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prend au simple & au figuré, au physique & au moral, ainsi que le substantif goût. Voyez ci-devant l’article Goût.

Goûter, (le) s. m. (Hist. rom.) merenda, Plaute. Repas entre le dîner & le souper. Ce repas n’étoit d’usage chez les Romains que pour les artisans, les gens de travail, & les esclaves : à l’égard de tous les autres ordres, il n’y avoit que le souper qui méritât d’être regardé comme un repas ; parce que les affaires tant publiques que particulieres des citoyens, les spectacles, & les exercices du corps, les occupoient hors de leurs maisons jusqu’au tems de ce repas. Voyez donc Souper. (D. J.)

GOUTTE, s. f. (Physiq.) petite portion de fluide détachée du reste.

La forme sphérique que prennent les gouttes des fluides, n’a pas laissé que d’embarrasser les Philosophes. L’explication que l’on en donnoit autrefois, étoit que la pression égale & uniforme du fluide environnant ou de l’atmosphere, obligeoit les gouttes à prendre cette figure ; mais cette raison n’est plus recevable depuis que nous savons que le même phénomene a lieu dans le vuide, comme en plein air.

Les philosophes Newtoniens l’attribuent à l’attraction, laquelle étant mutuelle entre les parties du fluide, les concentre, pour ainsi dire, & les rapproche les unes des autres aussi près qu’il est possible ; ce qui ne sauroit arriver, sans qu’elles prennent une forme sphérique.

Voici comme s’explique sur ce sujet M. Newton : Guttæ enim corporis cujusque fluidi, ut figuram globosam inducere conentur, facit mutua partium suarum attractio ; codem modo quo terra mariaque in rotunditatem undique conglobantur, partium suarum attractione mutuâ, quæ est gravitas. Opt. page 338. Voyez Attraction.

En effet, si on imagine plusieurs corpuscules semblables qui s’attirent mutuellement, & qui par leur attraction se joignent les uns aux autres, ils doivent nécessairement prendre la figure sphérique, puisqu’il n’y a point de raison pourquoi un de ces corpuscules sera placé sur la surface de la goutte d’une autre maniere que tout autre corpuscule, & que la figure sphérique est la seule que la surface puisse prendre pour que toutes les parties du fluide soient en équilibre. Quoique cette explication soit plausible, du moins en admettant le principe de l’attraction, cependant il ne faut pas abuser de ce principe pour expliquer le phénomene de l’adhérence des particules fluides. Voyez Adhérence & Cohésion. (O)

Goutte & Gouttes, (Pharmacie.) La goutte est la plus petite mesure des liquides.

Le poids d’une goatte est évalué par approximation à un grain. On conçoit que ce poids doit varier selon la pesanteur spécifique ou la tenacité de chaque liquide.

On prescrit par gouttes les liqueurs qu’on employe à très petite dose pour l’usage intérieur ; telles que les baumes, les huiles essentielles, les élixirs, les mixtures, les esprits alkalis volatils, certaines teintures.

Quelques liqueurs composées de cette classe, ont tiré de cet usage d’être ordonnées par gouttes le nom de gouttes. C’est sous ce nom que les mixtures magistrales qui agissent à très-petite dose, sont ordonnées communément, quoique l’on puisse déterminer par gros, & même par cuillerées, la quantité de ce remede excédent trente ou quarante gouttes.

C’est cette forme de remede qui est appellée dans Gaubius (method. concinnandi formulas medicament.) mixtura contracta ; & dans Juncker, (consp. therap. gen.) mixtura concentrata.

On trouve dans les pharmacopées plusieurs compositions sous le nom de gouttes. Celle de Paris en

renferme deux : savoir, les gouttes d’Angleterre anodynes, & les gouttes d’Angleterre céphaliques.

Gouttes d’Angleterre anodvnes. Prenez d’écorce de sassatras, de racine de cabaret, de chacun une once ; de bois d’aloës demi-once ; d’opium choisi deux gros ; de sels volatils de crane humain & de sang humain, de chacun demi-gros ; d’esprit-de-vin rectifié une livre : digérez à une chaleur douce pendant vingt jours, décantez & gardez pour l’usage dans un vaisseau fermé.

L’opium est dans cette préparation environ une quarante-huitieme partie du tout ; par conséquent il faut en donner deux scrupules ou environ cinquante gouttes, pour avoir un remede narcotique répondans à un grain d’opium.

Gouttes d’Angleterre céphaliques. Prenez de l’esprit volatil de soie crue avec son sel, quatre onces ; d’huile essentielle de lavande un gros ; d’esprit-devin rectifié demi-once : faites digérer pendant vingt quatre heures, & distillez doucement au bain marie jusqu’à ce qu’il s’éleve de l’huile ; gardez pour l’usage. Voyez à l’art. suivant un procedé un peu différent.

Ce n’est ici proprement qu’un esprit volatil aromatique huileux ; il ne differe de celui qu’on trouve sous ce nom générique dans la pharmacopée de Paris, qu’en ce que sa composition est beaucoup plus simple que celle de celui-ci, & qu’on y employe un alkali volatil plus gras, celui de soie, au lieu de celui de sel ammoniac ; mais ces différences ne sont point essentielles quant aux vertus medecinales. V. Esprit volatil aromatique huileux. (b)

Gouttes de Goddard, (Chim.) remede chimique qui a fait autrefois beaucoup de bruit, & qui a été fort vanté pour les vertus qu’on lui attribuoit dans les foiblesses, l’assoupissement, la léthargie, l’apoplexie, & autres maladies aussi graves.

Goddard son inventeur exerçoit la Medecine à Londres avec réputation sous le regne de Charles II. Ce prince eut bien de la peine à obtenir de lui son secret pour vingt-cinq mille écus ; mais enfin il le lui vendit cette somme par respect & par égard : c’est ce qui a fait donner à ce remede en France le nom de gouttes d’Angleterre, qu’on appelloit dans le pays gouttes de Goddard.

Charles II. ne tarda pas à communiquer à ses medecins la composition des gouttes de Goddard ; cependant elle a été long-tems un mystere, connu seulement de quelques anglois qui le cachoient aux étrangers. Mais Lister célebre par divers ouvrages, persuadé que cette jalousie de nation est ennemie du genre humain, découvrit la préparation à M. de Tournefort, qui l’a rendue publique. La voici.

Prenez de la soie crue, remplissez-en une cornue luttée ; donnez-y un feu doux, il en sortira un phlegme, un sel volatil, & une huile qui se fige comme du beurre. Prenez quatre onces de sel volatil, une dragme d’huile de lavande & huit onces d’esprit-devin ; mettez le tout dans une petite cornue de verre, adaptez-y un récipient, luttez les jointures ; placez-la sur le feu de sable, le sel passera d’abord en forme seche ; ensuite viendra l’esprit éthéré de lavande & de vin imprégné du sel volatil : voilà les gouttes de Goddard.

Ces gouttes ne sont donc que l’esprit volatil de soie crue, rectifié avec l’huile essentielle de lavande ; & M de Tournefort a trouvé par expérience qu’elles n’ont aucun avantage sur les préparations de la corne de cerf & du sel ammoniac, si ce n’est par une odeur plus supportable.

Cependant leur préparation nous apprend comment il faut faire les sels volatils huileux. En effet, au lieu de sel de la soie, on peut se servir de sel ammoniac & du tartre en parties égales. On met le mélange dans une cucurbite de verre ou de grès, on