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LA PLANÈTE MARS.

observé des variations dans certaines régions plus brillantes, variations qui lui paraissent attribuables à des nuages et à des vapeurs flottant dans l’atmosphère. Il admet même qu’une bande sombre dessinée fig. 18 à une très haute latitude pourrait aussi représenter des nuages. Il rappelle une observation de Cassini, dans laquelle cet astronome vit une étoile du Verseau disparaître à la distance de 6 minutes du disque de Mars, mais ne croit pas que cette disparition puisse être attribuée à autre chose qu’à l’éblouissement causé par l’état de la planète. Les 26 et 27 octobre 1783, il observa deux étoiles de 12e et 13e grandeur à 3′ 9″ et à 2′ 56″ du bord de la planète, et leur éclat ne parut pas diminuer autrement que par l’effet du voisinage de la lumière de Mars.

Il conclut donc que l’atmosphère de Mars n’est pas aussi démesurément étendue que l’interprétation de Cassini aurait pu le faire supposer[1].

De cette nouvelle série d’observations et de dessins de William Herschel, résulte la même conclusion que nous avons tirée des séries précédentes : l’aspect de la planète Mars varie considérablement. On peut attribuer tout ce qu’on voudra à la négligence de certains dessins, et notamment de ceux-ci, puisqu’ils avaient pour objet non la configuration de la planète, mais les taches polaires ; cependant, lorsqu’il y a, comme en 1777 et 1779, des configurations dessinées avec certains détails, nous sommes bien forcés de penser que la planète ressemblait plus ou moins à ces aspects. Or, ces aspects ne sont ni ceux de Cassini, ni ceux de Hooke, ni ceux de Huygens, ni ceux de Maraldi, ni ceux de Bianchini.

Chaque observateur voit à sa façon, lorsqu’il s’agit d’aspects légers, vagues, peu définis, comme ceux d’un monde lointain entouré d’une atmosphère plus ou moins vaporeuse. Voilà pourquoi l’identification des dessins est souvent difficile, lors même que le fond des croquis est sûr.

Les observations de l’illustre auteur de la découverte d’Uranus viennent de faire avancer grandement notre connaissance cosmographique de la planète ; nous savions déjà avant Herschel (p. 38) : 1o qu’elle a des taches sombres ; 2o qu’elle tourne sur elle-même en 24h 40m environ ; 3o que ces taches sombres sont variables ; 4o que les pôles sont marqués par des taches blanches ; 5o (p. 45) qu’elles n’occupent pas le pôle géographique, mais lui sont excen-

  1. Cette conclusion a été confirmée depuis. Le 28 novembre 1832, James South observa l’occultation, par Mars, d’une étoile de 8e grandeur, spécialement en vue de cet objet. Là ne se montra pas le moindre changement dans l’étoile ; elle garda au contraire toute sa lumière et sa couleur bleu clair jusqu’au moment de sa véritable entrée ; à sa sortie, nul changement ne se montra non plus ; c’est une preuve que l’atmosphère de Mars n’est pas sensible au bord de la planète, vue d’ici. La lunette de South, longue de 5m,70 et d’une ouverture de 30cm, avait une remarquable puissance de définition. On trouvera plus loin ces observations.