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que les premiers étoient établis dans les villes privilégiées & choisis dans leur conseil ; aulieu que les défenseurs des cités étoient préposés dans toutes les villes de province où il n’y avoit point d’autres officiers de justice populaire, & étoient choisis indifféremment dans tout le peuple.

Les juges municipaux avoient le titre de magistrats ; leurs fonctions étoient annales, ou pour un autre tems limité : ceux qui sortoient de charge nommoient leurs successeurs, desquels ils étoient garants.

César & Strabon remarquent que les Gaulois & les Allemands s’assembloient tous les ans pour élire les principaux des villes pour y rendre la justice.

C’est de-là que plusieurs villes de la Gaule Belgique ont conservé la justice ordinaire jusqu’à l’ordonnance de Moulins, laquelle art. 71 a ôté aux villes la justice civile, & leur a seulement laissé la connoissance de la police & du criminel. Ce qui n’a cependant point été exécuté par tout, y ayant encore plusieurs villes, sur-tout dans la Gaule Belgique, où les maires & échevins ont la justice ordinaire. Voyez au mot Echevins & Echevinage.

Sous Charlemagne & ses successeurs, les comtes établis par le roi dans chaque ville jugeoient avec les échevins, qui étoient toujours juges municipaux.

Présentement dans la plupart des villes les juges municipaux ont pour chef l’un d’entre eux, qu’on appelle prevôt des marchands, maire, bayle ; ailleurs ils sont tous compris sous un même titre, comme les capitouls de Toulouse, les jurats de Bordeaux.

Dans toute la France Celtique & Aquitanique, les juges municipaux ne tiennent leur justice que par concession ou privilége ; ils n’ont communément que la basse justice ; en quelques endroits on leur a attribué la police, en d’autres ils n’en ont qu’une partie, comme à Paris, où ils n’ont la police que de la riviere & des ports, & là connoissance de tout ce qui concerne l’approvisionnement de Paris par eau.

Quoique les consuls prennent le titre de juges & consuls établis par le roi, ils ne sont en effet que des juges municipaux, étant élus par les marchands entre eux, & non pas nommés par le roi. Voyez Consuls.

Les élus ou personnes qui étoient choisies par le peuple pour connoître des aides, tailles & autres subsides, étoient aussi dans leur origine des officiers municipaux : mais depuis qu’ils ont été créés en titre d’office, ils sont devenus juges royaux. Voyez Loyseau, Traité des seigneuries, chap. xvj. (A)

Juges des Nobles ; ce sont les baillifs & sénéchaux, & autres juges royaux ressortissans sans moyen au parlement, lesquels connoissent en premiere instance des causes des nobles & de leurs tuteles, curateles, scellés & inventaires, &c. Voyez l’édit de Cremieu, art. 6. (A)

Juge ordinaire ; est celui qui est le juge naturel du lieu, & qui a le plein exercice de la jurisdiction, sauf ce qui peut en être distrait par attribution ou privilege, à la différence des juges d’attribution ou de privileges, & des commissaires établis pour juger certaines contestations, lesquels sont seulement juges extraordinaires. Voyez ci-devant Juge extraordinaire. (A)

Juges sous l’orme, sont ceux qui n’ayant point d’auditoire fermé, rendent la justice dans un carrefour public sous un orme. Cette coûtume vient des Gaulois, chez lesquels les druides rendoient la justice dans les champs, & particulierement sous quelque gros chêne, arbre qui étoit chez eux en grande vénération. Dans une ancienne comédie gauloise latine, intitulée Querolus, il est dit en parlant des Gaulois qui habitoient vers la riviere de Loire, ibi sententiæ capitales de robore proferuntur ; les François en usoient autrefois communément de

même ; une vieille charte de l’Abbaye de S. Martin de Pontoise, anciennement dite S. Germain, qui est la 131 de leur chartulaire, dit, hæc omnia renovata sunt sub ulmo ante ecclesiam beati Germani, ipso Hugone & filio suo Roberto majore audientibus. Joinville en la premiere partie de son histoire, dit que le roi saint Louis alloit souvent au bois de Vincennes, où il rendoit la justice, étant assis au pié d’un chêne. La coûtume de rendre la justice sous l’orme dans les villages, vient de ce que l’on plante ordinairement un orme dans le carrefour où le peuple s’assemble. Il y a encore plusieurs justices seigneuriales où le juge donne son audience sous l’orme.

Dans le village de la Bresse en Lorraine, bailliage de Remiremont, la justice se rend sommairement sous l’orme par le maire & les élus ; cette justice doit être sommaire ; en effet, l’art. 32 des formes anciennes de la Bresse, porte qu’il n’est loisible à personne plaider par-devant ladite justice, former, ou chercher incident frivole & superflu, ains faut plaider au principal, ou proposer autres fins pertinentes, afin que la justice ne soit prolongée. La défense de former des incidens frivoles & superflus dont être commune à tous les tribunaux, même du premier ordre, où la justice est mieux administrée que dans les petites jurisdictions. Il seroit même à souhaiter que dans tous les tribunaux on pût rendre la justice aussi sommairement qu’on la rend dans ces justices sous l’orme ; mais cela n’est pas pratiquable dans toutes sortes d’affaires. Voyez les opuscules de Loisel, pag. 72. Bruneau, traité des Criées, pag. 20. Les mémoires sur la Lorraine, pag. 193. (A)

Juge de Pairie ; est celui qui rend la justice dans un duché ou comté pairie, ou dans quelque autre terre érigée à l’instar des pairies ; ces sortes de juges ne sont pas juges royaux, mais seulement juges de seigneuries, ayant le titre de pairie ; la principale prérogative de ces justices est de ressortir sans moyen au parlement. Voyez Pairie. (A)

Juges in partibus, est la même chose que commissaires ad partes ; ce sont des juges que le pape est obligé de déléguer en France lorsqu’il y a appel du primat au saint siége ; une des libertés de l’Eglise Gallicane étant que les sujets du roi ne sont point obligés d’aller plaider hors le royaume. Voyez ci-devant Juge délégué. (A)

Juge pédanée, judex pedaneus, étoit le nom que l’on donnoit chez les Romains à tous les juges des petites villes, lesquels n’étoient point magistrats, & conséquemment n’avoient point de tribunal ou prétoire ; quelques-uns croyent qu’ils furent ainsi appellés, parce qu’ils alloient de chez eux à pié au lieu destiné pour rendre la justice, au lieu que les magistrats alloient dans un chariot ; d’autres croyent qu’on les appella juges pédanées, quasi stantes pedibus, parce qu’ils rendoient la justice debout ; mais c’est une erreur, car ils étoient assis ; toute la différence est qu’ils n’étoient point sur des siéges élevés, comme les magistrats ; mais in subselliis ; c’est-à-dire sur de bas siéges ; de maniere qu’ils rendoient la justice de plano, seu de plano pede ; c’est-à-dire que leurs piés touchoient à terre ; c’est pourquoi on les appella pedanei, quasi humi judicantes.

On ne doit pas confondre avec les juges pédanées les sénateurs pédaniens ; on donnoit ce nom aux sénateurs qui n’opinoient que pedibus ; c’est-à-dire en se rangeant du côté de celui à l’avis duquel ils adhéroient.

Les empereurs ayant défendu aux magistrats de renvoyer aux juges délégués autre chose que la connoissance des affaires légeres, ces juges délégués furent nommés juges pédanées.

L’empereur Zenon établit des juges pédanées dans chaque siége de province, comme il est dit en la no-