. « Eau, parais dehors ! » il souffla, et l’eau fut créée. Ainsi de tous les autres êtres. C’est une tradition assurément de la formule de la Genèse[1]. » Chez ces peuples, le démon se nomme Cienga.

Mouche. Le diable apparaît quelquefois en forme de mouche ou de papillon. On le vit sortir sous cette forme de la bouche d’un démoniaque de Laon[2]. Les démonomanes appellent Belzébuth seigneur des mouches ; les habitants de Ceylan appellent le diable Achov, qui signifie en leur langue dieu des mouches ou chasse-mouches ; ils lui offrent des sacrifices pour être délivrés de ces insectes, qui causent quelquefois dans leur pays des maladies contagieuses ; ils disent qu’elles meurent aussitôt qu’on a sacrifié à Achor[3]. M. Éméric David, à propos de Jupiter, dit que les ailes de mouches qui, dans quelques monuments, forment (à ce qu’on prétend) la barbe de Jupiter, sont un hommage au feu générateur,

les mouches étant produites par la canicule

Voy. Granson, Myagorus, etc.

Moult (Thomas-Joseph), astrologue napolitain, inférieur à Matthieu Laensberg ; il a laissé des prédictions populaires.

Mouni, esprits que reconnaissent les Indiens, quoique aucun de leurs livres sacrés n’en fasse mention ; ils leur attribuent les qualités que les Européens accordent aux esprits follets. Ces esprits n’ont point de corps, mais ils prennent la forme qui leur plaît, ils rôdent la nuit pour faire mal aux hommes, tâchent de conduire les voyageurs égarés dans des précipices, des puits ou des rivières, se transformant en lumière et ca-

  1. Voyage en Australie, par le R. P. Salvado, traduit par M. Charles Auberive.
  2. Leloyer, Histoire et discours des spectres.
  3. Les Acliatiques étaient des fêtes qui se célébraient tous les trois ans en l’honneur d’Apollon. Elles avaient pris leur nom du promontoire d’Actium. Ces fêtes consistaient en jeux et danses ; on y tuait un bœuf qu’on abandonnait aux mouches, dans la persuasion où l’on était que, rassasiées de son sang, elles s’envolaient et ne revenaient plus. Auguste, vainqueur de Marc-Antoine, renouvela les jeux Actiatiques ; on ne les célébra d’abord qu’à Actium, et tous les trois ans ; mais ce prince en transporta la célébration à Rome et en fixa le retour tous les cinq ans.