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nouie, quand le navire qui s’était mis à leur poursuite finit par les atteindre.

C’était un petit navire anglais, frété pour la pêche du hareng. Son capitaine, M. William Oxley, s’efforçait, depuis deux heures, de joindre le ballon en détresse à la surface de l’océan. Parvenu enfin à s’en approcher à 200 mètres, il fait mettre la chaloupe en mer ; il y descend lui-même, avec un matelot, et il parvient à saisir une des cordes flottantes du malheureux aérostat. Mais la vaste surface de l’étoffe forme une voile formidable, qui entraîne la chaloupe et manque de la faire chavirer. Le moment est effroyable. Les deux marins vont-ils périr avec les naufragés de l’air ?

Duruof se met en devoir de couper les cordes qui suspendent la nacelle à l’aérostat, mais il n’a pas terminé sa besogne que les deux courageux sauveteurs sont près de lui. Ils réunissent leurs efforts pour prendre dans leurs bras les deux aéronautes, et les font descendre dans la barque, où ils tombent eux-mêmes épuisés.

Le capitaine Oxley conduisit Duruof et sa femme à Grimsly. Là, ils reçurent le plus chaleureux accueil. En Angleterre, on avait annoncé leur mort, de sorte qu’à leur passage à Londres ils furent reçus avec un véritable enthousiasme.

Mais rien n’égale la réception qui leur fut faite à Calais. À la nouvelle de leur miraculeux sauvetage, les habitants de la ville ouvrirent une souscription de 10 000 francs, qui, rapidement couverte, permit à Duruof de remplacer le Tricolore.

Tels sont les jeux de la fortune et du hasard. Condamnés à la plus cruelle mort, les passagers du Tricolore étaient les triomphateurs et les héros du jour.

Cependant le public parisien ne partagea pas l’enthousiasme des habitants de Calais. On savait que Duruof avait mis ses services d’aéronaute à la disposition de la Commune ; qu’il avait dû passer, pour ce fait, devant un conseil de guerre, et malgré son acquittement, les habitants de la capitale étaient peu disposés à l’enthousiasme envers lui. Une ascension qui fut annoncée au Champ de Mars, à son bénéfice, ne put avoir lieu, faute de souscripteurs.


Ce n’était pas la première fois que des aéronautes tombaient à la mer. Nous avons raconté, dans les Merveilles de la science, la chute de Zambeccari dans l’Adriatique, en 1804 [1], et celle d’Arban, dans la même mer, en 1846 [2]. Mme  Poitevin tomba dans la mer du Nord en 1807 et fut sauvée par un navire, après des péripéties dramatiques.

Arban périt dans une traversée de l’océan, et nous avons raconté la perte du matelot Prince, aéronaute du siège. Le célèbre aéronaute anglais Green, qui fit 1 400 ascensions, tomba trois fois dans la Manche, et fut trois fois sauvé miraculeusement par des marins.


Pour continuer la série de ce que nous appelons les drames aériens, nous parlerons de la fin tragique de l’homme volant.

En 1874, les journaux anglais annonçaient que le 9 juillet, à sept heures et demie, Degroof, inventeur belge, dit l’homme-volant, tenterait une ascension à Cremorn-Garden, et traverserait les airs, sur une longueur de 5 000 pieds. Cette expérience causa sa mort.

Depuis de longues années, Degroof travaillait à construire une machine au moyen de laquelle il prétendait voler, comme un oiseau. Cet appareil se composait d’énormes ailes, semblables à celles de la chauve-souris : les tiges étaient en baleine, et les membranes qui les réunissaient étaient en soie caoutchoutée. Degroof l’avait essayé, pour la première fois, en 1873, sur une des places de

  1. Tome II, pages 547-550.
  2. Ibid., page 553 (fig. 311).