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roit pas plus sûre, ni d’une pratique plus heureuse.

Uipien propose cette autre question dans la loi dixieme § ult. ff. de rebus dubiis : un testateur legue la liberté à un esclave, si son premier enfant est un mâle ; elle accouche d’un garçon & d’une fille, on n’a pu déterminer lequel des deux enfans étoit né le premier ; dans ce cas Ulpien décide qu’il faut suivre le parti le plus doux, présumer le mâle né le premier, & déclarer la fille ingénue, puisque sa mere avoit acquis la liberté par la naissance du mâle. Quoique cette décision ne soit pas précise, on ne peut s’empêcher de la goûter, parce que les circonstances favorables doivent toujours faire pencher la balance en faveur de l’humanité.

Il s’offre sur les jumeaux plusieurs autres questions difficiles à résoudre par les lumieres physiologiques ; la cause de leur origine, & la rareté de ce phénomène n’est pas une des moindres.

La Physiologie est encore plus embarrassée à comprendre la raison de la ressemblance des freres jumeaux, car ils ont chacun dans le ventre de la mere leur placenta distinct, un cordon ombilical distinct, enfin des enveloppes & des vaisseaux qui leur sont propres ; cependant la ressemblance des freres jumeaux est assez bien constatée par les annales de l’Histoire. Celle de France seule fournit à ma mémoire des exemples trop singuliers sur cet article, pour pouvoir les supprimer ; ils tiendront lieu des dépenses d’esprit, dont nous sommes volontiers avares en fait d’explications.

Henri de Soucy, disent les Historiens, fut pere de Nicolas & de Claude de Soucy freres jumeaux, dont l’aîné eut en partage la seigneurie de Sissonne, & le puîné celle d’Origny. Ils naquirent le 7 Avril 1548, avec tant de ressemblance que leurs nourrices prirent le parti de leur donner des bracelets de différentes couleurs afin de les reconnoître. Cette grande ressemblance se conserva pendant long-tems dans leur taille, dans leurs traits, dans leurs gestes, dans leurs humeurs & dans leurs inclinations : de sorte qu’étant vêtus de la même façon dans leur enfance, les étrangers les confondoient sans cesse. Ils furent placés à la cour ; le seigneur de Sissonne en qualité de page de la chambre d’Antoine de Bourbon roi de Navarre, & le seigneur d’Origny, du jeune Henri de Bourbon son fils, depuis roi de France. Ils furent tous deux aimés de Charles IX. qui prenoit souvent plaisir de les mettre ensemble, & à les considérer pour y trouver les légeres marques de différence qui les distinguoient. Le seigneur d’Origny jouoit parfaitement bien à la paume, & le seigneur de Sissonne s’engageoit quelquefois dans des parties où il n’avoit pas l’avantage. Pour y remédier il sortoit du jeu, feignant quelque besoin, & faisoit adroitement passer son frere à sa place, lequel relevoit & gagnoit la partie, sans que les joueurs ni ceux qui étoient dans la galerie s’apperçussent de ce changement.

L’Histoire moderne ajoûte que Scévole & Louis de Sainte-Marthe freres jumeaux, se ressembloient aussi beaucoup de corps & d’esprit ; ils vêcurent ensemble dans une étroite intimité, & travaillerent de concert à des ouvrages qui ont immortalisé leur nom.

Je crois que messieurs de la Curne & de Sainte-Palaye (ce dernier est célebre dans la république des Lettres), ont pu servir dans leur jeunesse d’un troisieme exemple de grande ressemblance de figure, de goûts & d’inclinations. Quoi qu’il en soit, cette ressemblance inexplicable entre deux freres jumeaux, est par tout beaucoup plus marquée que dans d’autres freres, dont les âges s’approchent autant qu’il est possible. (D. J.)

Jumeaux en Anatomie, nom de plusieurs mus-

cles, ainsi appellés parce qu’on les considere deux à

deux.

Les grands jumeaux ou extenseurs du pié prennent leur attache de la partie postérieure & inférieure du fémur au-dessus des condyles. Ces muscles se réunissent pour former le gras de la jambe, & vont se terminer en unissant leur tendon avec ceux du plantaire & du solaire, à la partie postérieure & supérieure du calcaneum.

Les deux jumeaux de la cuisse sont deux petits muscles, dont le supérieur s’attache à l’épine de l’ischium, & l’inférieur au-dessus de la tubérosité de l’ischium. C’est entre ces deux muscles que passe le tendon de l’obturateur interne, avec lequel ils s’unissent intimement, & vont se terminer dans la cavité du grand trochanter.

Jumeaux, (Chimie.) vaisseaux de Chimie. Ce sont deux alambics de verre couplés, & qui se servent réciproquement de récipient, au moyen d’un tuyau ou goulot que chacun porte à la partie latérale de sa cucurbite, & qui reçoit le bec du chapiteau de l’autre. Voyez la Planche des vaisseaux de Chimie.

Cet appareil est destiné à la circulation ; voyez Circulation Chimie, & il est fort peu d’usage.

Le pélican est exactement le même appareil simplifié. Voyez Pélican. (b)

JUMELLES, s. f. (Marine.) longues pieces de bois de sapin arrondies & creusées, que l’on attache autour d’un mât avec des cordes, quand il est nécessaire de le renforcer. (Z)

Jumelle, (Artificier.) les Artificiers appellent ainsi un assemblage de deux fusées adossées sur une baguette commune.

Jumelles, (Fonderie.) piece d’Artillerie, ainsi nommée parce qu’elle étoit composée de deux canons qui, séparés l’un de l’autre par en haut, se réunissoient dans le milieu vers la ceinture ou ornement de volée. Ces deux canons étoient fondus conjointement avec une seule lumiere : on les chargeoit tous deux en même tems avec deux barres de fer attachées ensemble, & éloignées l’une de l’autre selon la distance des deux bouches. L’usage de ce canon jumelle inventé par un fondeur de Lyon, ne fut pas de longue durée ; le P. Daniel en donne la figure dans sa Milice françoise, tome I. p. 452. Dict. de Trévoux. (D. J.)

Jumelles, (Imprimerie.) jumelles de presse d’Imprimerie ; ce sont deux pieces de bois à-peu-près quarrées, environ de six piés de haut sur deux piés de diametre, égales & semblables, posées d’aplomb, vis-à-vis l’une de l’autre, maintenues ensemble par deux traverses ou pieces d’assemblages ; leurs extrémités supérieures sont appuyées par les étançons, & les inférieures se terminent en tenons qui sont reçus dans les patins : aux faces du dedans de ces jumelles, sont différentes mortoises faites pour recevoir les tenons des sommiers. Voyez Sommiers, Patins. Voyez les figures & les Planches de l’Imprimerie.

Jumelles, chez les Tourneurs, sont deux longues pieces de bois placées horisontalement, entre lesquelles on met les poupées à pointes ou à lunettes, qui soutiennent l’ouvrage & les mandrins des Tourneurs quand ils travaillent. Ces deux pieces de bois ne sont éloignées l’une de l’autre, que de l’épaisseur de la queue des poupées ; & elles sont jointes à tenons par leurs extrémités dans les jambages du tour. Voyez Tour.

On donne en général dans les Arts méchaniques le nom de jumelles, à deux pieces semblables & semblablement posées.

Jumelle, terme de Blason, espece de fasce double ou de fasce en devise, dont on charge le milieu