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de quelque affaire, lorsqu’il y a quelque raison pour en user ainsi. Voyez ci-devant Juge délégué, & ci-après Jurisdiction déléguée.

On entend ordinairement par jurisdiction commise celle qui n’est pas ordinaire, mais qui est seulement attribuée par le prince pour certaines matieres ou sur certaines personnes, ou pour certaines affaires seulement. Voyez Juge commis, Jurisdiction d’attribution, ordinaire, de privilege. (A)

Jurisdiction consulaire est celle qui est exercée par des consuls & autres juges établis pour connoître des affaires de commerce, tels que la conservation de Lyon. Voyez Conservation & Consuls. (A)

Jurisdiction contentieuse est celle qui connoît des contestations mûes entre les parties ; elle est ainsi appellée pour la distinguer de la jurisdiction volontaire qui ne s’étend point aux affaires contentieuses. Voyez Jurisdiction volontaire. (A)

Jurisdiction correctionnelle est celle que les supérieurs des monasteres ont sur leurs religieux, & que quelques chapitres ont sur leurs membres. Cette espece de jurisdiction n’est autre chose que le droit de correction modérée, que l’on a improprement appellé jurisdiction ; en tout cas ce n’est qu’une jurisdiction domestique. Voyez Correction & Jurisdiction des Abbés. (A)

Jurisdiction criminelle. Voyez Justice criminelle.

Jurisdiction des Curés, on entend par ce terme la puissance qu’ils ont pour le spirituel ; & dans ce sens on dit que leur jurisdiction est émanée immédiatement de J. C. qui donna lui-même la mission aux 72 disciples qu’il avoit choisis, aussi bien qu’à ses apôtres. (A)

Jurisdiction déléguée est celle qui est commise à quelqu’un par le prince ou par une cour souveraine, pour instruire & juger quelque différend. Voyez ci-devant Juge délégué. (A)

Jurisdiction ecclésiastique considérée en général est le pouvoir qui appartient à l’Église d’ordonner ce qu’elle trouve de plus convenable sur les choses qui sont de sa compétence, & de faire exécuter ses loix & ses jugemens.

L’Église a présentement deux sortes de jurisdictions qui sont regardées l’une & l’autre comme ecclésiastiques ; l’une qui lui est propre & essentielle, l’autre qui est de droit humain & positif.

La jurisdiction qui est propre & essentielle à l’Église, est toute spirituelle ; elle tire son origine du pouvoir que J. C. a laissé à son Église de faire exécuter les lois qu’il avoit prescrites, d’en établir de nouvelles quand elle le jugeroit nécessaire, & de punir ceux qui enfreindroient ces loix.

Cette puissance & jurisdiction qui appartient à l’Église de droit divin, ne s’exerce que sur le spirituel ; elle ne consiste que dans le pouvoir d’enseigner tout ce que J. C. a ordonné de croire ou de pratiquer, d’interpréter sa doctrine, de réprimer ceux qui voudroient enseigner quelque chose de contraire, d’assembler les fideles pour la priere & l’instruction, de leur donner des pasteurs de différens ordres pour les conduire, & de déposer ces pasteurs s’ils se rendent indignes de leur ministere.

J. C. a encore dit à ses apôtres : « recevez le Saint-Esprit ; ceux dont vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, & ceux dont vous les retiendrez, ils leur seront retenus ». Il leur a dit encore, « si votre frere a péché contre vous, reprenez-le seul à seul ; s’il ne vous écoute pas, appellez un ou deux témoins ; s’il ne les écoute pas, dites-le à l’Église ; s’il n’écoute pas l’Église, qu’il vous soit comme un payen & un publicain. Tout ce que vous aurez lié

sur la terre sera lié dans le ciel, & tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel ». L’Église a donc reçu de J. C. le pouvoir de juger les pécheurs, de distinguer ceux qui doivent être absous, de ceux qui ne sont pas en état de recevoir l’absolution, & de retrancher de l’Église les pécheurs rebelles & incorrigibles.

Enfin l’Église a pareillement le pouvoir d’assembler le clergé d’une ou de plusieurs églises pour ordonner conjointement ce qui est nécessaire par rapport au spirituel.

La jurisdiction de l’Église étoit dans son origine bornée à ces seuls objets, & pour contraindre les réfractaires d’exécuter ses lois & ses jugemens, elle n’avoit d’autres armes que les peines spirituelles.

Mais on lui a attribué peu-à-peu une autre espece de jurisdiction qui est de droit humain & positif ; on l’a aussi comprise sous le terme de jurisdiction ecclésiastique, soit parce qu’elle a été attribuée à l’Église, soit parce qu’elle s’exerce principalement sur des matieres ecclésiastiques ; elle a néanmoins été aussi étendue à des matieres purement temporelles, lorsqu’elles intéressent des ecclésiastiques, ainsi qu’on l’expliquera dans la suite.

Cette partie de la jurisdiction ecclésiastique qui est de droit humain & positif, lui a été attribuée à l’occasion de la puissance spirituelle.

L’Église ayant droit de retrancher de son sein ceux qui ne rendoient pas justice à leurs freres, les Apôtres défendoient aux Chrétiens de plaider devant les magistrats infideles, & leur ordonnoient de prendre des arbitres d’entr’eux-mêmes.

Les jugemens que rendoient ces arbitres n’étoient que des jugemens de charité dont personne ne pouvoit se plaindre, parce qu’ils n’étoient exécutés que par la soumission du condamné.

On trouve qu’encore du tems de saint Cyprien, l’évêque avec son clergé jugeoit de tous les différends des fideles avec tant d’équité, que les assemblées de l’Église étant devenues plus difficiles dans la suite à cause des persécutions, c’étoit ordinairement l’évêque seul qui prononçoit, & l’on s’y soumettoit presque toujours.

On étoit si content de ces jugemens, que lors même que les princes & les magistrats furent devenus chretiens, & que l’on n’eut plus les mêmes raisons pour éviter leurs tribunaux ; plusieurs continuerent à se soumettre par préférence à l’arbitrage des évêques.

L’église avoit donc alors la connoissance des différends concernant la religion, l’arbitrage des causes qui lui étoient déférées volontairement, & la censure & correction des mœurs que Tertullien appelle exhortations, castigations, & censura divina ; mais elle n’avoit pas cet exercice parfait de la justice, qui est appellé en droit jurisdictio. Tertullien appelle la justice des évêques notionem, judicium, judicationem, audientiam, & jamais jurisdictionem ; & aussi M. Cujas observe que le titre du code qui traite de la justice des évêques, est intitulé de episcopali audientiâ, & non pas de episcopali jurisdictione, parce que les juges d’église ont seulement le pouvoir d’ouir les parties, & de décider leurs différends, mais non pas de leur faire droit pleinement, ne pouvant mettre leurs jugemens à exécution, parce qu’ils n’ont point de tribunaux proprement dits, mais une simple audience, comme l’observa M. le premier président de la Moignon, sur l’art. 1. du tit. 15. de l’ordonnance de 1667, & que d’ailleurs l’Église n’a point la force extérieure en main pour mettre ses jugemens à effet, & qu’elle n’a point de territoire.

Cependant les princes séculiers par respect pour l’Église, & pour honorer les pasteurs, favoriserent