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dre par de petits trous ronds qui y sont faits exprès & qui forment le grain en passant quand la matiere vient d’être tirée des mortiers du moulin. Il y en a de plusieurs grandeurs. Voyez Poudre. (Q)

GRAIRIE, s. f. (Jurisprud.) est un droit que le roi a sur les bois d’autrui, à cause de la jurisdiction qu’il y fait exercer par ses officiers pour la conservation de ces bois.

Ce terme vient du latin ager, quasi agri pars, parce qu’en quelques endroits le roi a une certaine part dans les coupes de bois, outre les droits de justice, glandée, paissons & chasses.

En d’autres endroits, ce droit consiste dans un droit en argent, comme dans la forêt d’Orléans, ou on leve pour le roi deux sous parisis d’une part, & dix-huit deniers d’autre pour le droit de grairie : ailleurs ce droit est différent.

On confond quelquefois les termes de grurie & grairie, lesquels en effet signifient souvent la même chose ; mais ils ont aussi en certaines occasions chacun leur signification propre : grurie signifie quelquefois une justice des eaux & forêts sur les bois d’autrui ; grairie est le droit que le roi y perçoit à cause de cette justice.

Quelques-uns entendent aussi par grairie un bois est possédé en commun, d’autres appellent cela segrairie.

Ragueau, en son glossaire, dit que le droit de grairie consiste en la propriété & domaine de partie du bois ou forêt.

L’ordonnance des eaux & forêts attribue jurisdiction & compétence aux officiers des eaux & forêts sur les bois tenus en grairie, grurie, &c.

Dans les bois où le roi a droit de grairie, les grands-maîtres doivent faire les ventes avec les mêmes formalités que pour les bois du roi, sans souffrir qu’il soit fait aucun avantage ni donné aucune préférence aux tréfonciers ou possesseurs.

Les maîtres particuliers font les ventes des taillis tenus en grairie.

Dans tous les bois sujets aux droits de grurie, grairie, &c. la justice & tous les profits qui en procedent appartiennent au roi, ensemble la chasse, paisson & glandée, privativement à tous autres, à-moins que pour la paisson & glandée il n’y eût titre au contraire.

Les parts & portions que le roi prend lors de la coupe & usance des bois sujets aux droits de grurie & grairie, doivent être levées & perçûes à son profit en espece ou en argent, suivant l’ancien usage de chaque maîtrise où ils sont situés, sans qu’il soit permis de rien changer ni innover à cet égard ; & les bois de cette qualité ne peuvent être vendus que par le ministere des officiers des eaux & forêts, & avec les mêmes formalités que les autres bois & forêts du roi.

Les droits de grairie ou grurie ne peuvent être donnés, vendus, ni aliénés en tout ou partie, ni même donnés à ferme pour telle cause & prétexte que ce soit ; leur produit ordinaire doit être donné en recouvrement au receveur des domaines & bois, lequel en doit compter comme de la vente des forêts du roi. Voyez Grurie, & au mot Danger, Tiers et Danger, Segrairie, Gruage. (A)

GRAIS, ou GRÈS, s. m. en latin cos, saxum arenarium, saxum fabulosum, (Hist. nat. Minéralogie.) c’est ainsi qu’on nomme une pierre très-connue formée par l’assemblage de petits grains de sable qui sont joints les uns aux autres par un gluten ou lien qui nous est inconnu. Les particules de sable qui composent le grais sont plus ou moins grandes, cependant l’œil peut presque toûjours les appercevoir & les distinguer. Il se trouve soit en masses ou roches informes, soit par couches dont l’épaisseur est quel-

quefois considérable ; il varie pour la consistence &

pour la liaison de ses parties : quand il est solide, il fait feu avec le briquet, mais ordinairement il se met très-aisément en grains.

Wallerius compte huit especes de grais, mais elles ne different réellement que par la finesse des parties dont il est composé.

1°. La premiere espece est le grais ou pierre à aiguiser, cos turcica, ainsi nommée par l’usage qu’on en fait ; ses parties sont très-fines : on le frotte d’huile quand on veut s’en servir pour repasser les rasoirs, les couteaux, & autres instrumens tranchans.

2°. Le grais dont on fait les pierres de remouleurs dont le grain est assez fin ; il est ou gris ou blanc, ou rougeâtre ou jaunâtre.

3°. Le grais d’un tissu lâche, au-travers duquel l’eau peut se filtrer, qu’on appelle communément pierre à filtrer.

4°. Le grais poreux qui paroît comme vermoulu ; il donne aussi passage à l’eau, comme le précédent.

5°. Le grais à bâtir ; c’est celui dont on se sert pour bâtir en plusieurs endroits : il est mêlé d’argille, & varie pour la dureté & la finesse de ses parties. Le grais de Suede, qu’on nomme pierre de Gothie, affecte une figure cubique ; la même chose arrive au grais dont on se sert pour le pavé à Paris.

6°. Le grais grossier ou ordinaire, qui est ou blanc ou gris ou jaunâtre : ses parties sont grossieres & inégales.

7°. Le grais feuilleté ; il varie pour la finesse & la grossiereté de ses parties.

8°. Le grais mélangé, dont les parties qui le composent sont des petites pierres de différentes especes.

En général on entend par grais des pierres composées de sable, de quelque nature qu’il soit : c’est de cette pierre qu’on se sert pour paver les rues de Paris, & il n’en est point de plus propre à cet usage : il s’en trouve une grande quantité dans les environs de Fontainebleau, qui vient ici par la riviere de Seine. Quelques-uns de ces grais sont assez peu compactes, & on les brise très-aisément au marteau pour en faire du sablon qui sert à nettoyer la vaisselle ; d’autres sont d’une dureté très-considérable, & ne se divisent qu’avec beaucoup de peine. (—)

* Grais de Normandie, (Minéralog. & Chimie.) c’est ainsi qu’on appelle en Normandie une terre dont on se sert pour faire les pots-à-beurre, & qu’on prétend supérieure en plusieurs cas aux terres d’Allemagne, & même à la porcelaine.

Pour donner au grais la propriété de résister au feu, il faut qu’il ait été rougi ; on le rougit au feu, en le chauffant par degrés ; si le feu est poussé trop vif il se fend : il faut ensuite le refroidir avec la même précaution qu’on l’a chauffé ; il se brise sur le champ, si le refroidissement est subit.

Ce grais est composé d’une terre glaise & d’un petit sablon blanc semblable à celui d’Etampes ; la glaise en est beaucoup plus onctueuse que la commune ; elle se dissout sur la langue & laisse un goût de savon, sans aucun vestige de stipticité ; on la tire de la terre près de Domfront ; au sortir de la terre elle est humide, elle ne tarde pas à se secher : on trouve dans les trous d’où on l’a tirée, de petits poissons que les ouvriers pêchent & qu’ils mangent. D’où viennent ces poissons ? il n’y a dans les environs ni étangs ni riviere, ni aucune eau courante. La poterie de cette terre se fabrique aux environs de Mortain.

Pour l’employer, on commence par la couper en tranches minces & legeres avec un couteau à deux manches ; on jette ces tranches dans une fosse avec du sable & de l’eau. On agite le mélange avec une pelle à différens intervalles ; on le laisse en cet état pendant vingt-quatre heures, tems qu’il faut, disent les ouvriers, pour pourrir la terre. La dose de sable