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res, pour établir un fait qui soit généralement constant, n’est pas valable en bonne logique. (D. J.)

Hépatique, adj. ἡπατικὸς, hepaticus, c’est un terme de Medecine, qui est souvent employé par les anciens pour désigner tout ce qui a rapport au foie, tout ce qui en dépend : ainsi ils ont appellé artere hépatique, veine, conduit hépatiques, ces différens organes qui entrent dans la composition du foie, ou qui appartiennent à ce viscere : ils distinguoient encore par ce nom le flux-de-sang attribué au foie, (voyez Flux hépatique) & les remedes ou médicamens appropriés au foie. Voyez Hépatique, Mat. médicale.

On trouve aussi quelquefois le mot hépatique employé comme substantif, pour désigner ceux qui sont atteints de maladies dans lesquelles le foie est principalement affecté : ainsi, comme on a nommé phrénétiques, pleurétiques, ceux qui ont actuellement une inflammation au cerveau, une pleurésie, de même on a désigné anciennement par le nom d’hépatiques, ceux qui sont atteints d’une inflammation au foie. Voyez Hépatite.

On a ensuite changé dans les ouvrages de medecine des derniers siecles, la signification du mot hépatique, en l’appliquant aux seuls cas où le foie est affecté de débilité ; ensorte que, sans qu’il y ait inflammation, ni abscès, ni ulcere, l’exercice des fonctions de ce viscere soit habituellement affoibli d’une maniere sensible, sur-tout par rapport à l’ouvrage de la sanguification que l’on attribuoit principalement au foie. Voyez Castell. Lexic. medic.

Mais le terme d’hépatique n’est guere plus en usage parmi les modernes dans aucun cas en fait de maladie ; il est presque borné à celui qu’en font les Anatomistes. Voyez Foie, Anatomie.

Hépatique (flux) c’est une sorte de maladie que l’on peut regarder comme une diarrhée, dans laquelle la matiere des déjections est liquide, rougeâtre, sanguinolente, semblable à de la raclure de boyaux, sans qu’elles soient accompagnées ni précedées de douleurs, de tranchées, ni de ténesme ; ce qui distingue cette affection du flux dyssentérique, avec lequel elle a le plus de rapport.

Un tel flux de ventre est peu connu par les observations des modernes, qui pour la plupart doutent fort qu’on en ait jamais vû de pareil, dont la source soit véritablement dans le foie ; malgré tout ce qu’ont pû en écrire non pas les anciens, mais les auteurs des derniers siecles qui ont précedé la découverte de la circulation du sang, & entr’autres Waranden, qui a fait un traité considérable sur l’hépatitide, (de hepatitide) terme, selon lui, synonyme avec celui de flux hépatique, c’est-à-dire de l’espece de diarrhée sanguinolente, qu’il prétend dépendre du vice du foie.

Ce qui donnoit principalement lieu à la dénomination de flux hépatique, pour désigner l’espece de cours-de-ventre dont il s’agit, c’est l’idée dans laquelle on a été long-tems que la sanguification se fait dans le foie : d’après cette opinion, on croyoit que la matiere du flux hépatique n’étoit autre chose que du sang aqueux mal travaillé, à cause de la foiblesse de ce viscere que la nature rejette dans les intestins pour être évacué hors du corps.

Mais s’il faut avoir égard à ce que pensent les modernes du prétendu flux hépatique, il ne provient point du foie, mais des veines meséraïques, qui par quelque cause que ce soit, répandent du sang dans les boyaux, où il se mêle avec le chyle, les excrémens qu’il détrempe, & donne à ces matieres la teinture & la consistence de raclure de boyaux, à raison du séjour qu’il y fait & de l’épaississement qu’il y contracte. C’est ainsi qu’étoit produite la diarrhée sanglante dont fait mention Zacutus Lusitanus,-

lib. II. medic. princip. hist. 84, qui a souvent

lieu dans ceux à qui on a coupé quelque membre considérable, ou qui peut être l’effet de la pléthore, dans le cas où elle n’est pas dissipée par les exercices ou par les évacuations ordinaires, ou qui peut dépendre de toute autre cause approchante ; de sorte cependant que l’écoulement des matieres sanglantes ne vient jamais du foie.

On trouve dans les œuvres de Deodatus, in valetudiner. p. m. 217, & dans celles de Borelli, cent. j. observ. 99, des observations qui confirment celles de Zacutus.

Il reste quelquefois après la dyssenterie un flux de ventre encore sanglant, mais sans douleurs, qui ne peut être attribué qu’à la foiblesse des vaisseaux meséraïques par une suite de l’excoriation de la membrane interne des intestins, & non point à aucun vice du foie. Ainsi, dans ces différens cas, quelque rapport qu’ils ayent avec le flux hépatique des anciens, ce viscere n’y étant cependant pour rien, les modernes se croyant fondés à ne point reconnoître ces flux de ventre pour des flux hépatiques, se croyent autorisés conséquemment à les rejetter dans tous autres cas. C’est pourquoi le sentiment de Barbatte, Prax. med. lib. IV. cap. vj. a été assez généralement adopté, entant qu’il pense que le flux prétendu hépatique n’est autre chose qu’un écoulement de sang qui se fait par les veines hémorrhoïdales supérieures, se mêle aux matieres contenues dans les boyaux, & forme celles des déjections dont il s’agit, sans qu’il y ait dyssenterie.

Cependant on ne peut pas dissimuler bien des observations qui tendent à prouver la possibilité de l’existence des flux de ventre vraiment hépatiques, puisqu’il en résulte qu’après plusieurs diarrhées semblables à celles que les anciens appellent de ce nom, on a trouvé par l’inspection anatomique le foie constamment affecté : ainsi on peut voir dans les œuvres de Bonnet, Sepulchret. seu Anatom. pro etic. lib. III. sect. xj. plusieurs observations à ce sujet ; entre autres celle qui fut faite dans le cadavre d’un soldat anglois, où la substance de ce viscere fut trouvée tellement consumée, qu’il ne restoit que la membrane qui forme son enveloppe, non sans altération, puisqu’elle étoit fort épaisse & enduite intérieurement d’une boue sanieuse, semblable à la matiere du flux de ventre qui avoit causé la mort à la suite d’une inflammation du foie. Tel est aussi le cas rapporté par Bontius, Medic. indor. lib. III. observ. 9. à l’égard d’un consul parisien qui avoit eû un flux hépatique pendant six ans, sans avoir pû en être délivré par aucun remede. On trouva aussi, selon Baillon, lib. I. consil. 33. le foie entierement détruit & comme fondu dans ses enveloppes, après un flux de ventre que l’on croyoit hépatique. Jourdan, de pestis phænom. cap. xix. dit avoir vû pareille chose à l’égard d’un homme auquel il étoit survenu une diarrhée de la même espece, à la suite d’une dyssenterie avec fievre, dont il étoit mort le septieme jour.

Il semble donc suivre du témoignage de ces observateurs, qu’il y a eu des flux de ventre véritablement hépatiques : on ne voit pas en effet, pourquoi d’autres auteurs se sont appliqués avec tant d’ardeur à établir qu’il n’en existe pas, ni n’en peut exister de tels. Si toutes les parties du corps en général sont susceptibles d’hémorrhagie, (Voyez Hémorrhagie.) pourquoi le foie seroit-il excepté ? Pourquoi ne peut-on pas concevoir qu’un engorgement des vaisseaux sanguins de ce viscere, qui communiquent avec les colatoires de la bile, soit suivi d’une effusion de sang plus ou moins considérable dans ces derniers conduits qui le portent dans les intestins ? Pourquoi ne peut-il pas se former une