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tage pour les ordres accrédités ; & chaque ordre se flate tôt ou tard de la préférence. (D. J.)

Habit de bord, (Marine.) se dit du vétement que les Matelots portent à la mer. (Q)

* HABITABLE, adj. masc. & fém. (Gram.) qui peut être habité : il se dit de la portion du globe terrestre occupée par des hommes ; sur toute la terre habitable, il n’y a rien de plus grand : d’un climat ; l’extrème chaleur de la zone torride, & le froid severe de la zone glaciale, n’empêchent point qu’elles ne soient habitables : d’une maison ; les réparations qu’on y a faites l’ont rendue habitable.

HABITACLE, s. m. (Marine.) c’est une espece d’armoire ou retranchement placé vers le mât d’artimon, devant le poste du timonnier, où l’on place les compas ou boussoles, les horloges, & la lumiere qui sert à éclairer le timonnier. Voyez sa situation, Planche IV. Marine, fig. 1. l’habitacle cotté 136. Les planches de cette armoire sont assemblées par des chevilles de bois, sans qu’il y ait aucune ferrure, de-peur que le fer ne dérange la direction de l’aiguille aimantée du compas de route qui y est enfermé. Les vaisseaux du premier rang ont deux habitacles, l’un pour le pilote, & l’autre pour le timonnier. La largeur ordinaire qu’on donne à l’habitacle est de la sixieme partie de la largeur du vaisseau : à l’égard de sa hauteur, on la fait d’une sixieme partie moindre que sa largeur. (Z)

HABITANT, s. m. (Gram.) qui est domicilié dans un endroit, soit qu’il soit venu s’y établir d’ailleurs, soit qu’il y ait demeuré de tout tems. Dans le premier cas on diroit en latin accola, & dans l’autre incola. En françois on dit habitant de quiconque demeure dans un endroit habituellement, & qui n’y est pas seulement en passant. Voyez Habitation.

Habitant, (Commerce.) celui qui possede dans une colonie un certain espace de terre que le roi par ses lettres patentes ou les directeurs d’une compagnie par leurs concessions abandonnent en propre pour la planter & cultiver à son profit, moyennant certaine redevance convenue. On les appelle aussi en France colons & concessionnaires. Les Anglois les nomment Planteurs. Voyez Colon, Concessionnaire, Planteur. Dictionn. de Commerce. (G)

* HABITATION, s. f. (Gramm.) lieu qu’on habite quand on veut. J’ai hérité d’une habitation aux champs ; c’est-là que je me dérobe au tumulte, & que je suis avec moi. On a une maison dans un endroit qu’on n’habite pas ; un séjour dans un endroit qu’on n’habite que par intervalle ; un domicile dans un endroit qu’on fixe aux autres comme le lieu de sa demeure ; une demeure par-tout où l’on se propose d’être long-tems. Après le séjour assez court & assez troublé que nous faisons sur la terre, un tombeau est notre derniere demeure.

Habitation, (Commerce.) c’est un établissement que des particuliers entreprennent dans des terres nouvellement découvertes, après en avoir obtenu des lettres du roi ou des intéressés à la colonie, qui contiennent la quantité de terres qu’on leur accorde pour défricher, & la redevance ou droit de cens qu’ils en doivent payer tous les ans au Roi ou à la compagnie.

C’est dans ces sortes d’habitations que suivant la qualité du sol, après avoir essarté les terres on cultive des cannes à sucre, du coton, du tabac, de l’indigo, & autres semblables marchandises qui y croissent aisément, & sont d’un très-bon débit en Europe. La culture de la terre & les autres ouvrages qui en dépendent, comme la conduite des moulins à sucre, la préparation du tabac & de l’indigo, &c. sont confiés à des engagés qu’on appelle des trente-six mois, parce que leur engagement doit durer trois ans, ou à des negres esclaves pour toute leur vie.

Voyez Negres & Trente-six mois. Dictionnaire de Commerce. (G)

Habitation, signifie aussi quelquefois un établissement passager, que des habitans des colonies déjà bien établies, comme de celle de Québec, vont faire chez les nations amies des François pour le commerce des Pelleteries. Quand le séjour n’est pas long chez ces sauvages, on donne simplement au voyage le nom de course ; mais on l’appelle habitation, quand on y demeure plusieurs années de suite. Dictionnaire de Commerce. (G)

* HABITER, v. act. voyez Habitation. Il se dit aussi quelquefois du commerce de l’homme & de la femme. S’ils sont époux, on dit simplement, qu’ils ont habité ; s’ils ne le sont pas, on joint à l’habitation l’épithete de charnelle.

HABITUDE, s. f. (Morale.) c’est un penchant acquis par l’exercice des mêmes sentimens, ou par la répétition fréquente des mêmes actions. L’habitude instruit la nature, elle la change ; elle donne de l’énergie aux sens, de la facilité & de la force aux mouvemens du corps & aux facultés de l’esprit ; elle émousse le tranchant de la douleur. Par elle, l’absynthe le plus amer ne paroît plus qu’insipide. Elle ravit une partie de leurs charmes aux objets que l’imagination avoit embellis : elle donne leur juste prix aux-biens dont nos desirs avoient exagéré le mérite ; elle ne dégoûte que parce qu’elle détrompe. L’habitude rend la joüissance insipide, & rend la privation cruelle.

Quand nos cœurs sont attachés à des êtres dignes de notre estime, quand nous nous sommes livrés à des occupations qui nous sauvent de l’ennui & nous honorent, l’habitude fortifie en nous le besoin des mêmes objets, des mêmes travaux ; ils deviennent un mode essentiel de notre ame, une partie de notre être. Alors nous ne les séparons plus de notre chimere de bonheur. Il est sur-tout un plaisir que n’usent ni le tems ni l’habitude, parce que la réflexion l’augmente ; celui de faire le bien.

On distingue les habitudes en habitudes du corps & en habitudes de l’ame, quoiqu’elles paroissent avoir toutes leur origine dans la disposition naturelle ou contractée des organes du corps ; les unes dans la disposition des organes extérieurs, comme les yeux, la tête, les bras, les jambes ; les autres dans la disposition des organes intérieurs, comme le cœur, l’estomac, les intestins, les fibres du cerveau. C’est à celles-ci qu’il est sur-tout difficile de remédier ; c’est un mouvement qui s’excite involontairement ; c’est une idée qui se réveille, qui nous agite, nous tourmente & nous entraîne avec impétuosité vers des objets dont la raison, l’âge, la santé, les bienséances, & une infinité d’autres considérations nous interdisent l’usage. C’est ainsi que nous recherchons dans la vieillesse avec des mains desséchées, tremblantes & goutteuses & des doigts recourbés, des objets qui demandent la chaleur & la vivacité des sens de la jeunesse. Le goût reste, la chose nous échappe, & la tristesse nous saisit.

Si l’on considere jusqu’où les enfans ressemblent quelquefois à leurs parens, on ne doutera guere qu’il n’y ait des penchans héréditaires. Ces penchans nous portent-ils à des choses honnêtes & loüables, on est heureusement né ; à des choses deshonnêtes & honteuses, on est malheureusement né.

Les habitudes prennent le nom de vertus ou de vices, selon la nature des actions. Faites contracter à vos enfans l’habitude du bien. Accoutumez de petites machines à dire la vérité, à étendre la main pour soulager le malheureux, & bien-tôt elles feront par goût, avec facilité & plaisir, ce qu’elles auront fait en automates. Leurs cœurs innocens &