L’Encyclopédie/1re édition/LIERRE

Daubenton (
(Tome 9p. 492-495).
◄  LIERNE
LIESINA  ►

LIERRE, hedera, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en rose composée de plusieurs pétales disposés en rond ; il sort du milieu de la fleur un pistil qui devient dans la suite une baie presque ronde & remplie de semences arrondies sur le dos, & plates sur les autres côtés. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

Lierre, hedera, arbrisseau grimpant, toujours verd, qui est très-connu, & que l’on trouve partout, dans les pays tempérés, & même assez avant sous la zone glaciale ; il se plaît sur-tout dans les forêts, & dans les lieux négligés ou abandonnés. Tantôt on le voit ramper & se confondre avec les herbes les plus communes & les plus inutiles ; tantôt on l’apperçoit au-dessus des plus hautes murailles, & jusqu’à la cime des plus grands arbres. Un seul plan de lierre, à force de tems, s’empare d’un vieux château ; il en couvre les murs, domine sur les toits ; l’espace ne lui suffit pas ; il surabonde, & présente l’aspect d’une forêt qui va s’élever. Par-tout où se trouve cet arbrisseau, il annonce l’insuffisance du propriétaire, ou son manquement de soin. On peut donc regarder le lierre comme le symbole d’une négligence invétérée. C’est un objet importun, nuisible, & si tenace, qu’il est souvent très-difficile de s’en débarrasser. Cependant il peut avoir malgré cela de l’utilité, de l’agrément & de la singularité.

Le tronc du lierre grossit avec l’âge, & il s’en trouve quelquefois qui ont un pié & demi de tour : cet arbrisseau s’attache fortement à tous les objets qu’il peut atteindre, & qui peuvent le soutenir & l’élever au moyen de quantité de fibres ou griffes dont ses branches sont garnies ; elles s’appliquent sur le mortier des murailles, & sur l’écorce des arbres, avec une ténacité à l’épreuve de la force des vents & des autres injures du tems. Ces griffes ont tant d’activité, qu’elles corrompent & brisent le mortier des murailles, & quelquefois les font écrouler, sur-tout lorsque l’arbrisseau vient à périr. On observe que ces griffes qui semblent être des racines, n’en font pas les fonctions ; car quand on coupe un lierre au-dessus des racines qui sont en terre, le tronc & toutes les branches se dessechent & périssent ; & si quelque partie continue de végéter, ce sera parce que quelques branches se seront insinuées dans le mur, & y auront pris racine ; c’est dans ce cas qu’il est très-difficile de les faire périr. La même force des griffes en question agit sur les plus gros arbres ; dès que le lierre s’en est emparé, il enveloppe le tronc, se répand sur toutes les branches, pompe la seve, couvre les feuilles, & fait tant d’obstacles à la végétation, que l’arbre périt à la fin. On peut remarquer sur le lierre des feuilles de trois différentes formes, selon la différence de son âge. Pendant qu’il rampe à terre dans sa premiere jeunesse, elles sont de la figure d’un fer de lance allongé sans échancrure ; quand il s’est attaché aux murs ou aux arbres, ses feuilles sont échancrées en trois parties ; elles sont d’un verd plus brun que les premieres, & elles sont mouchetées de taches blanchâtres ; mais lorsque l’arbrisseau domine sur les objets auxquels il s’est attaché, ses feuilles sont presqu’ovales, & d’un verd jaunâtre. Au surplus, sa feuille à tout âge, est toujours ferme, épaisse, luisante en-dessus, & à l’épreuve de toutes les intempéries. Le lierre ne donne ses fleurs qu’au mois de Septembre ; elles viennent en bouquet, sont petites, de couleur d’herbe, sans nul agrément, ni d’autre utilité que de servir à la récolte des abeilles. Les fruits qui succedent, sont des baies rondes, de la grosseur d’un pois ; elles deviennent noires dans leur maturité qui est à sa perfection au mois de Janvier : mais elles restent long-tems sur les branches.

Le lierre est un arbrisseau sauvage, agreste, dur, solitaire, impraticable, qui craint l’éducation, qui se refuse à la culture, & qui dépérit sous la contrainte ; il n’est même pas aisé de le multiplier ; ses graines, quoique semées immédiatement après leur maturité, ne levent souvent qu’au bout de deux ans. On croiroit qu’au moyen des fibres ou griffes dont les branches de cet arbrisseau sont garnies à chaque nœud, il doit être facile de le faire venir de bouture, mais il a été bien reconnu que ces fibres ne se convertissent point en racines, & qu’elles n’en favorisent nullement la venue : toutes les boutures de lierre que j’ai fait faire, n’ont jamais réussi. On peut le multiplier de branches couchées, qui n’auront de bonnes racines qu’au bout de deux ans. Le plus court parti sera de prendre dans les bois des jeunes plants enracinés ; il faudra les planter dans un terrein frais & à l’ombre, pour y greffer ensuite les variétés qui ont de l’agrément.

On ne fait nul usage en France du lierre ordinaire dans les jardins ; cependant les arbres toujours verds & robustes étant en petit nombre, on a besoin quelquefois de faire usage de tout. On pourroit employer cet arbrisseau à faire des buissons, des palissades, des portiques dans des lieux serrés, couverts, ou à l’ombre : on pourroit aussi lui faire prendre une tige, & lui former une tête réguliere ; c’est peut-être de tous les arbrisseaux celui qui souffre le plus d’être privé du grand air ; on voit en Italie des salles ou grottes en maçonnerie, qui sont garnies en-dedans, avec autant de goût que d’agrément, de la verdure des lierres plantés au-dehors.

Cet arbrisseau peut être de quelqu’utilité, & on lui attribue des propriétés : ses feuilles font une bonne nourriture en hiver pour le menu bétail ; elles sont de quelqu’usage en Medecine ; & on prétend que leur décoction noircit les cheveux. On a observé que les feuilles de mûrier qui avoient été prises sur des arbres voisins d’un lierre, avoient fait mourir les vers-à-soie qui en avoient mangé. Son bois est blanc, tendre, poreux, & filandreux, qualités qui l’empêchent de se gerser, de se fendre en se desséchant, & qui par-là le rendent propre à certains ouvrages du tour : mais ce bois est difficile à travailler.

Quelques-uns des anciens auteurs qui ont traité de l’agriculture comme Pline, Caton & Varron ; plusieurs modernes, tels que Wecherus, Porta & Angran, donnent pour un fait certain qu’un vaisseau fait avec un morceau de bois de lierre récemment coupé, peut servir à constater si l’on a mêlé de l’eau dans le vin ; & que l’épreuve s’en fait en mettant le mêlange dans le vaisseau de lierre qui retient l’une des liqueurs, & laisse filtrer l’autre. Les anciens disent que c’est le vin qui passe, & que l’eau reste. Les modernes assurent au contraire que le vaisseau de lierre retient le vin, & qu’il laisse passer l’eau. Mais par différentes expériences faites dans plusieurs tasses de lierre, dont le bois avoit été coupé & travaillé le même jour ; & pareilles épreuves répétées dans les mêmes tasses après un desséchement de quatre ans ; il a constamment résulté que dans les tasses dont le bois étoit verd, la liqueur composée d’un tiers d’eau sur deux tiers de vin, a entierement filtré en vingt-quatre heures de tems ; & que dans les mêmes tasses desséchées, pareille composition de liqueur a filtré en entier en trois fois vingt-quatre heures. Par d’autres épreuves faites dans les deux états des tasses, avec de l’eau & du vin séparément & sans mêlange, l’un & l’autre ont filtré également & dans le même espace de tems ; en sorte que dans toutes ces différentes épreuves, il n’est resté aucune liqueur dans les tasses ; il m’a paru que ce qui avoit pu induire en erreur à ce sujet, c’étoit la différence de couleur qui se trouvoit dans la liqueur filtrée dans différens tems de la filtration. Dans les épreuves faites avec un mêlange d’eau & de vin dans une tasse de bois verd, la liqueur qui a filtré au commencement, au lieu de conserver la couleur ou le goût du vin, n’a qu’une teinte roussâtre, de la couleur du bois avec le mauvais goût de la seve du lierre, c’est sans doute ce qui a fait croire que ce n’étoit que l’eau qui passoit au commencement ; mais à mesure que se fait la filtration, la couleur roussâtre se charge peu-à-peu d’une teinte rougeâtre qui se trouve à la fin de couleur de peau d’oignon ; & le goût du vin en est si fort altéré, qu’à peine peut-on l’y reconnoître. Les mêmes circonstances se sont trouvées dans la filtration de pareille mêlange de liqueur, à-travers les tasses de bois sec, & dans la filtration du vin sans mêlange, dans les tasses de bois verd & de bois sec, si ce n’est que la liqueur filtrée du vin sans mêlange, étoit un peu plus colorée à la fin ; mais le goût du vin n’y étoit non plus presque pas reconnoissable.

Dans les pays chauds, il découle naturellement ou par incision faite au tronc des plus gros lierres, une gomme qui est de quelqu’usage en Medecine, & qui peut servir d’un bon dépilatoire.

Il n’y a qu’une seule espece de lierre dont on connoît trois variétés.

1°. Le lierre dont les cimes sont jaunes. C’est un accident passager qui est causé par le mauvais état de l’arbrisseau ; c’est une marque de sa langueur & de son dépérissement. J’ai vû des lierres affectés de cette maladie, périr au bout de deux ou trois ans ; & comme toutes les cimes étoient d’un jaune vif & brillant qui faisoit un bel aspect ; j’en tirai des plants, mais après quelques années ils dégénérerent & reprirent leur verdure naturelle.

2°. Le lierre à feuille panachée de blanc.

3°. Le lierre à feuille panachée de jaune. La beauté de ces deux variétés peut grandement contribuer à l’ornement d’un jardin ; elles ne sont nullement délicates, & on peut les multiplier en les greffant sur le lierre commun ; la greffe en approche leur réussit très-aisément. Cet article est de M. Daubenton.

Lierre de Bacchus, (Botan.) c’est le lierre à fruit jaune, ou pour parler noblement, à fruit doré, comme Pline s’exprime d’après Dioscoride & Théophraste ; nos botanistes modernes l’appellent aussi hedera dionysios. Il n’est pas moins commun en Grece, que le lierre ordinaire l’est en France ; mais les Turcs s’en servent aujourd’hui pour leurs cauteres, tandis qu’autrefois on l’employoit aux plus nobles usages. Ses feuilles, selon la remarque de Pline, sont d’un verd plus gai que celles du lierre ordinaire, & ses bouquets couleur d’or, lui donnent un éclat particulier. Ses feuilles cependant sont si semblables à celles du lierre commun, qu’on auroit souvent de la peine à les distinguer, si on ne voyoit le fruit, & peut-être que ces especes ne different que par la couleur de cette partie. Les piés qui ont levé de la graine jaune de ce lierre, semée dans le jardin royal de Paris, étoient semblables aux piés qui levent de la graine de notre lierre en arbre. Leurs feuilles étoient pareillement anguleuses ; cependant les fruits different beaucoup.

Ceux du lierre jaune sont, au rapport de M. Tournefort qui les a vûs sur les lieux, de gros bouquets arrondis, de deux ou trois pouces de diametre, composés de plusieurs grains sphériques, un peu angulaires, épais d’environ quatre lignes, & un peu applatis sur le devant, où ils sont marqués d’un cercle duquel s’éleve une pointe haute de demi-ligne.

La peau qui est feuille morte ou couleur d’ocre, est charnue ; elle renferme trois ou quatre graines séparées par des cloisons fort-minces ; chaque graine est longue d’environ deux lignes & demie, blanche en-dedans, grisâtre, veinée de noirâtre, & relevée de petites bosses en-dehors ; elles n’ont point de goût, & leur figure approche assez de celle d’un petit rein ; la chair qui couvre ces graines, est douçâtre d’abord, ensuite elle paroît mucilagineuse. On vend ces graines dans le marché aux herbes de Constantinople.

Le lierre qui produit ce fruit doré, étoit spécialement consacré à Bacchus, ou parce qu’il fut jadis caché sous cet arbre, ou par d’autres raisons que nous ignorons. Plutarque dans ses propos de table, dit que ce dieu apprit à ceux qui étoient épris de ses fureurs, à se couronner des feuilles de cet arbre, à cause de la vertu qu’elles ont d’empêcher qu’on ne s’enivre.

On en couronnoit aussi les poëtes, comme on le voit dans Horace, & dans la septieme éclogue de Virgile, sur laquelle Servius observe qu’on en agissoit ainsi, parce que les poëtes sont consacrés à Bacchus, & sujets comme lui à des enthousiasmes ; ou bien parce que l’éclat des beaux vers, semblable à celui du fruit de cet arbre, dure éternellement, & acquiert à leurs auteurs l’honneur de l’immortalité.

Il n’est pas surprenant que les bacchantes ayent autrefois employé le lierre pour garnir leurs thyrses & leurs coëffures. Toute la Thrace est couverte de ces sortes de plantes. (D. J.)

Lierre terrestre, (Botan.) plante dont plusieurs Botanistes modernes ont fait par erreur une des especes de lierre, à cause de quelque légere ressemblance qu’ils ont trouvée de ses tiges rampantes & de ses feuilles, avec celles du véritable lierre ; mais c’est un genre de plante particulier, que nos Botanistes appellent communément chamœclema, & dont voici les caracteres.

Sa racine trace & pénetre fort avant dans la terre ; ses feuilles sont épaisses, arrondies, sillonnées & dentelées ; le casque de la fleur est droit, rond, fendu en deux ; la levre supérieure est découpée en deux ou trois segmens. Les fleurs naissent aux côtes des nœuds des tiges.

La plus commune espece de lierre terrestre est nommée par Tournefort, calamintha humilior, folio rotundiore, I. R. H. 194. chamœcissus sive hedera terrestris, par J. Bauh. 3. 855. chamœclema vulgaris, par Boërh. J. A. 172. hedera terrestris, par C. B. Pin. 306. Park. Chab. Buxb. & autres.

Cette plante se multiplie le long des ruisseaux, dans les haies & dans les prés, par le moyen de ses jets quadrangulaires, rampans & fibreux. Elle pousse des tiges grêles, quarrées, rougeâtres, velues, qui prennent racine par de petites fibres. Sur ces tiges, naissent des feuilles opposées deux à deux, rudes, arrondies, à oreilles, larges d’un pouce, un peu velues, découpées, crénelées symmétriquement, & portées sur de longues queues.

Ses fleurs naissent aux nœuds des tiges, disposées par anneaux au nombre de trois, quatre, & même davantage, dans chaque aisselle des feuilles. Elles sont bleues, d’une seule piece, en gueule ; la levre supérieure est partagée en deux segmens, & est réfléchie vers les côtés ; l’inférieure est divisée en quatre. Leur tuyau est panaché de lignes & de taches pourprées-foncées ; son ouverture est parsemée de poils courts & semblables à du duvet.

Le pistil de la fleur est grêle & fourchu. Le calice est oblong, étroit, rayé, & découpé sur les bords en cinq quartiers ; il se renfle quand la fleur est séchée ; il contient quatre semences oblongues, arrondies & lisses. Elle fleurit au mois d’Avril & de Mai.

Toute cette plante a une saveur amere, une odeur forte, qui approche en quelque maniere de la menthe. Elle est toute d’usage. On la regarde comme très-apéritive, détersive, discussive & vulnéraire, employée soit intérieurement, soit extérieurement. Les vertus qu’on lui attribue, dépendent les unes de son huile, & les autres de son sel essentiel, qui n’est pas fort différent du tartre vitriolé, mêlé avec un peu de sel ammoniacal. On prépare dans les boutiques une eau distillée, une conserve, un extrait, un syrop, des fleurs & des feuilles de cette plante.

Lierre, Gomme de, (Hist. nat. des drog. exot.) larme qui découle du lierre-en-arbre des pays chauds de l’Asie. Dioscoride l’appelle δάκρυον τοῦ κισσοῦ. Elle étoit connue des anciens Grecs, comme elle l’est encore des Grecs modernes. On la nomme improprement gomme ; c’est une substance résineuse, séche, dure, compacte, d’une couleur de rouille de fer foncée. Elle paroît transparente, rouge & parsemée de miettes rougeâtres quand on la brise en petits morceaux. Elle a un goût un peu âcre, légerement astringent & aromatique. Elle est sans odeur, si ce n’est lorsqu’on l’approche de la flamme ; car elle répand alors une odeur assez agréable qui approche de celle de l’encens, & elle jette une flamme claire qu’on a de la peine à éteindre.

On nous l’apporte de Perse, & autres pays orientaux, où on peut seulement la ramasser en certaine quantité. Je sais bien que Ray, Bauhin, Pomet, & autres, disent qu’on a trouvé de cette résine, ou de semblable, sur de vieux lierres, dans la province de Worcester, près de Genève & à Montpellier ; mais ces exemples ne prouvent autre chose, sinon que cette résine se voit rarement dans nos pays européens. Après tout, c’est une simple curiosité, car elle ne nous est d’aucun service. Les anciens la mettoient parmi les dépilatoires ; mais, comme elle n’a point cette vertu, il y a quelque erreur dans leurs manuscrits, ou bien ils entendoient quelque autre chose que ce que nous entendons par le mot françois. (D. J.)

Lierre, hedera arborea, (Mat. med.) Les medecins ont attribué plusieurs vertus medicinales aux feuilles & aux baies de cette plante, sur-tout employées extérieurement, car ils en ont redouté l’usage intérieur, & ce fondés principalement sur l’autorité des anciens. Quelques-uns ont tenté cependant de les donner à petites doses, & ils prétendent avoir reconnu qu’elles possédoient une vertu diaphorétique & antipestilentielle ; quoi qu’il en soit, ce remede est d’un usage très-rare dans la pratique ordinaire de la Medecine.

Les feuilles de lierre ne sont presque employées que dans un seul cas ; on les applique assez ordinairement sur les cauteres. On croit qu’elles les garantissent d’inflammation, & qu’elles en augmentent l’écoulement ; peut-être ne fournissent-elles qu’une espece de compresse qui laisse appercevoir tout le pus ou toute la sérosité qui coulent de l’ulcere, parce qu’elle ne l’absorbe point.

Les anciens recommandoient les feuilles de lierre cuites dans du vin pour les brûlures & les ulceres malins, & pour résoudre les gonflemens & les duretés de la rate ; mais nous avons de meilleures remedes contre les brûlures & les ulceres, voyez Brulure & Ulcere ; & nous manquons d’observations sur les effets des applications extérieures dans les affections des visceres. Voyez Topique.

La larme résineuse, connue dans les boutiques sous le nom de gomme de lierre, découle dans les pays chauds de l’arbre qui fait le sujet de cet article. C’est une larme dure, séche, d’une couleur de rouille foncée : quand on la brise en petits morceaux, elle paroît transparente, rouge, & parsemée de petits points moins brillans ; elle a un goût un peu âcre, légerement astringent, & tant soit peu aromatique ; elle répand, quand on la brûle, une odeur agréable qui approche de celle de l’encens.

La larme ou gomme de lierre n’est pas une résine pure ; car deux livres de cette matiere ont laissé dans la distillation, selon le rapport de Geoffroy, dix onces & cinq gros de résidu charbonneux, qui étant calciné à blancheur, a pesé encore sept gros & quarante gains ; or les résines pures ne donnent pas, à beaucoup près, dans la distillation un produit fixe si abondant. Voyez Résine.

Nous employons fort peu la gomme de lierre, nous la faisons seulement entrer dans quelques préparations officinales ; par exemple, dans le baume de fioravanti, dans les pilules balsamiques de Stahl, & dans celles de Becher ; trois compositions qui se trouvent dans la pharmacopée de Paris. (b)

Lierre terrestre, (Mat. med.) les feuilles & les sommités de cette plante sont d’usage en Medecine. Elles sont ameres & un peu aromatiques ; elles donnent dans la distillation une eau aromatique d’une odeur assez desagréable & de peu de vertu, & une petite quantité d’huile essentielle. Elles ont été célébrées principalement par un prétendu principe balsamique ou même bitumineux, comme l’appelle Geoffroy, qu’on leur a supposé. Cependant cette plante est presque absolument extractive, selon l’éxamen chimique qu’en rapporte Cartheuser dans sa Matiere medicale. Il est vrai que le même auteur a observé que l’infusion, la décoction, & même l’extrait des feuilles de lierre terrestre retenoient l’odeur balsamique de la plante, & que toutes ces préparations avoient une saveur âcre, vive & pénétrante.

On peut juger par ces qualités extérieures, que l’usage du lierre terrestre peut être réellement salutaire dans plusieurs des maladies pour lesquelles il a été recommandé ; qu’il peut, par exemple, faciliter l’expectoration des glaires épaisses retenues dans les poumons, & être employé par conséquent utilement dans l’asthme humide, dans les pthisies commençantes, dans certaines toux violentes & opiniâtres, dans l’extinction de voix, &c. qu’il doit exciter la transpiration, les urines & les regles ; que la vertu la plus remarquable qu’on lui ait attribué, savoir celle de déterger & consolider les ulceres des parties internes, peut ne pas être absolument imaginaire.

Quant à la qualité lythontriptique qu’on lui a aussi accordée, nous la lui refuserons formellement avec la plus saine partie des Medecins modernes. Voyez Lythontriptique.

Cette plante se prescrit en décoction & en infusion, dans de l’eau ou dans du vin, depuis une pincée jusqu’à une demi-poignée pour trois ou quatre tasses, que l’on peut prendre le matin ou dans le cours de la journée dans des intervalles réglés.

On en donne aussi assez communément la décoction coupée avec pareille quantité de lait, sur-tout dans les maladies de poitrine.

Quelques medecins prescrivent aussi les feuilles seches réduites en poudre, à la dose de demi-gros jusqu’à un, prise deux fois le jour, avec l’eau distillée de la même plante, ou dans une autre liqueur appropriée. Willis propose ce remede pour la toux opiniâtre & la pthisie. Voyez sa Pharm. rationn.

On fait avec les sommités de lierre terrestre, une conserve & un syrop simple, qui sont des remedes un peu plus doux que l’infusion & que la décoction ; on en prépare aussi un extrait qui a une saveur trop vive, comme nous l’avons déja observe, pour qu’on puisse le donner seul, mais qu’on peut faire entrer avec avantage dans les compositions magistrales sous forme solide. Les feuilles de cette plante entrent dans l’eau vulnéraire, & ses sommités dans le baume vulnéraire. (b)