Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
FAN
FAQ
— 260 —

sa toilette et le désir de continuer son voyage engagèrent la voyageuse à prier le concierge de ne point déranger son maître. Elle lui demanda seulement une chambre. Toutes étaient occupées, à l’exception d’une seule, dans un coin écarté du château, qu’il n’osait lui proposer à cause de son délabrement ; mais elle lui dit qu’elle s’en contenterait, pourvu qu’on lui fît un bon lit et un bon feu. Après qu’on eut fait ce qu’elle désirait, elle soupa légèrement, et s’étant bien réchauffée, elle se mit au lit. Elle commençait à s’endormir, lorsqu’un bruit de chaînes et des sons lugubres la réveillèrent en sursaut. Le bruit approche, la porte s’ouvre, elle voit, à la clarté de son feu, entrer un fantôme couvert de lambeaux blanchâtres ; sa figure pâle et maigre, sa barbe longue et touffue, les chaînes qu’il portait autour du corps, tout annonçait un habitant d’un autre monde. Le fantôme s’approche du feu, se couche auprès tout de son long, se tourne de tous côtés en gémissant, puis, à un léger mouvement qu’il entend près du lit, il se relève promptement et s’en approche. Quelle amazone eût bravé un tel adversaire ? Quoique notre voyageuse ne manquât pas de courage, elle n’osa l’attendre, se glissa dans la ruelle du lit, et, avec une agilité dont la frayeur rend capables les moins légères, elle se sauve en chemise à toutes jambes, enfile de longs et obscurs corridors, toujours poursuivie par le terrible fantôme, dont elle entend le frottement des chaînes contre la muraille. Elle aperçoit enfin une faible clarté, et, reconnaissant la porte du concierge, elle y frappe et tombe évanouie sur le seuil. Il vient ouvrir, la fait transporter sur son lit et lui prodigue tous les secours qui sont en son pouvoir. Elle raconta ce qui lui était arrivé. Hélas ! s’écria le concierge, notre fou aura brisé sa chaîne et se sera échappé ! Ce fou était un parent du maître du château, qu’on gardait depuis plusieurs années. Il avait effectivement profité de l’absence de ses gardiens, qui étaient à la noce, pour détacher ses chaînes, et le hasard avait conduit ses pas à la chambre de la voyageuse, qui en fut quitte pour une grande peur[1]. Voy. Apparitions, Visions, Hallucinations, Esprits, Revenants, Spectres, Deshoulières, etc., etc.

Fantôme volant. On croit, dans la BasseBretagne, entendre dans les airs, lorsqu’il fait un orage, un fantôme volant qu’on accuse de déraciner les arbres et de renverser les chaumières. Voy. Voltigeur hollandais.

Fapisia, herbe fameuse chez les Portugais, qui l’employaient comme un excellent spécifique pour chasser les démons[2].

Faquir ou Fakir. Il y a dans l’Inde des fakirs qui sont d’habiles jongleurs. On lit ce qui suit dans l’ouvrage de M. Osborne, intitulé la Cour et le camp de Rundjet-Sing : « À la cour de ce prince indien, la mission anglaise eut l’occasion de voir un personnage appelé spécialement le Fakir, homme enterré et ressuscité, dont les prouesses avaient fait du bruit dans les provinces du Punjaub. Ce Fakir est en grande vénération parmi les Sihks, à cause de la faculté qu’il a de s’enterrer tout vivant pendant un temps donné. Nous avions ouï raconter de lui tant d’histoires, que notre curiosité était excitée. Depuis plusieurs années, il fait le métier de se laisser enterrer. Le capitaine Wade me dit avoir été témoin d’une de ses résurrections, après un enterrement de quelques mois. La cérémonie préliminaire avait eu lieu en présence de Rundjet-Sing, du général Ventura et des principaux sirdars. Les préparatifs avaient duré plusieurs jours, on avait arrangé un caveau tout exprès. Le Fakir termina ses dispositions finales en présence du souverain ; il se boucha avec de la cire les oreilles, le nez et tous les autres orifices par lesquels l’air aurait pu entrer dans son corps. Il n’excepta que la bouche. Cela fait, il fut déshabillé et mis dans un sac de toile, après qu’il se fut retourné la langue pour fermer le passage de la gorge, et qu’il se fut posé dans une espèce de léthargie ; le sac fut fermé et cacheté du sceau de RundjetSing et déposé dans une boîte de sapin, qui, fermée et scellée également, fut descendue dans le caveau. Par-dessus on répandit et on foula de la terre, on sema de l’orge et on plaça des sentinelles permanentes.

» Il paraît que le maha-rajah, très-sceptique sur cette mort, envoya deux fois des gens fouiller la terre, ouvrir le caveau et visiter le cercueil. On trouva chaque fois le Fakir dans la même position et avec tous les signes d’une suspension de vie. Au bout de dix mois, terme fixé, le capitaine Wade accompagna le maha-rajah pour assister à l’exhumation : il examina attentivement par lui-même l’intérieur de la tombe ; il vit ouvrir les serrures, briser les sceaux et porter la boîte ou cercueil au grand air. Quand on en tira le Fakir, les doigts posés sur son artère et sur son cœur ne purent percevoir aucune pulsation. La première chose qui fut faite pour le rappeler à la vie, et la chose ne se fit pas sans peine, fut de ramener sa langue à sa place naturelle. Le capitaine Wade remarqua que l’occiput était brûlant, mais le reste du corps très-frais et très-sain. On l’arrosa d’eau chaude, — et au bout de deux heures le ressuscité était aussi bien que dix mois auparavant.

» Il prétend faire dans son caveau les rêves les plus délicieux : aussi redoute-t-il d’être réveillé de sa léthargie. Ses ongles et ses cheveux cessent de croître : sa seule crainte est d’être entamé par des vers ou des insectes ; c’est pour s’en préserver qu’il fait suspendre au centre du

  1. Spectriana, p. 79.
  2. Delancre, Tableau de l’inconstance de démons, etc., itv. IV, p> 297.