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LA PLANÈTE MARS.

intervalle plus de 70 révolutions. Dans l’autre hémisphère de Mars, il y avait une tache en forme de croissant, dont les pointes étaient situées vers les deux pôles et la courbure tournée du côté de l’Occident. Toutes ces taches ne furent sujettes à aucun changement sensible durant plusieurs mois que nous les observâmes en 1717 ; mais en 1719 elles n’étaient plus les mêmes.

On voit donc qu’il y a de grands changements sur la surface de cette planète, non seulement dans les parties qui sont proches de son équinoxial, où le mouvement doit être plus grand, mais même dans celles qui sont autour des pôles, où le mouvement est beaucoup moins sensible.

Telles sont les observations de Maraldi. Nos lecteurs auront excusé la longueur de cette narration et son style un peu diffus en faveur de la sincérité et de l’intérêt de ces observations. Les quatre dessins de Maraldi ont été reproduits ici (fig. 24) en fac-similés. Le premier (A) représente la bande oblique dont il parle au commencement de son mémoire, et qu’il observa notamment le 13 juillet. Le second (B) représente l’angle qui lui a servi à déterminer la rotation, du 19 août au 28 octobre. Le troisième (C) paraît avoir eu surtout pour but de montrer la tache polaire méridionale, et le quatrième la tache triangulaire située à 130° de la bande coudée, et observée notamment les 5 et 6 août ainsi que les 16 et 17 octobre. Cette tache rappelle les croquis de Huygens des 28 novembre 1659 (p. 16) et 13 août 1672 (p. 32) et représente certainement la mer du Sablier. La large bande oblique de la fig. B doit être la mer Schiaparelli, située à 130° de la mer du Sablier. Il faut que les instruments n’avaient pas alors un grand pouvoir de définition[1].

En 1704 nous avions déjà quatre points d’acquis : 1o Mars a des taches sombres ; 2o Mars tourne sur lui-même en 24h 39m environ ; 3o ses taches sont variables ; 4o les pôles sont marqués par des taches claires. Les observations de 1719 confirment ces quatre points et lui en ajoutent un cinquième : la tache polaire australe est excentrique au pôle ; tantôt elle se présente à nous et tan-

  1. À propos des anciens dessins de Mars et de la valeur optique des instruments qui servaient à ces observations, il n’est pas sans intérêt de rapporter la remarque suivante de Cassini II, écrite le 24 avril 1720, sur les lunettes de l’Observatoire :

    « Les deux étoiles qui composent l’étoile double γ de la Vierge occultée par la Lune le 21 avril 1720, sont si proches l’une de l’autre que par une lunette de 11 pieds elles ne paraissent que dans la forme d’une seule étoile allongée et que par une autre lunette de 16 pieds, la distance entre ces deux étoiles ne paraissait tout au plus que de la longueur du diamètre de chacune de ces étoiles prises séparément. »

    Or, en 1720, les deux composantes de cette étoile double, qui sont de 3e grandeur, étaient écartées à 6″ l’une de l’autre. Nos plus petites lunettes actuelles, de 57mm d’ouverture, suffiraient pour opérer ce dédoublement.

    La lunette dont se servait Maraldi pour ses observations de Mars en 1719, était une lunette de 31 pieds. Elle ne valait pas nos lunettes actuelles de 108mm de diamètre et de 1m,60 de longueur.