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sont composés de parties dissimilaires ou hétérogenes, y en ayant probablement de plus grandes les unes que les autres. Or plus ces parties sont petites, plus elles sont réfrangibles ; c’est-à-dire plus il est facile qu’elles se détournent de leur cours rectiligne. De plus nous avons encore fait remarquer que les parties qui différoient en réfrangibilité, & par conséquent en volume, différoient en même tems en couleur.

De-là on peut déduire toute la théorie des couleurs. Voyez Couleur.

L’académie royale des Sciences de Paris, ayant proposé pour le sujet du prix de 1736, la question de la propagation de la lumiere, M. Jean Bernoulli le fils, docteur en Droit, composa à ce sujet une dissertation qui remporta le prix. Le fond du système de cet auteur est celui du pere Malebranche, avec cette seule différence que M. Bernoulli ajoute aux petits tourbillons des petits globules durs ou solides, répandus çà & là, selon lui, dans l’espace que les petits tourbillons occupent. Ces petits globules, quoiqu’éloignés assez considérablement les uns des autres, par rapport à leur petitesse, se trouvent en grand nombre dans la plus petite ligne droite sensible. Ces petits corps demeureront toujours en repos, étant comprimés de tous côtés. Mais si on conçoit que les particules d’un corps lumineux, agitées en tout sens avec beaucoup de violence, frappent suivant quelque direction, les tourbillons environnans ; ces tourbillons ainsi condensés, chasseront le corpuscule le plus voisin ; celui-ci comprimera de même les tourbillons suivans, jusqu’au second corpuscule, &c. Cette compression étant achevée, les tourbillons reprendront leur premier état, & feront une vibration en sens contraire, puis ils seront chassés une seconde fois, & feront ainsi des oscillations, par le moyen desquelles la lumiere se répandra. M. Bernoulli déduit de cette explication plusieurs phénomenes de la lumiere ; & les recherches mathématiques dont sa piece est remplie sur la pression des fluides élastiques, la rendent fort instructive & fort intéressante à cet égard. C’est sans doute ce qui lui a mérité le glorieux suffrage de l’académie ; car le fond du système de cet auteur est d’ailleurs sujet à toutes les difficultés ordinaires contre le système de la propagation de la lumiere par pression. Le système de ceux qui avec M. Newton, regardent un rayon de lumiere comme une file de corpuscules émanés du corps lumineux, ne peut être attaqué que par les deux objections suivantes. 1°. On demande comment dans cette hypothese, les rayons de lumiere peuvent se croiser sans se nuire. A cela on peut répondre, que les rayons qui nous paroissent parvenir à nos yeux en se croisant, ne se croisent pas réellement, mais passent l’un au-dessus de l’autre, & sont censés se croiser à cause de leur extrème finesse. 2°. On demande comment le soleil n’a point perdu sensiblement de sa substance, depuis le tems qu’il envoie continuellement de la matiere lumineuse hors de lui. On peut répondre que non-seulement cette matiere est renvoyée en partie au soleil par la réflexion des planetes, & que les cometes qui approchent fort de cet astre, servent à le reparer par les exhalaisons qui en sortent ; mais encore que la matiere de la lumiere est si subtile, qu’un pouce cube de cette matiere suffit peut-être pour éclairer l’univers pendant l’éternité. En effet, on démontre aisément, qu’étant donnée une si petite portion de matiere qu’on voudra, on peut diviser cette portion de matiere en parties si minces, que ces parties rempliront un espace donné, en conservant entr’elles des intervalles moindres que , &c. de ligne. Voyez dans l’introduction ad veram Physicam de Keill, le chapitre de la divisibilité de la matiere. C’est pourquoi une portion

de matiere lumineuse, si petite qu’on voudra, suffit pour remplir pendant des siecles un espace égal à l’orbe de Saturne. Il est vrai que l’imagination se revolte ici ; mais l’imagination se revolte en vain contre des vérités démontrées. Voyez Divisibilité. Chambers.

Il est certain d’une part, que l’opinion de Descartes & de ses partisans, sur la propagation de la lumiere, ne peut se concilier avec les lois connues de l’Hydrostatique ; & il ne l’est pas moins de l’autre, que les émissions continuelles lancées des corps lumineux, suivant Newton & ses partisans, effrayent l’imagination. D’ailleurs, il n’est pas facile d’expliquer (même dans cette derniere hypothese) pourquoi la lumiere cesse tout d’un coup dès que le corps lumineux disparoît, puisqu’un moment après que ce corps a disparu, les corpuscules qu’il a lancés, existent encore autour de nous, & doivent conserver encore une grande partie du mouvement prodigieux qu’ils avoient, étant lancés par ce corps jusqu’à nos yeux. Les deux opinions, il faut l’avouer, ne sont démontrées ni l’une ni l’autre ; & la plus sage réponse à la question de la matiere & de la propagation de la lumiere, seroit peut être de dire que nous n’en savons rien. Newton paroît avoir bien senti ces difficultés, lorsqu’il dit de naturâ radiorum lucis, utrum sint corpora nec ne, nihil omninò disputans. Ces paroles ne semblent-elles pas marquer un doute si la lumiere est un corps ? mais si elle n’en est pas un, qu’est-elle donc ? Tenons-nous-en donc aux assertions suivantes.

La lumiere se propage suivant une ligne droite d’une maniere qui nous est inconnue, & les lignes droites suivant lesquelles elle se propage, sont nommées ses rayons. Ce principe est le fondement de l’Optique. Voyez Optique & Vision.

Les rayons de lumiere se réfléchissent par un angle égal à l’angle d’incidence. Voyez Reflexion & Miroir. Ce principe est le fondement de toute la Catoptrique. Voyez Catoptrique.

Les rayons de lumiere qui passent d’un milieu dans un autre, se rompent de maniere que le sinus d’incidence est au sinus de réfraction en raison constante. Ce principe est le fondement de toute la Dioptrique. Voyez Dioptrique, Réfraction, Verre, Lentille, &c. Avec ces propositions bien simples, la théorie de la lumiere devient une science purement géométrique, & on en démontre les propriétés sans savoir ni en quoi elle consiste, ni comment se fait sa propagation ; à peu-près comme le professeur Saunderson donnoit des leçons d’Optique quoiqu’il fût presque aveugle de naissance. Voyez Aveugle. Voyez aussi Vision.

Lumiere zodiacale, (Physiq.) est une clarté ou une blancheur souvent assez semblable à celle de la voie lactée que l’on apperçoit dans le ciel en certains tems de l’année après le coucher du soleil ou avant son lever, en forme de lame ou de pyramide, le long du zodiaque, où elle est toujours renfermée par sa pointe & par son axe, appuyée obliquement sur l’horison par sa base. Cette lumiere a été découverte, décrite & ainsi nommée par feu M. Cassini.

M. de Mairan, en son traité de l’aurore boréale, est entré dans un assez grand détail sur la lumiere zodiacale : nous allons faire l’extrait de ce qu’il dit sur ce sujet, & c’est lui qui parlera dans le reste de cet article.

Les premieres observations de feu M. Cassini sur la lumiere zodiacale, furent faites au printems de 1683, & rapportées dans le journal des Savans, du 10 Mai de la même année. M. Fatio de Duillier, qui se trouvoit alors à Paris en liaison avec M. Cassini, & qui étoit très-capable de sentir toute la beauté de cette découverte, y fut témoin de plusieurs de ces