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le bas âge, aux environs de celui de puberté & dans l’âge bien avancé.

On doit regarder comme constant, d’après les plus grands observateurs, que les congestions se sont dans différentes parties du corps, selon les différens tems de la vie, par une disposition particuliere dans l’économie animale ; en sorte que les enfans & les jeunes gens sont spécialement sujets aux hémorrhagies par le nez. A l’âge viril, jusqu’à trente-cinq ans environ, on devient sujet au crachement de sang, à l’hémophtysie, & dans la vieillesse au pissement de sang : les hémorrhoïdes semblent donc regarder plus particulierement le moyen âge : pour la raison de ces différens effets, qui n’est pas facile à déterminer, voyez Nature, Économie animale, Hémorrhagie, Saignement de nez, Hémophtysie, &c. On se bornera à faire ici une application particuliere de ce qui donne lieu aux hémorrhagies critiques.

Comme il est peu de personnes qui observent le régime convenable pour la conservation de la santé dans un état aussi parfait, qu’elle seroit susceptible d’y être, & que dans tous les tems de la vie, l’intempérance, le défaut d’exercice, contribuent à faire surabonder les humeurs dont l’excédent est porté le plus souvent (par un principe véritablement actif, ou par la tendance générale à l’équilibre, dans le corps animal) vers les parties où il se trouve moins de résistance ; (Voyez Nature, Faculté, Equilibre, Physiol.) il est ordinaire de voir que dans le moyen âge, un des effets le plus commun de la pléthore est la formation des hémorrhoïdes, qui doivent alors être regardées comme salutaires, surtout si elle est suivie de flux-de-sang, parce qu’elles sont l’effet des efforts critiques de la nature, par les spasmes qu’elle opere, qui resserrent, qui étranglent les veines vraissemblablement par le même méchanisme, que dans l’érection de la verge. (Voyez Effort, Physiol. Erection.) En sorte que le sang y est arrêté, s’y accumule, sans qu’il cesse d’y en être porté de nouveau ; que la circulation s’y fait à-peu-près comme dans les corps caverneux dilatés ; que le sang dans les vaisseaux hémorrhoïdaux, forcés, relâchés, n’y est pas absolument croupissant ; & que l’excédent est rapporté par les veines dans la masse, (comme celui de la verge, à mesure que l’érection cesse) lorsque l’équilibre se rétablit par quelque cause que ce soit, interne ou externe, entre les vaisseaux hémorrhoïdaux & les autres vaisseaux du corps ; à moins que ceux-là ne se dégorgent auparavant en cédant à l’effort critique, en s’ouvrant pour former un flux-de-sang.

Ce flux hémorrhoïdal, par le renouvellement de la pléthore, devient souvent aussi régulier dans ses retours, que le flux menstruel ; ce que l’on a observé souvent dans un grand nombre d’hommes (voyez Horstius, lib. V. observ. 45.) ce qui arrive même aussi quelquefois dans les femmes, après la suppression naturelle des regles, selon Ethmuller, de hemorrhoïd. & pendant la grossesse, selon Schenkius, dans ses œuvres, lib. III. & Amatus Lusitanus, cent. V. cur. 3. mais il est plus ordinaire que le flux hémorrhoïdal & les symptomes qui le précedent, soient irréguliers dans leur apparition : ce qui fait encore distinguer les hémorrhoïdes en périodiques & en erratiques.

Il suit de ce qui vient d’être dit, que la cause immédiate des hémorrhoïdes est une sorte de pléthore particuliere dans les vaisseaux de l’intestin rectum, qui engorge principalement les veines, attendu que leurs tuniques résistent moins, & que la surabondance du sang peut y être déposée comme dans les vaisseaux relâchés, par l’effet d’une ventouse : en effet, la position des veines hémorrhoïdales, qui

sont d’un tissu foible dans la cavité du bassin, où elles ne sont point soutenues, où elles sont exposées à être relachées ultérieurement par l’humidité onctueuse de la graisse, dans laquelle elles sont ordinairement comme ensevelies ; exposées à la compression, au frottement des matieres fécales, lorsqu’elles sont sous forme solide, dure ; & à l’action rongeante de ces mêmes matieres, lorsqu’elles sont fluides & acrimonieuses ; sujettes à l’étranglement de leur canal, à la gêne dans le cours du sang, qu’y peut causer la situation fréquente d’être assis, d’aller à cheval, jointe à tout cela la difficulté dans le retour du sang, qui est le plus souvent dans le cas de remonter contre son propre poids, à cause de la direction parallele de ces veines le long de l’intestin rectum ; toutes ces circonstances concourent à établir la disposition particuliere, à ce que ces veines deviennent aisément variqueuses, & soient plus susceptibles, tout étant égal, des effets de la pléthore, qu’aucune autre partie du corps, excepté la matrice ; ce qui sert principalement à rendre raison pourquoi les hommes sont plus sujets aux hémorrhoïdes que les femmes, & pourquoi celles-ci éprouvent souvent que le flux hémorrhoïdal est le supplément le plus naturel du flux menstruel.

Il faut noter que le sang n’est pas toûjours la seule matiere du flux hémorrhoïdal ; il y a plusieurs exemples d’écoulement de différentes humeurs excrémenticielles, corrompues, qui se fait par les vaisseaux hémorrhoïdaux, comme dans les fleurs blanches. Schneider, lib. III. de catharris, rapporte plusieurs observations à ce sujet.

La déjection sans tranchées, sans douleurs qui la précedent, sans ténesme, distinguent le flux hémorrhoïdal du flux dissentérique ; & d’ailleurs dans celui-ci le sang est mêlé avec les matieres fécales, & ressemble à de la raclure de boyaux, au lieu que dans celui-là, le sang est ordinairement séparé des matieres, qui sont ordinairement sous forme solide ; d’ailleurs, il est d’une couleur plus foncée, & quelquefois même il est rendu en caillots, lorsqu’il sort de l’intérieur du boyau où il a sejourné après son épanchement. Ces dernieres circonstances suffisent pour distinguer aussi le flux hémorrhoïdal du flux hepatique. L’hémorrhagie scorbutique, par la voie des selles, se fait sans dépendre des déjections, les précede souvent ou les suit sans conséquence (Voyez Scorbut) ; au lieu que les hémorrhoïdes ne produisent un flux-de-sang considérable que par l’effet des déjections, sans quoi, ou elles fluent peu, ou elles ne fluent point du tout.

L’écoulement de sang qu’elles produisent paroît n’être jamais dépendant de la volonté ; cependant il n’est pas sans exemple que la nature ait pu se faire une habitude de lui obéir, relativement à cet effet. Panarole, Pentecost. 2. obs. 47. fait mention d’un vieillard, qui ayant été sujet dans sa jeunesse à un flux hémorrhoïdal salutaire, se l’étoit rendu si familier, & tellement à sa disposition, que lorsque, dans un âge plus avancé, il se sentoit quelque indisposition, à la guérison de laquelle il jugeoit qu’une évacuation hémorrhoïdale pouvoit contribuer, il se la procuroit, & de telle quantité qu’il croyoit nécessaire ; ce qui ne laisse aucun doute que dans bien des cas, le flux hémorrhoidal ne soit l’effet d’une puissance active, indépendamment d’aucune détermination méchanique, quoique la chose se fasse d’une maniere moins sensible, que dans le cas de ce vieillard.

Lorsque les tumeurs hémorrhoïdales ne s’ouvrent point, c’est-à-dire, qu’elles ne forment point de flux-de-sang, elles sont ce qu’on appelle hémorrhoïdes fermées, cæcæ ; elles ne sont incommodes qu’autant qu’elles deviennent douloureuses, avec ardeur, ten-