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avant qu’il soit mûr. Il faut être patient pour devenir maître de soi & des autres.

Loin donc que l’impatience soit une force & une vigueur de l’ame, c’est une foiblesse & une impuissance de souffrir la peine. Elle tombe en pure perte, & ne produit jamais aucun avantage. Quiconque ne sait pas attendre & souffrir, ressemble à celui qui ne sait pas taire un secret ; l’un & l’autre manquent de force pour se retenir.

Comme à l’homme qui court dans un char, & qui n’a pas la main assez ferme pour arrêter quand il le faut ses coursiers fougueux, il arrive qu’ils n’obéissent plus au frein, brisent le char, & jettent le conducteur dans le précipice ; ainsi les effets de l’impatience peuvent souvent devenir funestes. Mais les plus sages leçons contre cette foiblesse sont bien moins puissantes pour nous en garantir, que la longue épreuve des peines & des revers. (D. J.)

IMPECCABILITÉ, s. f. (Théologie.) état de celui qui ne peut pécher. C’est aussi la grace, le privilege, le principe qui nous met hors d’état de pécher. Voyez Péché.

Les Théologiens distinguent différentes sortes & comme différens degrés d’impeccabilité. Celle de Dieu lui convient par nature ; celle de Jesus-Christ entant qu’Homme, lui convient à cause de l’union hypostatique ; celle des bienheureux est une suite de leur état ; celle des hommes est l’effet de la confirmation en grace, & s’appelle plutôt impeccance qu’impeccabilité : aussi les Théologiens distinguent-ils ces deux choses ; ce qui est sur-tout nécessaire dans les disputes contre les Pélagiens, pour expliquer certains termes qu’il est aisé de confondre dans les peres grecs & latins. Dict. de Trévoux. (G)

IMPÉNÉTRABILITÉ, s. f. (Métaphysiq. & Phis.) qualité de ce qui ne se peut pénétrer ; propriété des corps qui occupent tellement un certain espace, que d’autres corps ne peuvent plus y trouver de place. Voyez Matiere.

Quelques auteurs définissent l’impénétrabilité, ce qui distingue une substance étendue d’avec une autre, ou ce qui fait que l’extension d’une chose est différente de celle d’une autre ; ensorte que ces deux choses étendues ne peuvent être en même lieu, mais doivent nécessairement s’exclure l’une l’autre. Voyez Solidité.

Il n’y a aucun doute sur cette propriété à l’égard des corps solides, car il n’y a personne qui n’en ait fait l’expérience, en pressant quelque métal, pierre, bois, &c. Quant aux liquides, il y a des preuves qui les démontrent à ceux qui pourroient en douter. L’eau, par exemple, renfermée dans une boule de métal, ne peut être comprimée par quelque force que ce soit. La même chose est vraie encore à l’égard du mercure, des huiles & des esprits. Pour ce qui est de l’air renfermé dans une pompe, il peut en quelque sorte être comprimé, lorsqu’on pousse le piston en bas ; mais quelque grande que soit la force qu’on emploie pour enfoncer le piston dans la pompe, on ne lui pourra jamais faire toucher le fond.

En effet, dès que l’air est fortement comprimé, il fait autant de résistance qu’en pourroit faire une pierre.

Les Cartésiens prétendent que l’étendue est impénétrable par la nature : d’autres philosophes distinguent l’étendue des parties pénétrables & immobiles qui constituent l’espace, & des parties pénétrables & mobiles qui constituent les corps. Voyez Etendue, Espace & Matiere.

Si nous n’eussions jamais comprimé aucun corps, quand même nous eussions vû son étendue, il nous eût été impossible de nous former aucune idée de l’impénétrabilité. En effet, on ne se fait d’autre idée d’un corps lorsqu’on le voit, sinon qu’il est étendu

de la même maniere que lorsqu’on se trouve devant un miroir ardent de figure sphérique & concave, on apperçoit entre le miroir & son œil d’autres objets représentés dans l’air, lesquels personne ne pourroit jamais distinguer des objets solides & véritables, si l’on ne cherchoit à les toucher avec la main, & si l’on ne découvroit ensuite que ce ne sont que des images. Si un homme n’eût vû pendant toute sa vie que de pareils fantômes, & qu’il n’eût jamais senti aucun corps, il auroit bien pû avoir une idée de l’étendue, mais il n’en auroit eu aucune de l’impénétrabilité. Les Philosophes qui dérivent l’impénétrabilité de l’étendue, le font parce qu’ils veulent établir dans la seule étendue la nature & l’essence du corps. C’est ainsi qu’une erreur en amene une autre. Ils se fondent sur ce raisonnement. Par-tout où il y a une étendue d’un pié cube, il ne peut y avoir aucune autre étendue d’un second pié cube, à moins que le premier pié cube ne soit anéanti : par conséquent l’étendue oppose à l’étendue une résistance infinie, ce qui marque qu’elle est impénétrable. Mais c’est une pure pétition de principe, qui suppose ce qui est en question, que l’étendue soit la seule notion primitive du corps, laquelle étant posée, conduit à toutes les autres propriétés. Article de M. Formey.

IMPÉNITENCE, s. f. (Théolog.) dureté, endurcissement de cœur qui fait demeurer dans le vice, qui empêche de se repentir. Voyez Pénitence & Persévérance.

L’impénitence finale est un péché contre le S. Esprit, qui ne se pardonne ni en ce monde ni en l’autre. (G)

IMPENSES, s. f. pl. (Jurispr.) sont les choses que l’on a employées, ou les sommes que l’on a déboursées, pour faire rétablir, améliorer, ou entretenir une chose qui appartient à autrui, ou qui ne nous appartient qu’en partie, ou qui n’appartient pas incommutablement à celui qui en jouit.

On distingue en droit trois sortes d’impenses, savoir, les nécessaires, les utiles & les voluptuaires.

Les impenses nécessaires sont celles sans lesquelles la chose seroit périe, ou entierement détériorée, comme le rétablissement d’une maison qui menace ruine.

Les impenses utiles sont celles qui n’étoient pas nécessaires, mais qui augmentent la valeur de la chose, comme la construction d’un nouveau corps de bâtiment, soit à l’usage du maître ou autrement.

Les impenses voluptuaires sont celles qui sont faites pour l’agrément, & n’augmentent point la valeur de la chose, comme sont des peintures, des jardins de propreté, &c.

Le possesseur de bonne foi qui a fait des impenses nécessaires ou utiles dans le fonds d’autrui, peut retenir l’héritage, & gagne les fruits jusqu’à ce qu’on lui ait remboursé ses impenses.

A l’égard des impenses voluptuaires, elles sont perdues même pour le possesseur de bonne foi.

Pour ce qui est du possesseur de mauvaise foi qui bâtit, ou plante sciemment sur le fonds d’autrui, il doit s’imputer la perte de ce qu’il a dépensé ; cependant comme on préfére toujours l’équité à la rigueur du droit, on condamne le propriétaire qui a souffert les impenses nécessaires, à les lui rembourser, & même les impenses utiles, supposé qu’elles ne puissent s’emporter sans grande détérioration ; mais le possesseur de mauvaise foi n’est jamais traité aussi favorablement que le possesseur de bonne foi, car on rend à celui-ci la juste valeur de ses impenses, au lieu que pour le possesseur de mauvaise foi, on les estime au plus bas prix.

Voyez la loi 38. au ff. de heredit. petit. les lois 53. & 216. ff. de reg. jur. & la loi 38. ff. de rei vindicat. Les institut. liv. II. tit. 1. §. 30. Le Brun de la