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choses sensibles, de même, au point de vue de la connaissance, la notion est dans la sensation[1]. Seulement ni la forme n’est un produit de la matière, ni la notion n’en est un de la sensation et de l’imagination. C’est l’intellect qui fait, ou, si l’on veut, qui est les notions. Nous voilà en face de cette fonction qui soulève tant de problèmes redoutables.

Contentons-nous de quelques indications sommaires, en ayant soin toutefois de faire sentir les incertitudes où Aristote nous laisse. Il y a un intellect discursif qui est tout voisin de l’imagination, bien que déjà supérieur à elle : c’est, à vrai dire, la faculté dont l’ὑπόλεψις est l’acte[2]. Nous le laisserons de côté pour nous occuper de celui qui correspond à la νόησις τῶν ἀδιαιρέτων (ibid. 6, déb.). Cet intellect a plusieurs degrés. Il en a deux au moins. Il est, d’une part, l’intellect passif (παθητικός), l’intellect qui devient (τῷ πάντα γίγνεσθαι) : il est d’autre part l’intellect qui fait (τῷ πάντα ποιεῖν) (ibid. chap. 5). L’intellect passif, l’intellect qui devient, n’est par lui-même rien d’actuel : c’est une tablette sur laquelle originairement il n’y a rien décrit. C’est un simple réceptacle, qui ne serait pas sans analogie avec la matière première, puisque, afin de ne pas compromettre la vérité ou, comme nous dirions, l’objectivité de la connaissance, il faut qu’il soit entièrement indéterminé[3]. Toutefois il est clair qu’il doit, à la différence de la matière, ne pas individualiser les formes qui tombent en lui, et c’est peut-être là ce qu’indique Aristote

  1. Cf. An. post. I, 1 ; II, 19 ; Métaph. Λ, 1 ; Phys. I, 1 déb. ; De an., III, 8, 432 a, 4 : … ἐν τοῖς εἴδεσι τοῖς αἰσθητοῖς τὰ νοητά ἐστι… 431 b, 2 : τὰ μὲν οὖν εἴδη τὸ νοητικὸν ἐν τοῖς φαντάσμασι νοεῖ… Voir p. 396 n. 3.
  2. De an. III, 4, 429 a, 23 : λέγω δὲ νοῦν, ᾧ διανοεῖται καὶ ὑπολαμβάνει ἡ ψυχή.
  3. Ibid. a, 15-29 : ἀπαθὲς ἄρα δεῖ εἶναι, δεκτικὸν δὲ τοῦ εἴδους καὶ δυνάμει τοιοῦτον, ἀλλὰ μὴ τοῦτο… ἀνάγκη ἄρα, ἐπεὶ πάντα νοεῖ, ἀμιγῆ εἶναι ὥστε μηδ’ αὐτοῦ εἶναι φύσιν μηδεμίαν ἀλλ’ ἢ ταύτην, ὅτι δυνατόν [cf. n. 1 de la p. 387]… b, 30 : … δυνάμει πώς ἐστι τὰ νοητὰ ὁ νοῦς, ἀλλ’ ἐντελεχείᾳ οὐδέν, πρὶν ἂν νοῇ. δεῖ δ’ οὕτως ὥσπερ ἐν γραμματείῳ ᾧ μηθὲν ὑπάρχει ἐντελεχείᾳ γεγραμμένον… Sur ce dernier point, cf. Rodier, op. cit., II, p. 457.