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ordinairement les princes souverains & la justice personnifiée sous la figure d’une femme tenant un sceptre d’une main & de l’autre la main de justice, laquelle est une marque de puissance, comme le sceptre, la couronne & l’épée.

Les huissiers & sergens qui sont les ministres de la justice & chargés d’exécuter ses ordres, sont pour cet effet dépositaires d’une partie de son autorité qui est le pouvoir de faire des commandemens, de saisir toutes sortes de biens, de vendre les meubles saisis, d’emprisonner les personnes quand le cas y échet ; c’est pourquoi lorsque l’on fait la montre du prevôt de Paris, les huissiers & sergens y portent entre autres attributs la main de justice.

Mettre des biens sous la main de justice, c’est les saisir, les mettre en sequestre ou à bail judiciaire.

Cependant mettre en sequestre ou à bail judiciaire est plus que mettre simplement sous la main de justice ; car le sequestre désaisit, au lieu qu’une saisie qui met simplement les biens sous la main de justice, ne désaisit pas.

Lorsque la justice met simplement la main sur quelque chose, c’est un acte conservatoire qui ne préjudicie à personne, comme dit Loisel en ses Inst. liv. V. tit. 4. regle 30. (A)

Main-levée, (Jurisprud.) est un acte qui leve l’empêchement résultant d’une saisie ou d’une opposition. On l’appelle main-levée, parce que l’effet de cet acte est communément d’ôter la main de la justice de l’autorité de laquelle avoit été formé l’empêchement ; on donne cependant aussi main-levée d’une opposition sans ordonnance de justice ni titre paré.

On donne main-levée d’une saisie & arrêt, d’une saisie & exécution, d’une saisie réelle, & d’une saisie féodale.

En fait de saisie réelle, la main-levée donnée par le poursuivant, ne préjudicie point aux opposans, parce que tout opposant est saisissant.

Lorsqu’on statue sur l’opposition formée à une sentence, ce n’est pas par forme de main-levée ; on déclare non-recevable dans l’opposition ou bien l’on en déboute ; & si c’est l’opposant qui abandonne son opposition, il se sert du terme de désistement.

Les oppositions que l’on efface par le moyen de la main-levée sont des oppositions extrajudiciaires, telles qu’une opposition à une publication de bans, à la célébration d’un mariage, à une saisie réelle, ou entre les mains de quelqu’un pour empêcher qu’il ne paye ce qu’il doit au débiteur de l’opposant.

La main-levée peut être ordonnée par un jugement ou consentie par le saisissant ou opposant, soit en jugement ou dehors.

On distingue plusieurs sortes de main-levées, savoir :

Main-levée pure & simple, c’est-à-dire, celle qui est ordonnée ou consentie sans aucune restriction ni condition.

Main-levée en donnant caution ; celle-ci s’ordonne en trois manieres différentes ; savoir, en donnant caution simplement, ce qui s’entend d’une caution resseante & solvable ; ou à la caution des fonds, ou bien à la caution juratoire.

Main-levée provisoire, est celle qui est ordonnée ou consentie par provision seulement, & pour avoir son effet en attendant que les parties soient réglées sur le fond.

Main levée définitive, est celle qui est accordée sans aucune restriction ni retour ; lorsqu’il y a eu d’abord une main-levée provisoire, on ordonne, s’il y a lieu, qu’elle demeurera définitive.

Main-levée en payant, c’est lorsque les saisies sont valables, le juge ordonne que le débiteur en aura main-levée en payant. Voyez Empêchement, Opposition, Saisie. (A)

Main-liée, (Jurisprud.) signifie l’état de celui qui est dans un empêchement de faire quelque chose ; on a les mains liées par une saisie ou opposition ou par un jugement qui défend de faire quelque chose. Voyez Main-levée. (A)

Main-longue, fictio longa manus, en droit est une tradition feinte qui se fait en donnant la faculté d’appréhender une chose que l’on montre à quelqu’un ; on use de cette fiction dans la tradition des biens immeubles & dans celles des choses mobiliaires d’un poids considérable, & que l’on ne peut mettre dans la main.

On entend aussi quelquefois par main-longue le pouvoir du prince ou de quelque autre personne puissante : on dit en ce sens que les rois & les ministres ont les mains longues, pour dire qu’ils savent bien trouver les gens quelque part qu’ils soient. (A)

Main-mettre, (Jurisprud.) du latin manu-mittere, signifie affranchir quelqu’un de la condition servile.

On dit aussi sans main mettre, pour dire sans user de main-mise. Voyez ; ou bien pour signifier sans frais ni dépense, comme quand on dit que les dixmes champart & droits seigneuriaux viennent sans main-mettre, c’est-à-dire sans frais de culture. (A)

Main-mis, manu-missus, signifie celui qui est affranchi de servitude. Coutume de la Rue d’indre, art. 19. Voyez Affranchissement, Main-morte, Serf. (A)

Main-mise, (Jurisprud.) en général signifie toute saisie ; elle est ainsi appellée parce que la justice met en sa main les choses saisies de son autorité.

On entend ordinairement par main-mise la saisie féodale, qui dans quelques coutumes est appellée main-mise féodale. Berry, tit. V. article 10, 13, 14, 24, 55, & tit. IX, article 82.

Le terme de main-mise se prend aussi quelquefois pour certaines voies de fait employées contre la personne de quelqu’un en le frappant & le maltraitant ; & l’on dit en ce sens qu’il n’est pas permis d’user de main-mise. Voyez Main assise.

On appelloit aussi autrefois main mise du latin manu-missio, l’affranchissement que les seigneurs faisoient de leurs serfs. Voyez ci devant Main-mis, & ci-après Main-mortable, Main-morte, Serf. (A)

Main-mortable, (Jurisprud.) est celui qui est de condition servile, & sujet aux droits de main-morte.

On appelle aussi biens main-mortables, ceux qui appartiennent aux serfs & gens de main-morte ou de morte main. Voyez Main-morte. (A)

Main-morte, signifie puissance morte, ou l’état de quelqu’un qui est sans pouvoir à certains égards, de même que s’il étoit mort. Ainsi on appelle gens de main-morte ou main-mortables, les serfs & gens de condition servile qui sont dans un état d’incapacité qui tient de la mort civile.

On appelle aussi les corps & communautés gens de main-morte, soit parce que les héritages qu’ils acquierent tombent en main-morte & ne changent plus de main, ou plutôt parce qu’ils ne peuvent pas disposer de leurs biens non plus que les serfs sur lesquels le seigneur a droit de main-morte. On distingue néanmoins les main-mortables des gens qui sont simplement de main-morte.

Les main-mortables sont des serfs ou personnes de condition servile : on les appelle aussi vilains, gens de corps & de pot, gens de main-morte & de morte main.

Il n’y a de ces main-mortes que dans un petit nombre de coutumes les plus voisines des pays de droit écrit, comme dans les deux Bourgognes, Nivernois, Bourbonnois, Auvergne, &c.