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blanches & menues naissent par bouquets au bout des rameaux ; le pistil qui est au milieu de chaque fleur, devient un fruit charnu semblable aux pistaches, gros comme une olive, presque triangulaire, uni & verd dans sa formation, ensuite rouge-brun dans sa maturité. Sa chair est tendre, & remplie d’une résine blanchâtre & gluante. Ce fruit renferme un noyau dur, un peu pressé par les côtés, & de la grosseur d’un grain de mays. Le gommier rouge est moins estime que le gommier blanc ; son bois est de peu de durée, & se pourrit bien-tôt.

Le P. Plumier prétend que les gommiers dont on vient de parler, different seulement de nos térébinthes par la structure de leurs fleurs qui ne sont pas à étamines. On trouve quantité de ces arbres dans les îles de l’Amérique, particulierement dans les lieux secs & arides.

Hernandez, liv. III. chap. xx. de son histoire des plantes du Mexique, appelle le gommier copaltic, & dit que les Mexiquains font un grand cas de sa résine dans toutes sortes de flux-de-sang. Ils s’en servent extérieurement pour amollir, pour résoudre, & pour fortifier les nerfs. Ils employent en qualité de vulnéraires extérieurs les feuilles de l’arbre qui ont été trempées dans de l’eau-de-vie bouillante. Enfin ils brûlent quelquefois cette résine au lieu d’huile. On dit qu’elle sort par incision du tronc des gommiers en si grande quantité, qu’il y a tel de ces arbres d’où l’on en peut tirer jusqu’à cinquante livres.

Nous l’employons en Europe aux mêmes usages que l’huile de térébenthine ; on nous l’apporte des îles de l’Amérique, dans des barrils de différens poids, enveloppées dans de larges feuilles qui naissent sur un grand arbre du pays qu’ils appellent cachibou, d’où est venu le nom chibou de la gomme. Les Amériquains se servent des feuilles de l’arbre par préférence à d’autres dans leurs paniers d’aromates, afin d’empêcher que l’air n’y penetre.

Quelques marchands trompeurs tant en Amérique qu’en Europe, sofistiquent la gomme chibou en la lavant dans quelque huile odoriférante, & la vendent les uns pour de la gomme animé, les autres pour de la gomme tacamahaca, & d’autres assez communément pour le vrai élémi. Les connoisseurs savent distinguer ces différentes gommes ; mais ceux qui ne sont pas du métier, en apprennent seulement la différence par les effets.

James a confondu la gomme du gommier, qu’on appelle quelquefois élemi d’Amérique, avec la véritable gomme élemi. Voyez Elemi. (D. J.)

Gomme de Genevrier, voyez ci-devant l’article Genevrier. Cette gomme s’appelle aussi sandaraque des Arabes. Voyez Sandaraque des Arabes.

Gomme de Lierre, voyez Lierre.

Gomme-Gutte, (Hist. nat. des drog. exot.) suc concret, résineux & gommeux, inflammable, sec, compacte, dur, brillant, opaque, d’une couleur de safran jaunâtre, formé en masses rondes ou en petits bâtons cylindriques, sans odeur & presque sans goût ; au-moins quand on le retient dans la bouche, il n’a d’abord d’autre goût que celui de la gomme arabique, mais peu de tems après il laisse dans le gosier une legere acrimonie avec un peu de sécheresse.

On tire la gomme-gutte de Camboge, du royaume de Siam, de la Chine, & même, dit-on, de quelques provinces de l’Amérique : elle a reçu une quantité de noms différens, tels que gutta ad podagram, gumma-gutta, gutta-gamba, gutta gamandra, cambodium, cambogium, & plusieurs autres qui lui ont été donnés, soit à cause de la goutte que l’on s’imaginoit qu’elle guérissoit, soit à cause de Cambaye, Cambodje, ou Camboge, selon que différentes nations prononcent, soit à cause des différens pays d’où on l’apporte.

Les anciens ne la connoissoient point du tout, & ce n’est que depuis environ un siecle, qu’elle est employée beaucoup par les Peintres, & de-tems-en-tems par les Medecins. Elle fut envoyée pour la premiere fois à Clusius l’an 1603, & dès-lors son usage s’est étendu peu-à-peu dans l’Europe.

On estime celle qui est pure, qui n’est point mêlée de sable, ni souillée d’ordures, d’une couleur fauve, ou d’un beau safran, inflammable sur le feu & donnant la couleur jaune à la salive & à l’eau.

Les auteurs ont été long-tems incertains sur l’origine de ce suc ; mais on croit savoir aujourd’hui assez sûrement qu’il découle de deux arbres, dont l’un est une espece d’oranger de Malabar appellé ghoraka cingalensibus, coddam-pulli, & par Acosta carcapulli. Voyez Carcapulli. L’autre est nommé ghoraka dulcis, & differe du précédent par sa fleur & son fruit, qui n’est que de la grosseur d’une cerise. Herman, témoin oculaire sur les lieux, rapporte qu’il dégoutte un suc laiteux & jaunâtre des incisions que l’on fait aux arbres dont nous venons de parler ; que ce suc s’épaissit d’abord à la chaleur du soleil ; & que lorsqu’on peut le manier, on en forme de grandes masses orbiculaires ou des bâtons. M. Richer prétend qu’il y a un arbre à Cayenne qui donne aussi de la gomme-gutte ; mais comme il n’a point envoyé de cette gomme-gutte de Cayenne, & qu’il n’a point décrit l’arbre qui la fournit, nous ne reconnoissons pour véritable gomme-gutte que celle des Indes orientales.

L’usage de cette gomme est considérable, parce qu’on en tire un très-beau jaune facile à employer, & dont on se sert pour la miniature & pour les lavis ; mais comme la gomme-gutte est en même tems un des plus puissans cathartiques que l’on connoisse dans le genre végétal, il mérite notre curiosité à cet égard. Voyez donc ci-dessous Gomme-Gutte, (Medec. Mat. méd.) (D. J.)

Gomme-Gutte, (Medec. Mat. méd. & Chimie.) Quoique l’Histoire naturelle des drogues soit un vaste pays dont on tire plus de dépouilles par l’amour du gain, que par l’envie de connoître la nature, cependant il y a des philosophes qui ne sont épris que de cette derniere ambition. Nous pouvons donner parmi nous cette loüange à MM. Boulduc & Geoffroi, d’avoir consacre leurs veilles à des recherches utiles sur les simples efficaces. Les mémoires de l’académie royale des Sciences le prouvent. L’année 1701 de ce recueil nous offre, par exemple, une excellente dissertation de M. Boulduc, & le traité de matiere médicale de M. Geoffroi contient un très-bon morceau sur la gomme-gutte en particulier. Profitons de leurs travaux, & appliquons-nous toûjours à les étendre.

La gomme-gutte étant approchée de la flamme, s’allume, brûle, jette elle-même une-flamme brillante comme les résines, & répand beaucoup de fumée ; elle se dissout dans l’esprit-de-vin, mais non pas entierement, car la sixieme partie ou environ, reste sans se dissoudre, & c’est la partie gommeuse, laquelle se dissout promptement dans l’eau chaude, ou dans l’huile de tartre. La gomme-gutte paroît se dissoudre dans les menstrues aqueux, mais elle ne fait que se convertir comme la scammonée, en un lait blanchâtre ou jaunâtre, se précipite ensuite au fond du vaisseau, & l’eau demeure claire & limpide.

Il semble résulter de l’analyse chimique, que la gomme gutte est un composé salin, résineux, & gommeux, formé d’abord d’un soufre leger, lequel donne l’amertume & l’odeur au phlegme qui sort le premier ; ensuite d’un soufre grossier, qui ne s’eleve & ne se sépare de la terre que par un feu violent ; & finalement d’un sel tartareux, un peu ammoniacal, qui par le moyen de la distillation se résout partie en acide, & partie en sel nitreux.