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que les enfans de Dan établirent Jonathan & ses fils prêtres dans la tribu de Dan jusqu’au jour de leur captivité, & que l’idole de Micha demeura chez eux, tandis que la maison du Seigneur fut à Silo. Le tabernacle ou la maison de Dieu ne fut à Silo que jusqu’au commencement de Samuel, car alors on la tira de Silo pour la porter au camp où elle fut prise par les Philistins ; & depuis ce tems elle fut renvoyée à Cariath-ïarim. Quant à la captivité de la tribu de Dan, il semble qu’on ne peut guere l’entendre que de celle qui arriva sous Theglapt Phalassar, roi d’Assirie, plusieurs siecles après Samuel : & par conséquent il n’a pu écrire ce livre, à moins qu’on ne reconnoisse que ce passage y a été ajoûté depuis lui ; ce qui n’est pas incroyable, puisqu’on a d’autres preuves & d’autres exemples de semblables additions faites au texte des livres sacrés. Calmet, Diction. de la Bible.

JUGE, s. m. (Hist. rom.) dans la république romaine, les juges furent d’abord choisis parmi les sénateurs ; l’an 630, les Gracches transporterent cette prérogative aux chevaliers ; Drusus la fit donner aux sénateurs & aux chevaliers ; Sylla la remit entre les mains des seuls sénateurs ; Cotta la divisa entre les sénateurs, les chevaliers & les trésoriers de l’épargne ; César prit le parti de priver ces derniers de cet honneur ; enfin Antoine établit des décuries de sénateurs, de chevaliers & de centurions, auxquels il accorda la puissance de juger.

Tant que Rome, ajoute l’auteur de l’Esprit des lois, conserva les principes, les jugemens purent être sans abus entre les mains des sénateurs ; mais quand Rome fut corrompue, à quelques corps qu’on transportât les jugemens, aux sénateurs, aux chevaliers, aux trésoriers de l’épargne, à deux de ces corps, à tous les trois ensemble, enfin à quel qu’autre corps que ce fût, on étoit toujours mal ; si les chevaliers avoient moins de vertu que les Sénateurs, s’il étoit absurde de donner la puissance de juger à des gens qui devoient être sans cesse sous les yeux des juges, il faut convenir que les trésoriers de l’épargne & les centurions avoient aussi peu de vertu que les chevaliers ; pourquoi cela ? C’est que quand Rome eut perdu ses principes, la corruption, la dépravation se glisserent presque également dans tous les ordres de l’état. (D. J.)

JUGES des enfers, (Mythol.) la fable en nomme trois, Minos, Eaque & Rhadamante, & l’on imagine bien qu’elle leur donne à tous trois une origine céleste ; ce sont les fils du souverain maître des dieux.

Rhadamante, selon l’histoire, fut un des législateurs de Crète, qui mérita par son intégrité & par ses autres vertus la fonction de juge aux enfers, dont les Poëtes l’honorerent. Voyez Rhadamante.

Minos son illustre frere & son successeur, eut encore plus de réputation. Sa profonde sagesse donna lieu de dire, qu’il étoit dans la plus étroite confidence de Jupiter, & Jovis arcanis Minos admissus ; on ne manqua pas d’assurer après sa mort qu’il remplissoit le premier des trois tribunaux, où tous les pâles humains sont cités pour rendre compte de leurs actions. Voyez Minos.

Eaque régna sur Egine, aujourd’hui Eugia :

Œnopiam veteres apellavere ; sed ipse
Æacus, Æginam genitricis nomine dedit.

C’est le seul des rois de cette île, dont l’histoire ait conservé le nom. Ses belles qualités lui procurerent une place entre Minos & Rhadamante : il jugeoit l’europe entiere. Sa réputation fut si grande pendant le cours de sa vie, que toute l’Attique ayant été affligée d’une longue sécheresse, on consulta l’oracle, qui répondit, que ce fléau cesseroit seule-

ment quand Eaque se rendroit l’intercesseur de la

Grèce. Voyez Eaque.

Platon feint ingénieusement que lorsque Jupiter, Neptune & Pluton eurent partagé le royaume de leur pere, ils ordonnerent que les hommes prêts à quitter la vie, fussent jugés pour recevoir la récompense ou le châtiment de leurs bonnes ou mauvaises actions ; mais comme ce jugement se rendoit à l’instant qui précédoit la mort, il étoit sujet à de grandes injustices. Les princes fastueux, guerriers, despotiques, paroissoient devant leurs juges avec toute la pompe & tout l’appareil de leur puissance, les éblouissoient, & se faisoient encore redouter, en sorte qu’ils passoient souvent dans l’heureux séjour des justes. Les gens de bien au contraire, pauvres & sans appui, étoient encore exposés à la calomnie, & quelquefois condamnés comme coupables.

Sur les plaintes réitérées qu’en reçut Jupiter, il changea la forme de ses jugemens ; le tems en fut fixé au moment même qui suit la mort. Rhadamante & Eaque ses fils, furent établis juges ; le premier pour les Asiatiques & les Afriquains, le second pour les Européens ; & Minos son troisieme fils étoit au-dessus d’eux, pour décider souverainement en cas d’incertitude.

Leur tribunal fut placé dans un endroit, appellé le champ de la vérité, parce que le mensonge & la calomnie n’en peuvent approcher : il aboutit d’un côté au Tartare, & de l’autre aux champs Elisées. Là comparoit un prince dès qu’il a rendu le dernier soupir : là, dit Socrate, il comparoit dépouillé de toute sa grandeur, réduit à lui seul, sans défense, sans protection, muet & tremblant pour lui-même, après avoir fait trembler la terre. S’il est trouvé coupable de fautes qui soient d’un genre à pouvoir être expiées, il est relégué dans le Tartare pour un tems seulement, & avec assurance d’en sortir quand il aura été suffisamment purifié. Tels étoient aussi les discours des autres sages de la Gréce.

Tous nos savans croyent que l’idée de ce jugement après la mort, avoit été empruntée par les Grecs de la coutume des Egyptiens, rapportée dans Diodore de Sicile, & dont nous avons fait mention au mot Enfer, & au mot Funérailles des Egyptiens.

La sépulture ordinaire de ce peuple, dit l’historien Grec, étoit au-delà d’un lac nommé Achérusie. Le mort embaumé devoit être apporté sur le bord de ce lac, au pié d’un tribunal, composé de plusieurs juges qui informoient de ses vie & mœurs, en recevant les dépositions de tout le monde. S’il n’avoit pas payé ses dettes, on livroit son corps à ses créanciers, afin d’obliger sa famille à le retirer de leurs mains, en se cottisant pour faire la somme due ; s’il n’avoit pas été fidele aux lois, le corps privé de sépulture, étoit jetté dans une espece de fosse, qu’on nommoit le Tartare. Mais si le jugement prononçoit à sa gloire, le batelier Querrou avoit ordre de conduire le corps au-delà du lac, pour y être enseveli dans une agréable plaine qu’on nommoit Elisou. Cette cérémonie finissoit en jettant trois fois du sable sur l’ouverture du caveau, où l’on avoit enfermé le cadavre, & en lui disant autant de fois adieu : Magnâ manes ter voce vocavi.

M. Maillet nous a très-bien expliqué comment on enterroit les cadavres embaumés des Egyptiens. On les descendoit dans des caveaux profonds, qui étoient pratiqués dans le roc ou le tuf, sous les sables de la plaine de Memphis ; on bouchoit le caveau avec une pierre, & on laissoit ensuite retomber par dessus le sable des endroits voisins.

Ajoutons en passant, que la coutume égyptienne de jetter trois fois du sable sur le corps mort, devint universelle. Les Grecs en donnerent l’exemple aux