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fermentés, la salive, & vraisemblablement les humeurs œsophagiene & gastrique sont épaissies & rendues gluantes.

Cinquiemement, il est observé encore que ceux qui tirent leur nourriture ordinaire des corps farineux non fermentés, comme du blé de Turquie & des chataignes, qui sont l’aliment commun des habitans de plusieurs provinces, que ces hommes, dis-je, sont gros, gras, pour ainsi dire empâtés, & en même-tems lourds, paresseux, foibles.

On peut tirer de ces observations les conséquences suivantes :

Premierement, que les remedes appellés incrassans ne sont pas proprement des médicamens ; & que puisqu’ils sont au contraire de simples & véritables alimens, ils doivent être employés à grande dose, & pendant longtems, s’ils sont en effet indiqués quelquefois.

Secondement, qu’on évalue très-mal leur opération sur les humeurs du corps vivant, dans le sein desquelles ils sont introduits par la route commune du chyle, & après avoir essuyé divers changemens considérables, en estimant cette opération par les effets de ces substances inaltérées sur des liqueurs mortes, inertes, contenues dans des vaisseaux purement passifs, in vitro, & que s’il n’est pas démontrable à la rigueur que ces prétendus incrassans n’operent sur les humeurs aucun épaississement direct & immédiat, du moins cette assertion est-elle très-vraisemblable : surquoi on peut faire cette remarque singuliere, que de tous les moyens d’incrassation artificielle proposés au commencement de cet article, le plus vain, le plus nul, du moins le plus incertain, c’est l’emploi des matieres appellées incrassantes par excellence.

Troisiemement, que l’épaississement réellement causé à la salive, & les sucs œsophagien & stomacal, par l’usage des farineux non fermentés, & surtout des doux exquis, n’infirme en rien le sentiment que nous venons de proposer, parce que ces sucs sont immédiatement imprégnés, chargés de ces substances immuées, inaltérées. Cette considération en fournit une autre qui est immédiatement liée à la premiere ; c’est qu’il n’y a que les sucs & les organes digestifs qui soient évidemment affectés par nos incrassans, & qu’ainsi l’on peut raisonnablement déduire leurs vertus médicinales, s’ils en ont en effet, de leur action sur les sucs & sur ces organes.

Quatriemement enfin, que le mol embonpoint des alphitophages, ou mangeurs de farine, ne prouve rien en faveur de la théorie vulgaire, c’est-à-dire de celle qui fait agir ces matieres dans le corps comme dans les vaisseaux chimiques, car certainement être gros & gras, n’est pas la même chose qu’avoir les humeurs épaisses & visqueuses.

Mais comme un moyen curatif peut être très utile, quoiqu’on n’ait qu’une fausse théorie de son action, & que par conséquent, après avoir démontré l’insuffisance de celle-ci, il reste à savoir encore quels sont les usages des corps bien ou mal nommés incrassans. Nous dirons premierement que l’espece d’aliment pur, doux, de facile digestion, abondant en matiere nutritive, auquel on a donné le nom d’incrassant, est bon, & vraisemblablement à cause des qualités que nous venons d’y remarquer dans les cas suivans.

On les donne communément & avec succès aux personnes seches, exténuées, épuisées par le travail, ou par un usage excessif de l’acte vénérien ; aux phtisiques, à ceux qui sont attaqués de toux opiniâtres, qui sont dans le marasme, ou dans la fievre hectique ; à ceux qui sont sujets aux dartres, aux éresipeles, aux rhumatismes ; dans les ophtalmies, avec écoulement d’humeurs abondantes &

acres ; dans le scorbut, les flux de ventre colliquatifs, les sueurs abondantes, la fievre ardente putride, &c.

Il nous reste à observer que nous avons dans l’art, outre ces incrassans généraux, des incrassans particuliers, d’une humeur excrémenticielle particuliere, c’est-à-dire des incrassans, dans le sens des anciens ; savoir, ceux qu’on destine à épaissir l’humeur bronchique, ou à mûrir la matiere des crachats dans les rhumes. Ces remedes sont une espece de béchique, ou pectoral. Voyez Pectoral, Méd. thérap. (b)

INCRÉDULE, INCRÉDULITÉ, (Gramm.) L’incrédulité est définie par le diction. de Trév. une disposition d’esprit qui nous fait rejetter les choses, à moins qu’elles ne nous soient bien démontrées : en ce sens l’incrédulité est une qualité louable, excepté en matiere de foi.

Il y a deux sortes d’incrédulité, l’une réelle & l’autre simulée.

L’incrédulité réelle ne peut être vaincue que par des raisons supérieures à celles qui s’opposent dans notre esprit à la croyance qu’on exige.

Il faut abandonner à son malheureux sort l’incrédulité simulée ; il faut attendre cette sorte d’hypocrite au dernier moment, à ce moment où l’on n’a plus la force de s’en imposer à soi-même ni aux autres.

* INCRÉÉ, adj. (Gramm.) qui n’a point eu de commencement, & conséquemment n’aura point de fin. Tous les anciens Philosophes ont dit, rien ne se fait de rien ; ainsi la matiere étoit, selon eux, incréée, éternelle. Pour nous, il n’y a que Dieu qui soit incréé. Voyez les articles Dieu & Création.

* INCROYABLE, adj. (Gram. & Métaphysiq.) ce qui ne nous paroît pas digne de foi. Il faut avoir égard aux circonstances, au cours ordinaire des choses, à la nature des hommes, au nombre de cas où de pareils évenemens ont été démontrés faux, à l’utilité, au but, à l’intérêt, aux passions, à l’impossibilité physique, aux monumens, à l’histoire, aux témoins, à leur caractere, en un mot, à tout ce qui peut entrer dans le calcul de la probabilité, avant que de prononcer qu’un fait est digne ou indigne de notre croyance.

Le mot incroyable est hyperbolique, comme dans ces exemples : Xercès fit passer dans la Grece une multitude incroyable de soldats. Alexandre se plaisoit à tenter des choses incroyables.

Celui qui ne trouve rien d’incroyable est un homme sans expérience & sans jugement.

Celui qui ne croit rien, & à qui tout paroît également impossible, a un autre vice d’esprit qui n’est pas moins ridicule.

Il y a une telle diversité dans la constitution générale des hommes, qu’il n’y en a pas deux à qui un même fait paroisse également croyable ou incroyable. Faites-en l’expérience, & vous verrez que celui-ci vous dira que la vraissemblance que telle chose est, à la vraissemblance qu’elle n’est pas, est dans le rapport de 1 à 10, & l’autre dans le rapport de 1 à 1000.

INCRÉMENT, dans la Géométrie se dit de la quantité dont une quantité variable augmente ou croît ; si la quantité variable décroît ou diminue, sa diminution ou son décroissement s’appelle encore alors incrément ; mais l’incrément est négatif. Voyez Différentiel & Fluxion.

M. Taylor a appellé incrémens les quantités différentielles. Voyez son ouvrage intitulé Methodus incrementorum, &c. (O)

INCRUSTATION, s. f. (Hist. nat. Minéralog.) On nomme ainsi une croûte ou enveloppe de pierre qui se forme peu à peu autour des corps qui ont séjourné pendant quelque tems dans de certaines eaux.