L’Encyclopédie/1re édition/SOUPER

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SOUPER, en terme de Cuisine, signifie l’action de prendre le repas du soir.

Souper se prend encore substantivement pour marquer le repas du soir même, & souvent ce qui le compose.

Souper des Romains, (Antiq. rom.) le souper des Romains étoit non seulement leur principal repas, mais c’étoit souvent un repas préparé, une assemblée de toute une famille, un rendez-vous de plusieurs amis. Tout y étoit concerté de maniere à rendre les choses plus commodes & plus agréables à ceux qui en devoient être ; l’heure, le lieu, le service, la durée, les accompagnemens & les suites.

Le tems de ce repas étoit ordinairement entre la neuvieme & la dixieme heure du jour, suivant leur maniere de compter, & selon la nôtre, entre trois & quatre heures après midi ; en sorte qu’il restoit du tems suffisamment pour la digestion, pour les amusemens, pour les soins domestiques, & même quelquefois pour le régal extraordinaire : les écrivains sont d’accord sur cet article.

Imperat extructos frangere nona thoros :

c’est-à-dire, la neuvieme heure avertit de se mettre à table. Juvenal outrant la déclamation, remarque comme une insulte faite aux bonnes mœurs, aux lois & à la justice, la conduite d’un certain Marius, qui dans l’exil qu’il avoit mérité par ses concussions, prévenoit cette heure.

Exul ab octavâ Marius bibit, & fruitur dis
Iratis, at tu, victrix provincia, ploras.

Le lieu du souper étoit anciennement in atrio, c’est-à-dire dans une espece de vestibule exposé aux yeux de tout le monde. Ils ne rougissoient point de manger ainsi, dit Valere Maxime, liv. II. c. j. parce que leur sobriété & leur modération n’apprehendoient point la censure de leurs concitoyens : nec sanè ullas epulas habebant, quas populi oculis subjicere erubiscerent. Après cela ils y furent obligés par les lois Æmilia, Antia, Julia, Didia, Orchia, de peur qu’une plus grande retraite ne donnât lieu à la licence : Imperatum est ut patentibus januis pransitaretur, & coenarentur, dit Macrobe, ne singularitas licentiam gigneret, ajoute Isidore.

Quelquefois, & sur-tout dans la belle saison, le souper se donnoit sous un platane, ou sous quelqu’autre arbre touffu ; mais en quelque lieu que ce fût, on avoit soin de faire étendre en l’air une grande piece de draperie, qui pût mettre la table & les convives à couvert de la poussiere & des autres malpropretés. Outre les anciens marbres qui en font foi encore aujourd’hui, Horace dans la description du repas que Nasidienus donna à Mecenas, n’oublie pas ce tapis dont la chûte malheureuse causa une si grande désolation.

Interea suspensa graves aulæa ruinas
In patinam fecêre, trahentia pulveris atri
Quantum non aquilo campanis excicat agris.

Mais quand les Romains eurent été instruits dans l’architecture, ils voulurent mettre en œuvre les leçons qu’ils en avoient reçues. Les disciples, afin d’y mieux réussir, dépouillerent leurs maîtres, & bâtirent à leurs dépens des sallons exprès, pour recevoir plus commodément & plus splendidement ceux qu’ils vouloient traiter. Alors cette modestie des premiers Romains, ces réglemens mêmes tant de fois renouvellés & multipliés pour la maintenir, furent bientôt mis en oubli. Les censeurs, quoique secondés par les plus sages du sénat & du peuple, ne purent arrêter le torrent ; on écoutoit sans s’émouvoir, les harangues des uns, & les menaces des autres.

La république étoit encore dans sa plus grande splendeur, lorsqu’il plut à Lucullus d’avoir plusieurs de ces superbes sallons, à chacun desquels il donna le nom de quelque divinité, & ces noms étoient pour ses maîtres d’hôtel, un signal de la dépense qu’il vouloit faire à ses repas.

L’empereur Claude avoit entr’autres un sallon, auquel il avoit donné le nom de Mercure. Mais tout ce qu’on en avoit vu jusqu’alors, fut effacé par l’éclat de ce sallon aussi merveilleux que magnifique de Néron, appellé domus aurea. Celui-ci, par le mouvement circulaire de ses lambris & de ses plat-fonds, imitoit les conversions du ciel, & représentoit les diverses saisons de l’année, qui changeoient à chaque service & faisoient pleuvoir des fleurs & des essences sur les convives. Comme le luxe va toujours en augmentant, quoique la fortune diminue, Eliogabale enchérit encore sur Néron, autant que Néron avoit enchéri sur Lucullus.

Les buffets étoient chargés de quantité de vases, encore plus précieux par la délicatesse du travail, que par l’or, l’argent ou la matiere rare dont ils étoient composés. C’étoient la plupart des fruits de leurs victoires, & des dépouilles des provinces qu’ils avoient conquises, dont la plus grande partie servoit plutôt à former un spectacle magnifique, qu’à aucun usage nécessaire.

La table étoit chez les premiers Romains de figure quarrée, du bois que leur fournissoient leurs forêts, & que leur tailloient leurs propres ouvriers. Quand ils eurent passé chez les Africains & chez les Asiatiques, ils imiterent d’abord ces peuples, puis ils les surpasserent en ce genre-là comme en tout autre. Ils varierent la figure de leurs tables ; & parce qu’ils ne les couvroient point encore de nappes, il fallut les faire au-moins d’une matiere qui n’offrît à leurs yeux rien que de luisant & de beau. Ils y employerent l’ivoire, l’écaille de tortue, la racine du buis, de l’érable, du citronnier & tout ce que l’Afrique féconde en singularités, leur fournissoit de plus curieux. Non contens de cette recherche, ils les ornerent de plaques de cuivre, d’argent & d’or, & ils y enchâsserent des pierres précieuses en forme de couronne. La table des pauvres étoit à trois piés ; celle des riches étoit soutenue par un seul. A chaque service on nettoyoit les tables avec une éponge mouillée, & à chaque fois les conviés se lavoient les mains. On avoit encore l’usage de substituer au premier service une nouvelle table toute servie, & ainsi pour tous les autres jusqu’à la fin du souper.

La maniere dont les Romains étoient à table n’a pas toujours été la même ; mais elle a paru digne de la curiosité des gens de lettres. Dans les premiers tems, ils mangeoient sur des bancs à l’exemple des Lacédémoniens ; ensuite ils adopterent l’usage des petits lits de Carthage qui n’étoient pas fort tendres ; enfin ils vinrent à manger sur les lits les plus mollets, les plus voluptueux & les plus magnifiques. Voyez Lit de table, Antiq. rom.

Les convives se rendoient au souper à la sortie du bain, avec un habillement qui ne servoit qu’à cela, & qu’ils appelloient synthesis ; espece de draperie qui ne tenoit presque à rien, comme il paroît dans les marbres, & qui étoit pourtant différente du pallium des Grecs.

On ne voit point qu’on ôtât les souliers aux dames, ni qu’on leur lavât ou parfumât les piés quand elles venoient prendre part à la fête ; mais rien n’étoit plus commun pour les hommes : on avoit raison de ne pas exposer à la boue & à la poudre, les étoffes précieuses dont les lits de table étoient couverts. On présentoit de l’eau pour les mains, & même pour les piés, à ceux qui ne sortoient pas du bain.

Quant aux ombres & aux parasites qui venoient aux repas, ceux-ci appellés ou tolérés par le maître de la maison, & ceux-là amenés par les convives, voyez-en l’article au mot Ombre & Parasite.

Une chose qui paroîtra même ici fort bisarre, c’est que long-tems après le siecle d’Auguste, ce n’étoit point encore la mode que l’on fournît des serviettes aux conviés ; ils en apportoient de chez eux.

Tout le monde ainsi rangé, on ôtoit de dessus le buffet où étoient les vases plus ou moins précieux, on ôtoit, dis-je, des coupes qu’on plaçoit devant chaque convive. On faisoit présenter à chacun des couronnes de fleurs ou de lierre, auxquelles on se plaisoit d’attribuer la propriété d’empêcher par leur fraîcheur, l’effet des fumées du vin. Après s’être fait frotter les cheveux d’essences odorantes, ils mettoient ces couronnes sur leur tête, & les gardoient pendant tout le repas. On leur donnoit en même tems une liste de tous les services & de tous les mêts qui devoient composer le festin.

On servoit ensuite les viandes, non pas toujours chaque plat séparément ; mais souvent plusieurs plats ensemble sur une table portative.

Leurs soupers étoient pour l’ordinaire à trois services ; mais quelquefois par un surcroît de bonne chere & de magnificence, on les augmentoit jusqu’à sept. On commençoit d’abord par des œufs, c’étoit un des mêts du premier service ; on y servoit aussi des salades de laitues & d’olives, des huitres du lac Lucrin si renommé chez eux pour la bonté de ce coquillage, & d’autres choses pareilles qui pouvoient exciter l’appétit.

Le second service étoit composé du rôti & des viandes les plus solides, parmi lesquelles on entremêloit quelques plats de poisson, dont ils étoient si grands amateurs, que sans ce mêts on n’auroit pas cru faire bonne chere.

Le troisieme service consistoit en pâtisserie, & en fruits de toute espece ; rien n’étoit plus magnifique.

On attendoit ce dernier service pour faire les dernieres libations. Ces libations consistoient à répandre avant que de boire, un peu de vin de la coupe en l’honneur de quelque divinité, ou même de l’empereur, pour se montrer bon courtisan quand la république fut assujettie ; ou en celui du génie de la personne à qui on vouloit déférer cette distinction : c’étoit le tems du repas où la gaieté des conviés paroissoit davantage.

On commençoit à faire courir les santés ; le maître de la maison faisoit apporter une coupe plus grande & plus riche que les autres, qu’on appelloit cupa magistra, la principale coupe, pour boire à la ronde les santés des personnes qu’on chérissoit. Quand c’étoit celle d’une maîtresse, souvent par galanterie on obligeoit de boire autant de coups que son nom avoit de lettres. On élisoit souvent un roi du festin. Voyez Roi du festin.

Il y avoit des domestiques dont la fonction étoit de présider à l’arrangement des plats, & qui tenoient lieu de nos maîtres d’hôtel ; d’autres pour avoir soin de la distribution des vins, & d’autres pour couper les viandes. Ils faisoient la fonction de nos écuyers tranchans : il y en avoit même qui pendant l’été ne faisoient que chasser les mouches avec de grands éventails de plumes garnis d’un manche, comme quelques bas-reliefs antiques nous les représentent.

On se lavoit quelquefois les mains aussi souvent que les services varioient ; si on servoit un poisson ou un oiseau de quelque prix & de quelque rareté singuliere, on l’apportoit aux sons des flûtes & des hautbois ; l’allegresse redoubloit, ainsi que le vin de Falerne qu’on faisoit rafraîchir dans des vases d’or, & le maître du festin se croyoit amplement récompensé par les acclamations de toute l’assemblée.

La bonne chere n’étoit pas le seul plaisir des soupers, la musique eu faisoit souvent partie ; on y admettoit des chanteuses & des joueurs d’instrumens ; ou bien les conviés eux-mêmes y suppléoient ; on y appelloit aussi des danseuses, des mimes, des pantomimes, qui faisoient des scenes muettes, & d’autres sortes de gens dont le métier étoit de débiter des contes plaisans, pour amuser la compagnie ; on y lisoit souvent des ouvrages d’esprit : enfin on tâchoit de rassembler tout ce qui pouvoit divertir & flater les sens.

Au commencement de la république les Romains chantoient dans leurs repas, les louanges des grands hommes au son de la flûte ; mais dans la suite, il ne se donnoit point de fête à laquelle les bouffons, les joueuses d’instrumens & les pantomimes, ne fussent appellés. On mêloit quelquefois aux plaisirs de la table le jeu, ou quelqu’autre divertissement plus barbare ; j’entens les gladiateurs samnites. Voyez Samnites.

Je viens de dire que les pantomimes paroissoient toujours à la fin des grands repas, & je ne dois pas oublier pour preuve, ce qui arriva dans un souper que donnoit l’empereur Auguste. On avoit beaucoup loué le pantomime Pylade, qui avoit représenté les fureurs d’Hercule sur le théatre public. Auguste voulut donner ce régal à sa compagnie : il fait venir Pylade, & lui dit de jouer la même piece dont il avoit reçu tant d’applaudissemens. Pylade qui, dans l’excès de sa fureur avoit tiré des fleches sur le peuple, commençoit déjà à en faire autant sur les conviés, & si on ne l’eût arrêté, il auroit sans doute ensanglanté la scene ; il est même à croire que ceux sur qui ces fleches seroient tombées, n’étoient pas les personnes qu’il respectoit davantage.

Suétone nous a conservé trois lettres du même empereur, où il est parlé de plaisirs plus tranquilles. Les deux premieres sont à Tibere, à qui il rend compte de ce qui s’est passé dans deux soupers. « J’ai soupé, dit-il, avec les mêmes personnes que vous savez, excepté que nous avions de plus Vinicius & Sibius le pere ; & en soupant, tant hier qu’aujourd’hui, nous avons joué assez sagement & en bons vieillards ; γερντείως. Talis enim jactatis ut quisque canem aut senionem miserat, in singulos talos singulos denarios in medium conferebat, quos tollebat universos qui venerem jecerat. Dans la seconde lettre ; nous nous sommes, dit-il, assez bien réjouis pendant les fêtes de Minerve. Non-seulement nous avons joué pendant le souper, mais encore nous avons mis tout le monde en humeur de jouer : Forum aleatorium calefecimus, frater tuus magnis clamoribus rem gessit ».

Dans la troisieme lettre, il mande à sa fille qu’il lui envoie 250 deniers, parce qu’il avoit donné pareille somme à chacun de ses convives pour jouer à pair & à non, aux dez ou à tel autre jeu qu’ils voudroient, pendant le souper.

Plaute, Catulle & Properce, parlent des divers jeux de table à-peu-près dans les mêmes termes. Mais ce que Pline écrit à Cornelien, l. VI. Ep. xxxij. marque encore plus positivement la coutume de son tems. Après avoir rendu compte à son ami des affaires que Trajan avoit terminées à Cincelles, centumcellis ; il ajoute, vous voyez que nos journées ont été assez bien remplies : mais nos occupations ne finissoient pas moins bien. Nous avions l’honneur de souper tous les jours avec l’empereur ; le repas étoit fort frugal, eu égard à la dignité de celui qui le donnoit. La soirée se passoit quelquefois à entendre des comédies ou des farces ; quelquefois aussi une conversation enjouée nous tenoit lieu d’un plaisir qui auroit couté plus cher, mais qui ne nous auroit peut-être pas touché davantage. Vides quam honesti, quam severi dies fuerint, quos jucundissimæ remissiones sequebantur. Adhibebantur quotidiè cænæ, erat modica si principem cogites. Interdum acroamata audiebamus, interdum jucundissimis sermonibus nox ducebatur.

Le dernier acte des soupers voluptueux, étoit une nouvelle collation qui succédoit aux jeux & aux autres amusemens. Cette collation s’appelloit chez les Romains commissation ou commessatio, du mot grec κῶμος, dit Varron, parce que les anciens Romains qui habitoient plus volontiers la campagne que la ville, se régaloient à tour de rôle, & soupoient ainsi tantôt dans un village, & tantôt dans un autre. Quelquefois même, quand on avoit soupé trop modestement dans un endroit, après quelques tours de promenade, on se retrouvoit dans un autre pour cette sorte de réveillon.

Démétrius, fils du dernier Philippe, roi de Macédoine, avoit vaincu Persée son frere dans une espece de joute ou de tournois : Persée ne l’avoit pas pardonné à Démétrius. Mais celui-ci après avoir bien soupé avec ceux de sa quadrille, leur dit, que n’allons-nous faire le réveillon chez mon frere ? quin commessatum ad fratrum imus ? ce sera peut-être un moyen de nous réconcilier.

Suétone nous apprend, que Titus poussoit le régal du souper assez souvent jusqu’à minuit, au lieu que Domitien son frere demeuroit rarement à table, après le coucher du soleil.

Mais à quelque heure qu’on se séparât, on finissoit toujours le souper par des libations aux dieux. On le commençoit par un coup de vin grec ; César qui étoit magnifique faisoit servir jusque dans les festins qu’il donnoit au peuple, quatre sortes de vins ; savoir, de Chio, de Lesbos, de Falerne, & le Mammertin. Virgile parle des libations aux dieux faites à la fin du repas que Didon donna à Enée.

Postquam prima quies epulis, mensæque remotæ,
Crateras magnos statuunt, & vina coronant....
Hinc regina gravem gemmis auroque poposcit,
Implevit que mero pateram......
Tunc facta silentia tectis.
Jupiter (hospitibus nam te dare jura loquuntur)
Dixit, & in mensà laticum libavit honorem :
Primaque libato summo tenus attigit ore :
Tum bitiæ dedit increpitans......
Post alii proceres
, &c.

Æneid. I. v. 727.

« Vers la fin du repas, on apporta de grandes coupes ; la reine en demanda une d’or, enrichie de pierreries, & répandit du vin sur la table. On fit silence, & après qu’elle eut adressé sa priere à Jupiter, & qu’elle eût fini la libation sacrée, elle trempa légerement ses levres dans la coupe, la donna à Bitias qui avala sur le champ la liqueur mousseuse, & tous les autres seigneurs l’imiterent ».

Après les effusions sacrées, on bûvoit à la prospérité de son hôte, & à celle de l’empereur. Ce dernier coup s’appelloit poculum boni genii, & se faisoit avec le cri ζήσειας ; après cela on relavoit les mains avec une espece de pâte faite exprès.

Enfin les conviés en prenant congé de leur hôte, recevoient de lui de petits présens qui d’un mot grec étoient appellés apophoreta du verbe ἀποφέρειν, emporter ; ainsi finissoit la journée romaine.

Il ne me reste plus qu’à expliquer quelques termes qu’on trouve souvent dans les auteurs latins, & qui peuvent embarrasser ceux qui commencent à les lire ; par exemple.

Cæna recta, désigne un souper splendide que les grands de Rome donnoient à leurs amis, & aux cliens qui leur avoient fait cortege dans leurs visites & dans la poursuite des charges. Ceux qui vouloient éviter cet embarras, leur distribuoient des provisions de bouche, & cette distribution s’appelloit sportula. Domitien la retrancha, & rétablit le repas appellé cæna recta, comme Suétone nous l’apprend : sportulas, dit-il, publicas sustulit, revocatâ coenarum rectarum consuetudine.

Cæna dapsilis, un festin abondant en viandes, soit que ce mot vienne de dapes, qui signifie des viandes exquises, ou du grec δαψίλεια, abondance de toutes choses.

Cæna acroamatica, du mot grec ἀκροάματα, qui signifie des conversations plaisantes & agréables. C’est un souper où l’on dit quantité de bons mots pour se divertir.

Il y avoit de plus cæna adventitia, intervallata, novemdialis, & duodenaria, appellée en grec δωδεκάθεος, parce que les conviés étoient au nombre de douze, habillés en dieux & en déesses.

Enfin, il y avoit un souper pontifical, que le souverain prêtre donnoit le jour de son inauguration.

Abacus étoit le buffet sur lequel on mettoit les verres, le dessert, &c.

Urnarium, étoit une table quarrée sur laquelle on posoit les vases, les flacons, les bassins, &c.

Cartibulum, signifie la table sur laquelle on découpoit les viandes qu’on servoit ensuite aux conviés.

Antecæna ou gustatio, désignoit le premier service ou les entrées. Le second s’appelloit caput cænæ, & le troisieme ou le dessert, se nommoit bellaria. Auguste n’avoit ordinairement que ces trois services, cænam ternis ferculis præbebat, dit Suétone.

A-l’entour de la grande table des conviés, il y avoit une espece de marche-pié un peu élevé, sur lequel étoient assis les enfans d’un certain âge qui soupoient avec la compagnie. Suétone nous dit dans la vie de l’empereur Claude, ch. xxxij. Adhibebat omni cænae liberos suos cum pueris, puellisque nobilibus, qui more veteri ad fulcra lectorum sedentes, vescerentur. (Le chevalier de Jaucourt.

Souper ; (Hist. des usag. de France.) on soupe dans ce siecle à dix heures à la cour, & dans les grandes maisons de Paris ; dans le quinzieme siecle, & même sous la minorité de Charles IX, c’étoit l’usage à la cour de France de souper à six heures du soir, & de dîner à onze du matin. Il n’étoit que 8 heures quand le duc d’Orléans fut assassiné le 23 Novembre 1407. & cependant à cette heure, il avoit déja soupé avec la reine ; c’est qu’alors les princes, ainsi que les bourgeois, n’aimoient point à se déheurer, pour me servir de l’expression du cardinal de Retz. (D. J.)