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contre la nécessité des bonnes œuvres, d’où ses disciples furent appellés antinomiens. Luther obligea Agricola à se dédire ; mais il laissa des disciples qui suivirent ses maximes avec chaleur. Prateol. de heresib. Bayle, Dict. crit. Voyez Antinomiens.

ISMAÉLITE, s. m. & f. (Hist.) descendant d’Ismael. On appelle ainsi spécialement dans les histoires anciennes & modernes, les Arabes qui sont de la postérité d’Ismaël, fils d’Abraham & d’Agar, servante de Sara. Ismaël épousa une égyptienne dont il eut douze enfans, qui s’emparerent de l’Arabie, la partagerent entre eux, & furent la tige des Ismaélites, des Agaréniens, des Arabes, des Sarrasins, &c.

Tous ces peuples idolatres pousserent la superstition, au rapport d’Euthymius Zigabenus, jusqu’à honorer de leur culte une pierre qu’ils nommoient brachthan ; & quand on leur en demandoit la raison, les uns répondoient que c’étoit à cause qu’Abraham avoit connu Agar sur cette pierre ; les autres, parce qu’il y avoit attaché son chameau, en allant immoler Isaac.

Cette pierre adorée par les Arabes, & qu’ils prenoient pour le dieu Mars, étoit toute noire & toute brute : ridetis temporibus priscis, Persas fluvium coluisse, informem Arabæ lapidem colunt, dit Arnobe ; hé comment ne le diroit-il pas ? Lui-même avoue qu’avant sa conversion, il avoit adoré de semblables pierres, comme si elles eussent eû quelque vertu divine ; si quando conspexeram lucubratum lapidem, & ex olivi unguine sordidatum, tanquam inesset vis presens, adulabar, astabam, ce sont ses propres termes.

La mere des dieux que les Phrygiens adoroient avec un zele tout particulier, n’étoit qu’une simple pierre ; ils ne donnerent qu’une pierre aux ambassadeurs romains qui souhaitoient d’établir à Rome le culte de cette divinité, dit Tite-Live, l. XXIX. c. xj.

Quelque blâmable que fût l’idolatrie de ceux qui adorerent la pierre dont Jacob fit un monument, qu’il oignit, & qu’il crut devoir consacrer à Dieu, cette idolatrie étoit plus tolérable que celle des descendans d’Ismaël ; car la pierre de Jacob lui avoit servi de chevet pendant une nuit qu’il avoit passé pour ainsi dire avec Dieu ; tant les songes & les visions qui l’occuperent, représentoient des choses célestes ! Les Ismaélites ne pouvoient pas tenir le même langage de leur prétendue pierre d’Agar. Scaliger a ramassé une grande érudition au sujet de la pierre de Jacob, dans ses observations sur Eusebe, n°. 2150 ; mais le savant Pocock n’est pas moins curieux dans ses recherches sur la pierre du culte des descendans d’Ismaël ; consultez cet auteur dans ses notes, in specimine hist. arab. p. 113 ; je n’en veux extraire qu’un mot.

La pierre noire qu’ils vénerent, dit-il, est placée dans un des coins du temple de la Mecque, & est élevée à près de trois coudées de terre. Ils supposent que c’étoit l’une des pierres précieuses du paradis ; qu’elle fut envoyée à Abraham lorsqu’il bâtissoit le temple, & que ce fut l’ange Gabriel qui la mit entre ses mains. Elle avoit été au commencement plus blanche que la neige, mais elle devint noire à ce qu’ils prétendent, pour avoir été touchée par une femme qui avoit ses mois, ou comme disent quelques arabes, à force d’avoir été touchée & baisée.

Il y a une autre pierre considérable à la Mecque toute blanche, & non moins vénérée ; celle-ci passe pour être le sépulchre d’Ismaël, & est placée dans une espece de parquet, proche les fondemens du temple.

Après tout les Ismaëlites ne sont pas les seuls peuples chez lesquels les pierres ayent reçus des honneurs divins ; c’est-là, je pense, une des premieres idolatries du monde, avant que l’art de la Sculpture

fut connu, on représenta les dieux par de simples pierres, & les bœtyles furent les plus anciennes idoles. Voyez Bœtyles. (D. J.)

ISNE, (Géog.) ville impériale d’Allemagne en Souabe, dans l’Algow, sur le ruisseau d’Isne, à 6 lieues S. O. de Kempten, 7 N. E. de Lindaw, 25 S. O. d’Ausbourg. Long. 27. 45. lat. 47. 33. (D. J.)

ISNICH, (Géog.) ville de la Turquie asiatique, dans la Natolie, où elle occupe la place de l’ancienne Nicée ; mais elle n’a rien de remarquable aujourd’hui qu’un aqueduc, ne présente à la vûe que les tristes ruines de son ancienne splendeur, & contient à peine trois cent mauvaises maisons, la plupart habitées par des Juifs ; ses murs sont presque tous raccommodés de piés-destaux de marbre & de granite. Son territoire est fertile en fruits & en vin ; on peut dans un vent favorable faire le trajet de Constantinople à Isnich en sept heures ; car elle est à 25 lieues de Constantinople, sur le bord d’un lac poissonneux qui a 40 milles de tour, & qui donne son nom turc à la ville. C’est le lac Ascanius des anciens, & le Nixaca des Grecs modernes. Tavernier dit que ce lac s’appelle Chabangioul, à cause de la ville de Chabangi, qui est aussi sur ses bords à 5 ou 6 milles de Nicée. Long. de la ville d’Isnich 47. 45. lat. 40. 15. (D. J.)

* ISOCHRISTES, s. m. pl. (Théol.) nom d’une secte qui parut vers le milieu du sixieme siecle. Après la mort de Nonnus, moine origéniste, les Origénistes se diviserent en Protoctistes ou Tétradeles & en Isochristes. Ceux-ci disoient : si les apôtres font à présent des miracles & sont en si grand honneur, quel avantage recevront-ils dans la résurrection, s’ils ne sont égaux à Jesus-Christ ? Cette proposition fut condamnée au concile de Constantinople en 553. Isochriste signifie égal au Christ.

ISOCHRONE, adj. (Mech. & Géom.) se dit des vibrations d’un pendule, qui se font en tems égaux. Voyez Pendule & Vibrations.

Les vibrations d’un pendule sont toutes regardées comme isochrones, c’est-à-dire, comme se faisant toutes dans le même espace de tems, soit que l’arc que le pendule décrit soit plus grand ou plus petit : car quand l’arc est plus petit, le pendule se meut plus lentement, & quand l’arc est plus grand le pendule se meut plus vîte : cependant il est bon de remarquer que les vibrations ne sont pas isochrones à la rigueur, à moins que le pendule ne décrive des arcs de cycloïde ; mais quand il décrit de petits arcs de cercles, on peut prendre ces petits arcs pour des arcs de cycloïde, parce qu’ils n’en different pas sensiblement. Voyez Oscillations, & Tautochrone, &c.

Ligne isochrone, est celle par laquelle on suppose qu’un corps descend sans aucune accélération ; c’est-à-dire de maniere qu’en tems égaux il s’approche toujours également de l’horison, au lieu que quand un corps tombe en ligne droite par sa pesanteur, il parcourt par exemple 15 piés dans la premiere seconde, 45 dans la seconde, &c. de sorte que dans des tems égaux il ne parcourt pas des parties égales de la ligne verticale. Voyez Descente, Accélération & Approche.

M. Léibnitz a donné dans les actes de Léipsic, pour le mois d’Avril de l’année 1689, un écrit sur la ligne isochrone, dans lequel il montre qu’un corps pesant avec un degré de vîtesse acquise par sa chute de quelque hauteur que ce soit, peut descendre du même point par une infinité de lignes isochrones qui sont toutes de même espece, & qui ne different entre elles que par la grandeur de leurs parametres : ces courbes sont des paraboles appellées secondes paraboles cubiques. Il montre aussi la maniere de trouver une ligne par laquelle un corps pesant venant à