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L’établissement des inspecteurs est dû à M. Colbert. Si ce fut un bon établissement que celui-là, dit l’auteur des considérations sur les finances, dont les remarques orneront cet article ; c’est un établissement bien plus habile d’avoir formé une école à ces mêmes inspecteurs, & de les avoir astreints à travailler sur le métier, ou plûtôt c’est lui avoir donné le seul genre d’utilité qu’il fût possible d’en retirer. Il seroit desirable sans doute qu’ils pussent avoir voyagé dans tous les pays où se consomment les ouvrages des manufactures qu’ils sont destinés à conduire : car c’est le goût du consommateur qui doit régler la fabrication ; c’est dans le pays de la consommation que l’on prend connoissance des étoffes étrangeres qui se pourroient imiter, de l’avantage ou du desavantage que les uns & les autres ont dans leur concurrence mutuelle, & des causes qui y contribuent.

La maniere dont l’opération du commerce s’y fait, influe encore d’une maniere essentielle sur les mesures que les manufacturiers ont à prendre. Enfin, plus les inspecteurs s’approcheront de la fonction des consultans avec les manufacturiers ou de professeurs des arts, plus ils seront utiles.

Mais que penser des amendes décernées par M. Colbert contre l’impéritie des ouvriers à chaque article de ses réglemens de manufactures ? Des amendes ne sont point des raisons, c’est tout au plus l’indication d’une volonté rigoureuse, à moins qu’elles ne regardent des choses faites contre la bonne foi ; & peut-être dans ce cas les amendes ne suffisent-elles pas. Celui qui se défie de sa main & de son adresse, ne peut lire ce réglement de M. Colbert sans frémir. Sa premiere pensée est, qu’on est plus heureux en ne travaillant pas, qu’en travaillant. Si par malheur le réglement est impraticable, comme cela s’est vû quelquefois, l’ouvrier se dégoûte, & cesse au moins son travail pendant le tems de la tournée de l’inspecteur.

On demande à tout homme de bonne foi s’il seroit bien invité à une profession, en lui disant : « au cas que vos ouvrages ne soient pas faits conformément au réglement, pour la premiere fois ils seront confisqués & attachés sur un poteau avec un carcan, votre nom au-dessus pendant 48 heures ; pour la seconde fois pareille peine, & vous serez blâmé ; pour la troisieme fois vous serez vous-même attaché au poteau ». On répondroit que cette ordonnance est sans doute traduite du japonnois. Non ; c’est le dispositif d’un réglement de 1670, extorqué sans doute au sage ministre que nous avons nommé, par quelque subalterne qui comptoit bien de n’entrer jamais en qualité d’ouvrier dans aucune manufacture soumise à un inspecteur.

Inspecteur des constructions, (Marine.) c’est un officier commis à la construction & aux radoubs des vaisseaux. Il examine les plans & les profils avant qu’on commence de mettre le vaisseau sur le chantier ; fait faire un devis exact des bois qui doivent y entrer, & enseigne aux charpentiers les méthodes les meilleures de faire les fonds, les hauts, les ponts, &c. (Q)

INSPIRATION, s. f. en termes de Théologie, est une grace céleste qui éclaire l’ame & lui donne des connoissances & des mouvemens extraordinaires & surnaturels. Voyez Connoissance & Science.

Les prophètes ne parloient que par l’inspiration divine, & le pécheur se convertit quand il ne résiste pas aux inspirations de la grace. Voyez Grace, Prophétie.

Inspiration se dit particulierement au sujet des livres de l’Ecriture-sainte : on la définit un mouvement intérieur du Saint-Esprit, qui détermine un homme à écrire, & qui lui suggere le choix des choses qu’il doit écrire. L’idée d’inspiration suppose donc

dans celui qui écrit un mouvement du Saint-Esprit qui le porte à écrire ce que la révélation lui a appris, ou ce qu’il sait par lui-même, & qui lui suggere le choix des choses qu’il doit écrire. Mais comme dans les livres saints on distingue les choses ou les matieres, & les termes ou le style, & que les matieres se divisent en prophéties, en histoires & en doctrines, & que les doctrines se divisent encore en philosophiques & en théologiques ; que ces dernieres enfin se subdivisent en spéculatives & en pratiques. On demande si le Saint Esprit a inspiré les auteurs sacrés & quant aux choses, & quant aux termes dont ils se sont servis pour les énoncer.

Les sentimens des Théologiens sont fort partagés sur ces deux questions. Les uns soutiennent que le Saint-Esprit a dicté aux écrivains sacres toutes les choses dont ils ont parlé, & qu’il leur a même suggéré les termes dont ils se sont servis. C’est le sentiment des facultés de Théologie de Douai & de Louvain dans leur censure de 1588.

D’autres prétendent que les écrivains sacrés ont été abandonnés à eux-mêmes dans le choix des termes ; qu’ils n’ont eu ni révélation ni inspiration dans tout ce qu’ils ont écrit, mais que le Saint Esprit a tellement dirigé leur plume & leur esprit lorsqu’ils écrivoient, qu’il a été impossible qu’ils tombassent dans l’erreur. Lessius & quelques autres jésuites ont soutenu ce sentiment, qui occasionna la censure dont nous venons de parler, & M. Simon l’a embrassé depuis.

Holden, dans son ouvrage intitulé, Fidei divinæ analysis, soutient que les écrivains sacrés ont été inspirés par le Saint-Esprit dans tous les points de doctrine, & dans tout ce qui a un rapport essentiel à la doctrine, mais qu’ils ont été abandonnés à eux-mêmes dans les mêmes faits, & en général dans toutes les questions étrangeres à la religion.

M. le Clerc a été encore plus loin. Il prétend 1°. que Dieu a révélé immédiatement aux écrivains sacrés les prophéties qu’on trouve dans leurs livres, mais il nie que ce soit lui qui les ait portés à les mettre par écrit, & qu’il les ait conduits dans le moment même qu’ils les ont écrits. 2°. Il avance que Dieu n’a point révélé immédiatement aux écrivains sacrés toutes les autres choses qui se rencontrent dans leurs ouvrages, & qu’ils les ont écrites, ou sur ce qu’ils avoient vû de leurs propres yeux, ou sur le récit de personnes véridiques, ou sur des mémoires écrits avant eux, sans inspiration & sans aucune assistance particuliere du Saint-Esprit, en un mot, il enseigne que les livres saints sont l’ouvrage de personnes de probité, qui n’ont pas été séduites & qui n’ont voulu séduire personne. Sentimens de quelques théologiens d’Hollande, lettre xj. & xij. La Chambr. traité de la relig. tom. IV. dissert. iij. pag. 157 & suiv.

Le sentiment le plus commun est, que le Saint-Esprit a inspiré les écrivains sacrés quant aux prophéties, aux points d’histoire & aux doctrines relatives à la religion, & que quant au choix & à l’arrangement des termes, il les a laissés à la disposition de chaque écrivain.

Les Payens prétendoient que leurs prêtres & leurs sibiles étoient divinement inspirés, lorsqu’ils rendoient leurs oracles. Les Poëtes, pour paroître inspirés, invoquent Appollon & les Muses lorsqu’ils veulent commencer quelque grand ouvrage. Voyez Invocation.

Inspiration, s. f. (Jurisprud.) se dit de l’élection d’un pape, lorsque tous les suffrages se sont réunis en faveur du même sujet, & principalement quand cela s’est fait au premier scrutin. Grégoire IX. en parle dans ses décretales, liv. VI, tit. vj, chap. 42. (A)