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qui ont répandu de la lumiere sur quelques points particuliers de ces sciences ; la plûpart des auteurs qui en ont écrit, les ont traités d’une maniere si vague, & les ont expliqués par des rapports si éloignés & par des hypotheses si fausses, qu’il auroit mieux valu n’en rien dire du tout.

Ce qu’on peut cependant indiquer ici de plus vraissemblable concernant les incommodités, les desordres dans l’économie animale, qu’éprouvent la plûpart des femmes dans les commencemens de leur grossesse, c’est que l’on doit les attribuer en général à la suppression des menstrues, plûtôt qu’à toute autre cause. Voyez ci-après Grossesse (maladies de la). Ce sont les mêmes symptomes que souffrent les filles à qui cette évacuation périodique manque. En effet, les incommodités des femmes grosses ne commencent à se faire sentir qu’au tems après la conception, où les regles auroient paru, si elle n’avoit pas eu lieu ; ensorte qu’il se passe quelquefois près d’un mois sans que les maux de la grossesse surviennent, si la conception s’est faite immédiatement après les regles. Les bêtes qui ne sont pas sujettes à cette évacuation périodique, n’éprouvent aucun des effets qui suivent la suppression. La subversion de l’équilibre dans les solides & dans les fluides, qui résulte du reflux dans la masse des humeurs du sang qui devroit être évacué pour le maintien de cet équilibre, semble une cause suffisante pour rendre raison de tous les accidens occasionnés par les regles retenues. Voyez ce qui est dit à ce sujet dans l’art. Equilibre, (Econ. anim.) ; & pour ce qui regarde le goût dépravé des femmes grosses, leurs fantaisies singulieres, voyez Envie, (Pathol.) Malacie, Opilation, Menstrues. Voyez aussi ci-après ce qui est dit des maladies dépendantes de la grossesse.

Dans le cours ordinaire de la nature, les femmes ne sont en état de concevoir qu’après la premiere éruption des regles ; & la cessation de cet écoulement à un certain âge, les rend stériles pour le reste de leur vie. Voyez Puberté, Menstrues. Il arrive cependant quelquefois que la conception devance le tems de la premiere éruption des regles. Il y a beaucoup de femmes qui sont devenues meres avant d’avoir eu la moindre marque de l’écoulement naturel à leur sexe ; il y en a même quelques-unes qui, sans être jamais sujettes à cet écoulement périodique, ne laissent pas d’être fécondes. On peut en trouver des exemples dans nos climats, sans les chercher jusque dans le Bresil, où des nations entieres se perpétuent, dit-on, sans qu’aucune femme ait d’écoulement périodique. On sait aussi que la cessation des regles, qui arrive ordinairement entre quarante & cinquante ans, ne met pas toutes les femmes hors d’état de concevoir. Il y en a qui ont conçû après cet âge, & même jusqu’à soixante & soixante & dix ans : mais on doit regarder ces exemples, quoique assez fréquens, comme des exceptions à la regle ; & d’ailleurs, quoiqu’il ne se fasse pas d’évacuation périodique de sang, il ne s’ensuit pas toûjours que la matiere de cette évacuation n’existe point dans la matrice. Voyez Menstrues.

La durée de la grossesse est pour l’ordinaire d’environ neuf mois, c’est-à-dire de deux cents soixante & quatorze jours : ce tems est cependant quelquefois plus long, & très-souvent bien plus court. On sait qu’il naît beaucoup d’enfans à sept & à huit mois ; on sait aussi qu’il en naît quelques-uns beaucoup plûtard qu’au neuvieme mois : mais en général les accouchemens qui précedent le terme de neuf mois, sont plus communs que ceux qui le passent ; aussi on peut avancer que le plus grand nombre des accouchemens qui n’arrivent pas entre le deux cents soixante & dixieme jours & le deux cents quatre-vingtieme, arrivent du deux cents soixantieme au deux

cents soixante & dixieme ; & ceux qui disent que ces accouchemens ne doivent pas être regardés comme prematurés, paroissent bien-fondés. Selon ce calcul, les tems ordinaires de l’accouchement naturel s’étendent à vingt jours, c’est-à-dire depuis huit mois & quatorze jours, jusqu’à neuf mois & quatre jours.

On a fait une observation qui paroît prouver l’étendue de cette variation dans la durée des grossesses en général, & donner en même tems le moyen de la réduire à un terme fixe, dans telle ou telle grossesse particuliere. Quelques personnes prétendent avoir remarqué que l’accouchement arrivoit après dix mois lunaires de vingt-sept jours, ou neuf mois solaires de trente jours, au premier ou au second jour qui répondoit aux deux premiers jours auxquels l’écoulement périodique étoit arrivé à la mere avant sa grossesse. Avec un peu d’attention, l’on verra que le nombre de dix périodes de l’écoulement des regles peut en effet fixer le tems de l’accouchement à la fin du neuvieme mois, ou au commencement du dixieme.

Il naît beaucoup d’enfans avant le deux cents soixantieme jour ; & quoique ces accouchemens précedent le terme ordinaire, ce ne sont pas de fausses-couches, parce que ces enfans vivent pour la plûpart. On dit ordinairement qu’ils sont nés à sept mois ou à huit mois ; mais il ne faut pas croire qu’ils naissent en effet précisément à sept mois ou à huit mois accomplis : c’est indifféremment dans le courant du sixieme, du septieme, du huitieme, & même dans le commencement du neuvieme mois. Hippocrate dit clairement que les enfans de sept mois naissent dès le cent quatre-vingts-deuxieme jour ; ce qui fait précisément la moitié de l’année solaire.

On croit communément que les enfans qui naissent à huit mois, ne peuvent pas vivre, ou du-moins qu’il en périt beaucoup plus de ceux-là, que de ceux qui naissent à sept mois. Pour peu que l’on refléchisse sur cette opinion, elle paroît n’être qu’un paradoxe ; & je ne sai si en consultant l’expérience, on ne trouvera pas que c’est une erreur. L’enfant qui vient à huit mois est plus formé, & par conséquent plus vigoureux, plus fait pour vivre, que celui qui n’a que sept mois : cependant cette opinion, que les enfans de huit mois périssent plûtôt que ceux de sept, est assez communément reçûe ; elle est fondée sur l’autorité d’Aristote, qui dit : cæteris animantibus ferendi uteri unum est tempus ; homini vero plura sunt, quippe & septimo mense & decimo nascitur, atque etiam inter septimum & decimum positis ; qui enim mense octavo nascuntur, cesi minus, tamen vivere possunt. De generat. animal. lib. IV. cap. ult. Le commencement du septieme mois est donc le premier terme de la grossesse ; si le fœtus est rejetté plûtôt, il meurt, pour ainsi dire, sans être né : c’est un fruit avorté qui ne prend point de nourriture, & pour l’ordinaire il périt subitement dans la fausse-couche.

Il y a, comme l’on voit, de grandes limites pour les termes de la durée de la grossesse, puisqu’elles s’étendent depuis le septieme jusqu’au neuvieme & dixieme mois, & peut-être jusqu’au onzieme : il naît à la vérité beaucoup moins d’enfans au dixieme mois, qu’il n’en naît dans le huitieme, quoiqu’il en naisse beaucoup au septieme. Mais en général les limites de la grossesse sont renfermées dans l’espace de trois mois, c’est-à dire depuis le septieme jusqu’au dixieme de sa durée possible.

Les femmes qui ont fait plusieurs enfans, assûrent presque toutes que les femelles naissent plûtard que les mâles : si cela est, on ne devroit pas être surpris de voir naître des enfans à dix mois, sur-tout des femelles. Lorsque les enfans viennent avant neuf mois, ils ne sont pas aussi gros ni aussi formés que les autres : ceux au contraire qui ne viennent qu’à dix mois