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comté. Les Hollandois la prirent en 1641, & les François en 1672 ; elle est sur la Néers, proche la Meuse, à deux lieues sud-oüest de Cleves, cinq sud-oüest de Nimegue, dix nord-oüest de Venlo. Long. 23. 25. lat. 51. 52. Voyez Genap. (D. J.)

* GÊNER, v. act. vient de mettre à la gêne, questionner, tourmenter, donner la torture ; il se dit même encore en ce sens : si l’on eût gêné violemment ce criminel, croit-on qu’il n’eût pas nommé ses complices ? Mais il se prend en deux autres sens assez différens ; l’un au moral, comme dans cet exemple ; les juges ont été gênés dans leur conduite, dans leur procédure ; & l’autre en physique, comme dans celui-ci : cette piece gêne celle-ci, & l’empêche de se mouvoir librement. Toutes les expressions telles que celles-ci ont été empruntées des phénomenes sensibles, & ce sont les obstacles au mouvement des corps qu’on a d’abord designés, ensuite les mêmes dénominations ont été transportées aux mouvemens de l’ame.

GÉNÉRAL, adj. (Gram.) on désigne par cet adjectif quelque chose de commun à tout ce qui peut être considéré sous un même point de vûe ; ainsi on dit en Physique de la pesanteur, que c’est une propriété générale de la matiere ; en Métaphysique de la sensibilité, que c’est une propriété générale des animaux ; en Mathématique d’un théorème, d’un problème, d’où résultent un grand nombre de conséquences & d’applications, & qui s’étendent quelquefois sur presque toute une science, qu’ils sont généraux : on dit aussi d’une formule qui comprend un très-grand nombre de cas, & dont on peut tirer plusieurs autres formules particulieres, qu’elle est générale. Voyez Formule. Lorsque d’une formule particuliere, on s’éleve à une formule générale, cela s’appelle généraliser la formule. (O)

GÉNÉRAL D’ARMÉE, (Hist anc.) chef ou commandant de l’armée. Chez les Grecs, on le nommoit polémaque, & c’étoit à Athènes l’un des archontes ; à Rome sous la république, c’étoient les consuls, les préteurs ou les pro-consuls, qui commandoient les armées, en conséquence des decrets du sénat ; ils avoient un ou plusieurs lieutenans sous leurs ordres. Quoique la cavalerie eût un chef particulier nommé magister equitum, il étoit toûjours subordonné aux consuls. S’il y avoit un dictateur, ce premier magistrat nommoit le général de la cavalerie, lequel faisoit exécuter ses ordres, & lui servoit de lieutenant ; mais Jules César s’étant servi de la dictature, pour faire revivre en sa personne le gouvernement monarchique, il abolit la charge de général de la cavalerie.

Dans les campemens & les marches, le général de l’armée romaine se plaçoit ordinairement au centre, entre les princes & les triaires, accompagné de ses gardes & de ses véterans, s’il en avoit ; car quelquefois il jugeoit à propos de les distribuer dans les rangs, pour animer & soûtenir les autres soldats.

Quelquefois avant que de combattre, il haranguoit ses troupes, soit pour leur inspirer plus de courage, soit pour les instruire de ses projets. Il est vrai qu’il ne pouvoit pas être entendu de toute l’armée ; mais il suffisoit qu’il le fût de ceux qui étoient les plus près de sa personne, des tribuns, des centurions, & d’autres officiers subalternes des cohortes ; ceux-ci faisoient passer jusque aux dernier soldats, le précis ou l’objet de la harangue.

Le général des armées romaines avoit le droit, entr’autres prérogatives, de porter le paludamentum, ou la cotte d’armes teinte en pourpre ; il la prenoit en sortant de Rome, & la quittoit avant que d’y rentrer.

Il avoit seul le pouvoir de dévoüer un de ses soldats pour le salut de l’armée ; & ce qui est plus éton-

nant, il se dévoüoit quelquefois lui-même, avec

certaines cérémonies qu’il étoit obligé de suivre, & que nous avons exposées au mot Dévouement.

S’il avoit remporté quelque grande victoire, il ne manquoit guere d’envoyer au sénat des lettres ornées de feuilles de laurier, par lesquelles il lui rendoit compte du succès de ses armes, & lui demandoit qu’il voulût bien décerner en son nom, des supplications & des actions de graces aux dieux. Le decret du sénat étoit souvent une assûrance du triomphe pour le vainqueur, triumphi prærogativa. Ce fut cet honneur du triomphe, qui dans les beaux jours de la république, anima tant de ses généraux à faire les plus grands efforts pour obtenir la victoire.

Mais dès qu’ils eurent passé les Alpes & les mers, & qu’ils eurent séjourné plusieurs campagnes avec les légions dans les pays qu’ils soûmettoient, ils sentirent leurs forces, disposerent des armées, & s’arrogerent le triomphe, sans daigner le demander au sénat. Les soldats à leur tour commencerent à ne reconnoître que leur général, à fonder sur lui toutes leurs espérances, & à regarder la ville de loin : ce ne furent plus les soldats de la république, mais de Sylla, de Pompée, de César. Rome douta quelquefois, si celui qui étoit à la tête d’une armée dans une province, étoit son général ou son ennemi.

Enfin, quand les empereurs eurent succédé à la république, ils garderent pour eux les triomphes, & donnerent à des gens qui leur marquoient un dévoüement inviolable, le commandement des armées ; alors ceux qui furent nommés généraux, craignant d’entreprendre de trop grandes choses, en firent de petites. Ils modérerent aisément leur gloire que rien ne soûtenoit, & se conduisirent de maniere qu’elle ne réveillât que l’attention, & non pas la jalousie des empereurs, afin de ne point paroître devant leur throne avec un éclat que leurs yeux ne pouvoient souffrir. (D. J.)

Général, s. m. (Art milit. & Hist. mod.) en France le général est ordinairement le maréchal de France, qui a sous lui des lieutenans généraux & des maréchaux de camp pour l’aider dans ses fonctions : ces derniers officiers sont appellés officiers généraux, parce qu’ils n’appartiennent à aucun corps particulier, & qu’ils commandent indifféremment tout le corps de l’armée sous les ordres du général en chef.

On ne peut guere se dispenser d’entrer ici dans quelque détail sur les qualités qu’exige l’emploi de général : mais l’on fera parler sur ce sujet M. le maréchal de Saxe. C’est aux grands maîtres, comme cet illustre général, qu’il appartient de prescrire les regles & les préceptes pour marcher sur leurs traces & servir avec la même distinction.

« La premiere de toutes les qualités du général, dit le célebre maréchal que nous venons de nommer, est la valeur, sans laquelle je fais peu de cas des autres, parce qu’elles deviennent inutiles : la seconde est l’esprit ; il doit être courageux & fertile en expédiens : la troisieme est la santé.

» Le général doit avoir le talent des promptes & heureuses ressources ; savoir pénétrer les hommes, & leur être impénétrable ; la capacité de se prêter à tout ; l’activité jointe à l’intelligence ; l’habileté de faire en tout un choix convenable ; & la justesse du discernement.

» Il doit être doux, & n’avoir aucune espece d’humeur ; ne savoir ce que c’est que la haine ; punir sans miséricorde, & sur-tout ceux qui lui sont les plus chers ; mais jamais ne se fâcher ; être toûjours affligé de se voir dans la nécessité de suivre à la rigueur les regles de la discipline militaire ; & avoir toûjours devant les yeux l’exemple de Manlius ; s’ôter de l’idée que c’est lui qui punit ; & se persuader à soi-même & aux autres, qu’il ne fait qu’admi-