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nefort, inst. rei herb. & élémens de Botanique. Voyez Plante. (I)

Les Botanistes comptent plusieurs especes de gesse, dont nous ne décrirons ici que la commune cultivée par-tout ; lathyrus sativus, C. Bauh. Ses racines sont fibreuses ; ses tiges sont branchues, applaties ou un peu anguleuses, hautes d’environ six pouces, garnies de feuilles longues, étroites, d’un verd pâle & posées deux à deux au bout d’une côte que termine une vrille ou main, par le moyen de laquelle la plante s’accroche aux corps voisins. Ses fleurs qui sont blanchâtres & tachées au milieu d’une couleur de pourpre brun, donnent des gousses composées de deux cosses qui renferment des semences anguleuses & blanchâtres qu’on mange, & qu’on nomme en françois gesses au pluriel. Cette plante fleurit au mois de Juin, & produit des graines mûres en Juillet & Août.

On cultive dans des jardins de curieux diverses especes de gesse, qu’on multiplie de graine ou de racine, & qu’on soûtient avec des rames. Elles sont très-propres à être plantées contre des haies mortes, qu’elles couvriront, si l’on veut, dans un été, donneront quantité de fleurs, & subsisteront plusieurs années ; de plus, elles viennent dans toutes sortes de terreins & d’expositions.

La petite gesse à grande fleur, lathyrus minor flore majore, Boerh. ind. orne un jardin, parce qu’elle ne s’éleve pas au-dessus de cinq piés, & qu’elle produit des bouquets de larges fleurs & d’un beau rouge foncé. Mais la gesse, que les Anglois appellent the sweetscenter peas, mérite le plus d’être cultivée à cause de la beauté & de l’agréable odeur de ses larges fleurs pourpres.

La vraie méthode pour bonnifier toutes les variétés de gesse, est de les semer au mois d’Août près d’un mur ou d’une haie exposée au midi : alors les gesses poussent en automne, subsistent en hyver, commencent à fleurir en Mai, & continuent jusqu’à la fin de Juin. Ces sortes de plantes d’automne sont bien supérieures à celles qui sont semées au printems ; elles produisent dix fois plus de fleurs & d’excellentes graines qui ne trompent point nos espérances. (D. J.)

Gesse, (Diete.) on mange les semences de cette plante, comme les pois, les féves, & les autres légumes ; les gens de la campagne mangent fort communément celui-ci dans les provinces méridionales du royaume, où on le cultive dans les champs : c’est un aliment plus grossier que les pois, les petites féves, &c. d’ailleurs on ne lui connoît que les propriétés génériques des légumes. Voyez Légume. (b)

GESSORIACUM, (Géog. anc.) le Gessoriacum de Suétone & de Ptolomée, ce fameux port des Romains d’où se faisoit le passage des Gaules dans la Grande-Bretagne ; ce port décoré d’un phare magnifique bâti par Caligula, étoit Boulogne-sur-mer ; on n’en peut pas douter par l’ancienne carte de Peutinger, qui dit Gessoriacum quod nunc Bononia. Ce port étoit dans le pays des Morins ; & depuis Jules-César jusqu’au tems des derniers empereurs, tous ceux que l’Histoire dit avoir passé des Gaules dans la Grande-Bretagne, se sont embarqués à Gessoriacum, c’est-à-dire à Boulogne. Voyez la Martiniere, & les mémoires de l’acad des Inscrip. tom. IX. (D. J.)

GESTATION, s. f. gestatio, (Gymn. medic.) sorte d’exercice d’usage chez les Romains pour le rétablissement de la santé ; il consistoit à se faire porter en litiere, en chaise, ou à se faire traîner rapidement, soit dans un charriot, soit dans un bateau sur l’eau, afin de donner au corps du mouvement & de la secousse. Celse vante beaucoup les avantages de cet exercice pour la guérison des maladies chroniques ; longis, dit-il, & jam inclinatis morbis aptissima est

gestatio, lib. II. cap. xjv. c’est Asclépiade qui mit le premier en pratique les frictions & la gestation ; Ætius l’appelle αἰώρα, & en a fait un petit traité dans son tetrab. 1. serm. 3. cap. vj. consultez-le, il est méthodique & de bon sens. Nos medecins modernes recommandent aussi la gestation dans des voitures un peu rudes, & non pas dans celles qui mollement suspendues indiquent des Sybarites dans une nation guerriere : toute gestation où l’on se sent à peine mouvoir, ne peut produire aucun effet. La promenade à pié, qu’il ne faut pas confondre avec la gestation, s’appelloit à Rome ambulatio ; & la plûpart des grands la préféroient à la gestation sur la fin de la république : constituimus inter nos, dit Cicéron, ut ambulationem pomeridianam conficeremus in academiâ ; « Nous convinmes de faire notre promenade d’après dîner dans les allées solitaires de l’académie. » Voyez donc Promenade. (D. J.)

GESTE, s. m. mouvement extérieur du corps & du visage ; une des premieres expressions du sentiment données à l’homme par la nature. V. Chant, Voix, Danse, Déclamation. L’homme a senti, dès qu’il a respiré ; & les sons de la voix, les mouvemens divers du visage & du corps, ont été les expressions de ce qu’il a senti ; ils furent la langue primitive de l’univers au berceau ; ils le sont encore de tous les hommes dans leur enfance ; le geste est & sera toûjours le langage de toutes les nations : on l’entend dans tous les climats ; la nature, à quelques modifications près, fut & sera toûjours la même.

Les sons ont fait naître le chant, & sont par conséquent la cause premiere de toutes les especes de Musique possibles. Voyez Chant, Musique. Les gestes ont été de la même maniere la source primitive de ce que les anciens & nous avons appellé danse. Voyez l’article suivant.

Pour parler du geste d’une maniere utile aux Arts, il est nécessaire de le considérer dans ses points de vûe différens. Mais de quelque maniere qu’on l’envisage, il est indispensable de le voir toûjours comme expression : c’est-là sa fonction primitive ; & c’est par cette attribution, établie par les lois de la nature, qu’il embellit l’art dont il est le tout, & celui auquel il s’unit, pour en devenir une principale partie. (B)

Geste, (Danse.) la Danse est l’art des gestes ; on a expliqué à cet article dans les volumes précédens l’objet & l’origine de cet art. Voyez Danse. Il ne reste ici qu’une observation à faire pour aider ses progrès, & pour employer utilement les moyens qu’elle a sous sa main, & que cependant elle laisse oisifs depuis qu’elle existe.

Cette observation sera peu du goût de nos artistes ; ils sont dans une routine contraire ; & la routine est en général la boussole des artistes modernes qui ont acquis quelque réputation dans la danse du théatre.

Observer, réfléchir, lire, leur paroissent des distractions nuisibles aux mouvemens du corps, où ils se livrent par préférence ; leurs bras, leurs positions croissent en agrément, & l’art reste sans progrès. C’est donc à l’amour de l’art à ne se point rebuter contre une ancienne obstination qui lui est très-nuisible. Le moment viendra peut-être où l’esprit de réflexion entrera en quelque société avec la facture méchanique des sauts & des pas. En attendant, la vérité se trouvera écrite.

Il est certain que les mouvemens extérieurs du visage sont les gestes les plus expressifs de l’homme : pourquoi donc tous les danseurs se privent-ils sur nos théatres de l’avantage que leur procureroit cette expression supérieure à toutes les autres ?

Les Grecs & les Romains avoient une raison très-puissante pour s’aider du secours du masque, non-seulement dans la Danse, mais encore dans