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parfois dans la même espèce : c’est ainsi que certains hommes auraient un fiel, d’autres non.

La théorie de l’induction, que nous venons d’exposer d’après les Premiers analytiques, contient de précieuses indications, même sur la nature profonde de l’opération inductive, par exemple lorsqu’on nous dit que c’est une opération inverse, relative à nous, et dans laquelle il n’y a pas de moyen, ou du moins pas de moyen-terme véritable. Mais cette théorie est pourtant bien loin de résoudre tout le problème de l’induction. Puisqu’Aristote ne prend pas au sérieux la possibilité d’une énumération complète des faits qui tombent sous la loi, il reste à se demander comment il conçoit, dans la réalité de la vie logique de l’esprit, le passage du particulier à l’universel. Si vraiment Aristote a pris au pied de la lettre sa définition de l’induction, s’il s’agit pour lui littéralement d’un passage du particulier au général, il faut dire qu’il n’a pas résolu le problème, ou plutôt qu’il ne l’a même pas posé[1]. Mais, malgré l’apparence, le point de vue d’Aristote n’est pas celui de l’extension, ou du moins ce n’est pas, dans la théorie de l’induction, son principal point de vue. Nous avons déjà eu l’occasion d’indiquer (cf. p. 125 sq., 236 sqq.) que l’universel chez lui n’est pas seulement ce qui se dit de tous, que c’est encore, et surtout, le nécessaire. Si cela est, le vrai problème de l’induction consiste, pour lui, à apercevoir le nécessaire derrière le contingent, et il ne s’agit plus de passer de quelques-uns à tous. Le dernier mot d’Aristote sur l’induction est donc[2] dans le dernier chapitre si connu des Seconds analytiques et dans les passages analogues. Induire, c’est se servir de la sensation comme d’une intuition rationnelle : αὕτη δ’ ἐστὶ νοῦς, comme dit le VIe livre de la Morale à Nicomaque (12, 1143 b, 5). Dans un acte singulier, l’esprit saisit le nécessaire qui est

  1. Tel est le reproche que lui adresse Zeller (p. 245), en l’adoucissant d’ailleurs par cette remarque que le problème n’a été nettement posé par personne avant Mill et que Mill n’a su le résoudre que par une contradiction.
  2. Comme l’a indiqué M. Lachelier, Fondement de l’induction p. 7 (de la 2e édition).