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lie & qu’on serre fortement aux deux bouts avec une ficelle. On place ce treuil dans deux échancrures demi-circulaires, faites au bord du vaisseau, vis-à-vis l’une de l’autre. On l’y assujettit du côté de la manivelle au moyen d’un petit crampon recourbé à angle droit, comme un clou à crochet, fixé par sa jambe perpendiculaire, & libre par l’horisontale ; & à l’autre extrémité avec un crampon ordinaire, entre les jambes duquel passe l’axe du cylindre. Cette machine est de Cramer ; au lieu du treuil garni de brins de balai, on peut en employer un cannelé dans sa longueur, à-peu-près comme un moussoir de chocolat. Cette variété tirée de sa traduction angloise, se trouve aussi dans nos Planches de Chimie. On remplit d’eau le vaisseau, de façon qu’un tiers du cylindre y soit plongé.

Quand on veut granuler un métal, de l’argent orifere, par exemple, on commence par le fondre. Si on a une grande quantité à grenailler à-la-fois, on employe un grand creuset qui puisse contenir le tout ; & comme il y auroit trop à risquer si on l’enlevoit du feu, on y puise avec un petit qu’on a fait rougir, & l’on verse le métal doucement & sans discontinuer sur le treuil, qu’un aide tourne assez vîte au moyen de sa manivelle.

Cette machine est la plus commode de toutes. Par cette méthode on peut grenailler toute sorte de métaux & de demi-métaux ; & la grenaille est plus fine que par aucune autre.

Si elle manquoit, on ne laisseroit pas de faire de la grenaille avec un chauderon & un balai ; & même tout vaisseau large & médiocrement creux peut y servir, quoique le chauderon soit preférable. On remplira donc ce chauderon d’eau froide jusqu’à 8 pouc. de ses bords ; on donnera à cette eau un mouvement de gyration avec le balai ; on y versera l’or ou l’argent avec un petit creuset rougi au feu, d’un seul jet, sur les côtés, afin qu’il soit emporté par le mouvement donné à l’eau par le balai, qu’un aide remue circulairement. Plus l’argent peut s’étendre pendant qu’on le verse, plus les grenailles en sont creuses & menues.

On peut encore, au lieu de donner à l’eau un mouvement circulaire en tenant le balai perpendiculairement, le coucher & le tourner à demi-plongé dans l’eau : & on imitera pour lors le granulatoire à treuil. Mais le balai en question ne doit pas être trop serré ; sans quoi le métal, y arrêteroit, se refroidiroit, & se rassembleroit en masses avant que de parvenir à l’eau qui doit achever de le diviser & creuser ses grains. La même précaution doit avoir lieu à l’égard du treuil. Dans ces circonstances, on trouvera la grenaille au fond de l’eau, presqu’aussi divisée que si on eût employé le treuil. On la retire de l’eau, & on la seche dans un vaisseau de cuivre ou de terre.

Quelques artistes se contentent de grenailler leur argent orifere en le jettant simplement dans une bassine remplie d’eau froide qu’ils n’agitent point. Mais leur grenaille est grossiere, & forme des masses ou rochers ; car c’est le nom qu’on donne dans les monnoies à l’amas des grains d’or ou d’argent qui forment une masse au fond du bacquet.

En Hongrie on grenaille l’argent comme nous venons de le dire, dans un chauderon où l’eau est agitée circulairement avec un balai ; mais on le fait tomber du creuset en un jet le plus large qu’il est possible, & de fort haut. Par ce moyen, les grenailles se forment plus menues & plus universellement creuses & concaves. On les seche dans des bassines larges, qu’on pose sur deux buches, entre lesquelles on met des charbons ardens. Voyez Inquart & Départ.

Les Chauderonniers donnent le nom de grenaille à leur soudure. Voyez Flux & Soudure. Ils la versent de la poesle ou elle a été fondue, dans une au-

tre chauffée qu’ils tiennent sur l’eau où ils la plongent & l’agitent rapidement. Par ce moyen elle se met en des especes de rocailles, & se divise plus aisément dans le mortier de fonte où ils la pilent. Ils la passent ensuite par un petit crible de cuivre. Mais je crois que cette méthode tient encore de l’enfance des Arts, & qu’il vaudroit beaucoup mieux granuler cette espece de laiton avec notre granulatoire à l’eau ; car elle ne se convertit point proprement en grains, & elle est d’ailleurs d’une dureté extraordinaire, qui fait perdre un tems considérable à la piler. Quand on la tire du feu, & sur-tout qu’on la verse d’une poesle dans l’autre, elle jette une grande flamme jaune & bleue, très-agréable à voir.

On réussit presqu’également & avec autant de sûreté par les trois premieres méthodes à granuler l’or, l’argent, & les alliages métalliques, comme nous l’avons dit des deux premiers, & de la soudure des Chauderonniers, qui est un laiton ou alliage de zinc & de cuivre. Mais il n’en est pas de même de ce dernier métal, du plomb & de l’étain ; leur granulation & sur-tout celle du cuivre, est toûjours accompagnée d’un danger qu’on n’évite qu’en le versant peu-à-peu, & très-lentement. Le meilleur moyen de ne courir aucun risque, c’est de les faire tomber tout divisés sur le balai ou sur le cylindre ; on y réussit en les faisant passer à-travers de petits trous faits au fond d’un creuset rougi au feu, qu’on tient suspendu sur le treuil ou le balai.

Pour les essais, ou le départ & inquart en petit, on fait des cornets de l’argent orifere. Dans les départs en grand, on le réduit en grenaille, soit qu’ils se fassent par la voie seche, soit qu’ils se fassent par l’humide. Et lorsqu’on veut savoir ce qu’ils tiennent d’or par marc, l’essayeur prend au hasard une ou deux de ces grenailles ; il en pese un demi gros, & fait le départ à l’ordinaire : mais la chaux d’or qui en revient, n’est que très-rarement en rapport exact avec l’or contenu dans la totalité de l’argent granulé, parce que la pesanteur spécifique de celui-ci à celui-là étant comme de 654 à 1200, selon les observations de M. Wolf, il est presqu’impossible que, pendant qu’on verse lentement ces deux métaux en fonte, le plus pesant ne se précipite à-travers le plus leger, & ne rende conséquemment une partie de la grenaille plus riche que l’autre. Voyez-en la preuve aux articles Lotissage, Inquart, Départ, & Poids fictif. Mais passons à la granulation seche.

Le granulatoire sec est une boîte de bois, aussi uniquement destinée à l’usage dont il est question. Il faut qu’elle soit garnie de son couvercle, & capable de contenir au-moins quatre fois plus de métal qu’on n’en veut grenailler d’un seul coup, afin qu’il y ait assez de jeu, & qu’on puisse l’y agiter fortement. Cette boîte doit être faite d’un bois très-sec. Nous n’en avons point donné de figure, parce qu’elle n’a rien d’extraordinaire. Nous pensons seulement que celle qui aura le plus d’angles, sera la meilleure. Avant que de s’en servir, on aura soin de frotter uniformément dans tous leurs points, le fond & les parois, de craie ou de cire, ou de blanc dit d’Espagne, qui n’est qu’une craie lavée. Tout autre vaisseau, quel qu’il soit, peut servir à la granulation, pourvû qu’on y puisse secourer fortement un liquide sans craindre qu’il n’en sorte.

On employe ordinairement ce vaisseau pour granuler le plomb, &c. qu’il est indispensable d’avoir divisé pour les essais, soit pour la facilité des pesées, soit pour que le fin y soit uniformément distribué. Voyez Grain de fin, &c. Si on se sert moins du granulatoire à l’eau pour le plomb, c’est parce qu’on peut s’en passer, qu’il y a moins de danger par la voie seche, & qu’elle donne la grenaille plus fine : voici comment on y procede.