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mais que l’on chauffait une enveloppe destinée à communiquer ensuite le calorique à l’air, et de là au gaz hydrogène. Dans ce rapport, signé de trois professeurs de physique de Bologne, Saladini, Canterzani et Avanzini, on s’attache à combattre les craintes qu’occasionnait l’existence d’un foyer près du gaz hydrogène. On prétend que Zambeccari s’est dirigé à volonté au moyen de son appareil, et qu’il a pu décrire un cercle en planant au-dessus de la ville de Bologne. Des extraits de ce rapport sont donnés au tome IV, p. 314, des Souvenirs d’un voyage en Livonie, de Kotzebue.

Nous n’avons pas besoin de faire remarquer l’imprudence excessive que présentait ce système. Placer une lampe à esprit-de-vin allumée, dans le voisinage d’un gaz combustible, c’était provoquer volontairement les dangers dont Pilâtre de Rozier avait été la victime.

L’événement ne justifia que trop ces craintes. Pendant la première ascension que Zambeccari exécuta à Bologne, son aérostat vint heurter contre un arbre ; la lampe se brisa par le choc, l’esprit-de-vin se répandit sur ses vêtements, et s’enflamma. Zambeccari fut couvert de feu, et c’est dans cette situation effrayante que les spectateurs le virent disparaître au delà des nuages. Il réussit néanmoins à arrêter les progrès de cet incendie, et redescendit, mais couvert de cruelles blessures.

En dépit de cet accident, Zambeccari persista dans son projet fatal.

Toutes ses dispositions étant prises, l’ascension, dans laquelle il devait faire l’essai de son appareil, fut fixée aux premiers jours de septembre 1804. Il avait reçu du gouvernement, une avance de huit mille écus. Des obstacles et des difficultés de tout genre vinrent contrarier les préparatifs de son voyage. Malgré le fâcheux état où se trouvait son ballon à moitié détruit par le mauvais temps, il se décida à partir.

« Le 7 septembre, dit Zambeccari, le temps parut se lever un peu ; l’ignorance et le fanatisme me forcèrent d’effectuer mon ascension, quoique tous les principes que j’ai établis moi-même dussent me faire augurer un résultat peu favorable. Les préparatifs exigeaient au moins douze heures, et comme il me fut impossible de les commencer avant une heure après midi, la nuit survint lorsque j’étais à peine à moitié, et je me vis sur le point d’être encore privé des fruits que j’attendais de mon expérience. Je n’avais que cinq jeunes gens pour m’aider : huit autres que j’avais instruits, et qui m’avaient promis leur assistance, s’étaient laissé séduire et m’avaient manqué de parole. Cela, joint au mauvais temps, fut cause que la force ascendante du ballon n’augmentait pas en proportion de la consommation des matières employées à le remplir. Alors mon âme s’obscurcit, je regardai mes huit mille écus comme perdus. Exténué de fatigue, n’ayant rien pris de toute la journée, le fiel sur les lèvres, le désespoir dans l’âme, je m’enlevai à minuit, sans autre espoir que la persuasion où j’étais que mon globe, qui avait beaucoup souffert dans ses différents transports, ne pourrait me porter bien loin[1]. »

Zambeccari avait pris pour compagnons de voyage deux de ses compatriotes, Andreoli et Grassetti. Il se proposait de demeurer quelques heures en équilibre, dans l’atmosphère, et de redescendre au lever du jour. Mais après avoir plané quelque temps, tout à coup ils se trouvèrent emportés avec une rapidité inconcevable vers les régions supérieures. Le froid excessif qui régnait à cette hauteur et l’épuisement où se trouvait Zambeccari, qui n’avait pris aucune nourriture depuis vingt-quatre heures, lui occasionnèrent une défaillance ; il tomba dans la nacelle dans une sorte de sommeil semblable à la mort. Il en arriva autant à son compagnon Grassetti. Andreoli, seul, qui, au moment de partir, avait eu la précaution de faire un bon repas et de se gorger de rhum, resta éveillé, bien qu’il souffrît considérablement du froid. Il reconnut, en examinant le baromètre, que l’aérostat commençait à descendre avec une assez grande rapidité ; il essaya alors de réveiller ses deux compagnons, et réussit, après

  1. Kotzebue, Souvenirs d’un voyage en Livonie, t. IV, p. 294.