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Le vassal doit à son seigneur la bouche & les mains, c’est-à-dire, qu’il doit joindre ses mains en celle de son seigneur en lui faisant la foi & hommage, & que le seigneur le baise en la bouche en signe de protection.

Les autres significations du terme main vont être expliquées dans les divisions suivantes, où ce terme se trouve joint avec un autre. (A)

Main-assise ou Main-mise, est une des trois voies usitées dans certaines coûtumes, telles qu’Amiens & Artois, & autres coûtumes de Picardie & de Champagne, qu’on appelle coûtumes de nantissement. Pour acquérir droit réel d’hypotheque sur un héritage, on fait une espece de tradition feinte de l’héritage par dessaisine, ou par main-assise, ou par mise de fait.

Pour acquérir droit réel par main-assise, le créancier auquel le débiteur a accordé le pouvoir d’user de cette voie, c’est-à-dire, de faire asseoir la main de justice sur l’héritage pour sûreté de sa créance, obtient une commission du juge immédiat ; ou, si les héritages sont situés sous différentes justices immédiates, il obtient une commission du juge supérieur ; en vertu de cette commission, l’huissier ou sergent qui exploite déclare par son procès verbal qu’il asseoit la main de justice sur l’héritage, &, en cas de contestation, il assigne le débiteur & le seigneur de l’héritage pour consentir ou débattre la main-assise & voir ordonner qu’elle tiendra, sur quoi le créancier obtient sentence qui prononce la main-assise, s’il y échet.

On ne peut procéder par main-assise qu’en vertu de lettres authentiques, & néanmoins il faut une commission pour assigner ceux qui s’opposent à la main-assise. Voyez les notes sur Artois, art. 1, & de Heu sur Amiens, art. 247 & suivans. (A)

Basse Main. Gens de basse main étoient les roturiers, & singulierement le menu peuple. On distinguoit les bourgeois des gens de basse main. Voyez les assises de Jérusalem, chap. ij. (A)

Main au baton ou a la verge. Mettre la main au bâton, &c. c’est se désaisir d’un héritage pardevant le seigneur féodal ou censuel dont il est tenu, ou pardevant ses officiers. Cette expression vient de ce qu’anciennement le vest & devest, la saisine & la dessaisine se faisoient par la tradition d’un petit bâton. Amiens, art. 33 ; Laon, art. 126 ; Reims, 165 ; Chauny, 30 ; Lille, 80. Voyez Lauriere en son glossaire au mot main. (A)

Main-bournie, (Jurisprud.) signifie garde, tutelle, administration, & quelquefois aussi puissance paternelle, protection. Il en est parlé dans les lois ripuariennes, tit. de tabulariis, art. 14 & 15 ; la reine, ses enfans qui sont en sa main-bournie, c’est-à-dire, en sa garde. (A)

Main breve ou abregée, brevis manus, signifie en droit une fiction par laquelle, pour éviter un circuit inutile, on fait une compensation de la tradition qui devoit être faite de part & d’autre de quelque chose, comme dans la vente d’une chose que l’on tenoit déja à titre de prêt.

On fait de même par main breve un payement, lorsque le débiteur au lieu de le faire directement à son créancier, le fait au créancier de son créancier. Voyez Main longue. (A)

Conforte Main, voyez Confortement.

Main-ferme, manu firmitas, signifioit autrefois un bail à rente de quelques héritages ou terres roturieres. Quelquefois par main-ferme on entendoit tous les héritages qui n’étoient point fiefs, on les appelloit ainsi eò quòd manu donatorum firmabantur. On en trouve des exemples fort anciens, entr’autres un dans le cartulaire de Vendôme de l’an 1002. Boutillier qui vivoit en 1460, en parle dans sa somme

rurale, & dit que tenir en main-ferme, c’est tenir une terre en cotterie ; que c’est un fief qui n’est tenu que ruralement. Voyez Fief-rural.

La main-ferme étoit en quelque chose différente du bail à cens. Voyez M. de Lauriere en son glossaire au mot Main-ferme. Voyez Fief-ferme. (A)

Main forte, (Jurisprud.) est le secours que l’on prête à la justice, afin que la force lui demeure & que ses ordres soient exécutés.

Quand les huissiers & sergens, chargés de mettre quelque jugement à exécution, éprouvent de la résistance, ils prennent main-forte, soit des records armés, soit quelque détachement de la garde établie pour empêcher le désordre.

La maréchaussée est obligée de prêter main-forte pour l’exécution des jugemens tant des juges ordinaires, que de ceux d’attribution & de privilege.

Les juges d’église ne peuvent pas employer main-forte pour l’exécution de leurs jugemens, ils ne peuvent qu’implorer l’aide du bras séculier. Voyez Bras séculier.

Main-forte se dit aussi des personnes puissantes qui possedent quelque chose. (A)

Main-garnie, (Jurisprud.) signifie la possession de la chose contestée. Quand on fait une saisie de meubles, on dit qu’il faut garnir la main du roi ou de la justice, pour dire qu’il faut trouver un gardien qui s’en charge.

Le seigneur plaide contre son vassal main-garnie, c’est-à-dire, qu’ayant saisi le fief mouvant de lui, il fait les fruits siens pendant le procès, jusqu’à ce que le vassal ait fait son devoir.

On dit aussi que le roi plaide toujours main-garnie, ce qui n’a lieu néanmoins qu’en trois cas :

Le premier, est lorsqu’il a saisi féodalement, &, dans ce cas, ce privilege lui est commun avec tous les seigneurs de fief.

Le second cas, est lorsqu’il s’agit de quelque bien ou droit notoirement domanial, comme justice, péage, tabellionage.

Le troisieme, est lorsque le roi est en possession du bien contesté ; car comme il n’y a jamais de complainte contre le roi, il jouit par provision pendant le procès.

Mais, hors les cas que l’on vient d’expliquer, le roi ne peut pas durant le procès déposséder le possesseur d’un héritage ; ainsi il n’est pas vrai indistinctement qu’il plaide toujours main-garnie. Voyez Bacquet en son tit. du droit d’aubaine, ch. xxxvj, art. 2, & tit. des droits de justice : Dumoulin, sur Paris, art. LII, n. 27 & suivans.

On appelle aussi main-garnie la saisie & arrêt que le créancier, fondé en cédule ou promesse, peut faire sur son débiteur en vertu d’ordonnance de justice. Cela s’appelle main-garnie, parce que l’ordonnance qui permet de saisir, s’obtient sur simple requête avant que le créancier ait obtenu une condamnation contre son débiteur. (A)

Grande-Main, (Jurisprud.) c’est la main du roi en matiere féodale, relativement aux autres seigneurs ; lorsqu’il y a combat de fief entre deux seigneurs, le vassal se fait recevoir en foi par main souveraine, parce que le roi a la grande-main, c’est-à-dire que tous les fiefs relevent de lui médiatement ou immédiatement, & que tout est présumé relever de lui directement, s’il n’y a titre ou possession au contraire. (A)

Main de justice, (Jurisprud.) on entend par ce terme l’autorité de la justice & la jouissance qu’elle a de mettre à effet ce qu’elle ordonne en contraignant les personnes & procédant sur leurs biens. Cette puissance qui émane du prince, de même que le pouvoir de juger est représentée par une main d’ivoire qui est au-dessus d’une verge. On représente