L’Encyclopédie/1re édition/CONFORTE-MAIN
CONFORTE-MAIN, f. m. (Jurisprudence) Lettres de conforte-main sont une commission du Roi obtenue en chancellerie par un seigneur féodal ou censier, qui n’a point droit de justice attaché à son fief, à l’effet de pouvoir en vertu de ces lettres, faire saisir ou conforter, c’est-à-dire corroborer la saisie déjà faite par le seigneur sur le fief de son vassal, ou sur un héritage censuel.
Quelques-uns prétendoient autrefois que le seigneur féodal avoit une justice fonciere, en vertu de laquelle il pouvoit sur son seul mandement faire saisir par le ministere d’un huissier : mais pour fortifier ce mandement, quelques seigneurs obtenoient des lettres de conforte-main, & l’huissier tant en vertu du mandement du seigneur, qu’en vertu de ces lettres, procédoit à la saisie ; ou bien la saisie étant faite en vertu du mandement du seigneur, on apposoit la main du Roi en vertu des lettres de conforte-main. C’est ainsi que l’explique Bacquet, Traité des droits de justice, chap. IV, n. 23. Il en est aussi parlé dans la coutume d’Angoumois, art. 11. & dans celle d’Auvergne, ch. xxij. art. 2. Berri, titre V, art. 26. Blois, art. 39. & dans du Tillet, pag. 21. On trouve la forme de ces lettres dans des anciens protocoles de chancellerie.
Imbert dans sa pratique, liv. 1. chap. ij. dit qu’on avoit coutume, & principalement en Saintonge, d’user d’une clause dans les conforte-mains, que les seigneurs féodaux obtenoient de la chancellerie ou du sénéchal de Saintonge : ce qui nous fait voir en passant, que les sénéchaux donnoient des lettres de conforte-main aussi bien que la chancellerie. Il étoit mandé par cette clause, de conforter la main mise du seigneur, d’ajourner les opposans ou refusans, pour dire les causes de leur refus & opposition, l’exploit & la saisie tenant nonobstant opposition ou appellation quelconques, & sans préjudice d’icelles : sur quoi Imbert remarque que cela n’étoit pas raisonnable ; 1° parce que c’étoit commencer l’exécution, 2° que c’étoit procéder nonobstant l’appel dans un cas ou cela n’est pas permis par les ordonnances : qu’aussi par un arrêt du 10 Mai 1526, rendu sur l’appel de l’exécution de lettres royaux qui contenoient une telle clause, il fut dit qu’il avoit été mal procédé & exécuté par le sergent, & défendu de plus user de telles clauses.
Au surplus la forme de prendre des lettres de conforte-main qui étoit vicieuse & inutile, n’est plus usitée présentement. Le seigneur qui n’a point de justice & qui veut saisir, doit s’adresser au juge ordinaire du lieu où est situé le fief servant ou l’héritage qu’il veut faire saisir, & obtenir de ce juge commission à cet effet : cela suffit pour la validité d’une telle saisie, & le seigneur n’a pas besoin de lettres de conforte-main. Voyez la coutume de Ribemont, art. 20. Duplessis, titre des fiefs, liv. V. ch. iij. (A)