L’Encyclopédie/1re édition/PUBERTÉ

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PUBERTÉ, s. f. (Physiol.) cet âge où la nature se renouvelle, & dans lequel elle ouvre la source du sentiment, saison des plaisirs, des graces & des amours. Mais plus cette saison est riante, moins elle est durable ; elle ne revient jamais quand une fois elle est passée. Il n’y a point de fontaine de jouvence ni de Jupiter qui puisse rajeunir nos Titons, ni peut-être d’Aurore qui daigne généreusement l’implorer pour le sien. Il seroit donc bien important de prolonger les jours de ce bel âge, qui a tant d’influence sur le bonheur ou le malheur du reste de la vie ; mais c’est alors précisément qu’on n’a ni prévoyance de l’avenir, ni expérience du passé, ni modération pour ménager le présent. Voilà les signes moraux qui caractérisent cet âge ; voyons ceux par lesquels la nature le développe : j’en emprunterai la description du physicien philosophe, à qui nous devons l’histoire naturelle de l’homme.

La puberté, dit-il dans cet ouvrage intéressant, accompagne l’adolescence, & précede la jeunesse : jusqu’alors la nature ne paroît avoir travaillé que pour la conservation & l’accroissement de son ouvrage, pour se nourrir & pour croître : il vit, ou plutôt il végete d’une vie particuliere, toujours foible, renfermée en lui-même, & qu’il ne peut communiquer ; mais bientôt les principes de vie se multiplient, il a non-seulement tout ce qui lui faut pour être, mais encore de quoi donner l’existence à d’autres. Cette surabondance de vie, source de la force & de la santé, ne pouvant plus être contenue au-dedans, cherche à se répandre au-dehors ; elle s’annonce par plusieurs signes.

Le premier signe de la puberté est une espece d’engourdissement aux aînes, qui devient plus sensible lorsque l’on marche, ou lorsque l’on plie le corps en avant. Souvent cet engourdissement est accompagné de douleurs assez vives dans toutes les jointures des membres : ceci arrive presque toujours aux jeunes gens qui tiennent un peu du rachitisme ; tous ont éprouvé auparavant, ou éprouvent en même tems une sensation jusqu’alors inconnue dans les parties qui caractérisent le sexe ; il s’y éleve une quantité de proéminences d’une couleur blanchâtre ; ces petits boutons sont les germes d’une nouvelle production de cette espece de cheveux qui doivent voiler ces parties. Le son de la voix change, il devient rauque & inégal pendant un espace de tems assez long, après lequel il se trouve plus plein, plus assuré, plus fort & plus grave qu’il n’étoit auparavant. Ce changement est très-sensible dans les garçons ; & s’il l’est moins dans les filles, c’est parce que le son de leur voix est naturellement plus aigu.

Ces signes de puberté sont communs aux deux sexes, mais il y en a de particuliers à chacun. L’éruption des menstrues, l’accroissement du sein pour les femmes ; la barbe & l’émission de la liqueur séminale pour les hommes. Il est vrai que ces signes ne sont pas aussi constans les uns que les autres. La barbe, par exemple, ne paroit pas toujours précisément au tems de la puberté ; il y a même des nations entieres ou les hommes n’ont presque point de barbe, & il n’y a au contraire aucun peuple chez qui la puberté des femmes ne soit marquée par l’accroissement des mamelles.

Dans toute l’espece humaine, les femmes arrivent à la puberté plutôt que les mâles ; mais chez les différens peuples l’âge de puberté est différent, & semble dépendre en partie de la température du climat, & de la qualité des alimens. Dans les villes, & chez les gens aisés, les enfans accoutumés à des nourritures succulentes & abondantes, arrivent plûtôt à cet état ; à la campagne, & dans le pauvre peuple, les enfans sont plus tardifs, parce qu’ils sont mal & trop peu nourris ; il leur faut deux ou trois années de plus. Dans toutes les parties méridionales de l’Europe, & dans les villes, la plûpart des filles sont puberes à 12 ans, & les garçons à 14 ; mais dans les provinces du nord & dans les campagnes, à peine les filles le sont-elles à 14, & les garçons à 16.

Si l’on demande pourquoi les filles arrivent plutôt à l’état de puberté que les garçons, & pourquoi dans tous les climats froids ou chauds les femmes peuvent engendrer de meilleure heure que les hommes ; nous croyons pouvoir satisfaire à cette question, en répondant que comme les hommes sont beaucoup plus grands & plus forts que les femmes ; comme ils ont le corps plus solide, plus massif, les os plus durs, les muscles plus fermes, la chair plus compacte, on doit présumer que le tems nécessaire à l’accroissement de leur corps doit être plus long que le tems qui est nécessaire à l’accroissement de celui des femelles ; & comme ce ne peut être qu’après cet accroissement pris en entier, ou du-moins en grande partie, que le superflu de la nourriture organique commence à être renvoyé de toutes les parties du corps dans les parties de la génération des deux sexes, il arrive que dans les femmes la nourriture est renvoyée plutôt que dans les hommes, parce que leur accroissement se fait en moins de tems, puisqu’en total il est moindre, & que les femmes sont réellement plus petites que les hommes.

Dans les climats les plus chauds de l’Asie, de l’Afrique, & de l’Amérique, la plûpart des filles sont puberes à 10 & même à 9 ans ; l’écoulement périodique, quoique moins abondant dans ces pays chauds, paroît cependant plutôt que dans les pays froids : l’intervalle de cet écoulement est à-peu-près le même dans toutes les nations que de peuple à peuple ; car dans le même climat & dans la même nation, il y a des femmes qui tous les quinze jours sont sujettes au retour de cette évacuation naturelle, & d’autres qui ont jusqu’à cinq ou six semaines libres ; mais communément l’intervalle est d’un mois, à quelques jours près.

C’est ordinairement à l’âge de puberté que le corps acheve de prendre son accroissement en hauteur : les jeunes gens grandissent presque tout-à-coup de plusieurs pouces ; mais de toutes les parties du corps, celles où l’accroissement est le plus prompt & le plus sensible, sont les parties de la génération dans l’un & l’autre sexe. Il est vrai que cet accroissement n’est dans les mâles qu’un développement, une augmentation de volume ; au lieu que dans les femelles il produit souvent un retrécissement auquel on a donné différens noms lorsqu’on a parlé des signes de la virginité. (D. J.)

Puberté, âge de, (Critiq. sacrée.) c’étoit l’âge du mariage chez les Juifs ; ensorte que puberté & l’âge de se marier sont termes synonymes dans le vieux Testament. Si expectare velles, donec annos pubertatis impleant. Ruth j. 13. « Si vous vouliez attendre qu’ils fussent en âge de se marier ». Delà cette façon de parler, dux pubertatis virginis. « Le premier mari d’une jeune fille ». Reliquit ducem pubertatis suæ, Prov. ij. 17. « Elle a abandonné celui à qui elle a donné ses premieres inclinations ». Plange, quasi virgo accinta sacco super virum pubertatis suæ. Joël, j. 8. « Pleurez comme une jeune femme qui, revêtue d’un sac, se lamente de la perte de son premier époux ». Confractæ sunt mammæ pubertatis tuæ. Ezechiel, xxiij. 21. « Votre virginité a été corrompue ».

Chez les Hébreux, l’âge de puberté pour les garçons étoit à treize ans & demi ; avant ce tems ils étoient censés enfans : mais au-delà de ce terme ils étoient hommes soumis aux préceptes de la loi, & en particulier à l’obligation de se marier. L’âge de puberté pour les filles commençoit à douze ans & demi : alors elles étoient majeures, maîtresses de leur conduite, & pouvoient disposer d’elles sans le consentement de leurs parens. C’est pourquoi ils avoient coutume de les marier fort jeunes ; cet usage servit à multiplier prodigieusement la nation juive. (D. J.)

Puberté, (Hist. anc.) âge où l’on suppose que les deux sexes sont capables d’engendrer, & qu’on fixoit chez les Romains à 15 ou 17 ans pour les garçons, & à 12 ou 14 pour les filles. On faisoit à cette occasion parmi eux plusieurs cérémonies : on marquoit cette époque par un grand festin qu’on faisoit à sa famille & à ses amis, en réjouissance de ce que le jeune homme étoit en état de rendre service à la république ; & à la fin du festin on lui ôtoit la robe prétexte, pour le revêtir d’une autre toute blanche qu’on nommoit la robe virile : ensuite le pere accompagné de ses amis, le menoit au temple pour y faire les sacrifices ordinaires, & rendre graces aux dieux ; d’où on le conduisoit sur la place publique pour lui apprendre à quitter l’enfance, & à se comporter désormais en homme fait. On lui coupoit les cheveux, dont on jettoit une partie au feu en l’honneur d’Apollon, & l’autre dans l’eau, en l’honneur de Neptune, parce que les cheveux naissent de l’humidité & de la chaleur. On leur faisoit aussi la barbe, qu’on renfermoit dans une boîte précieuse, pour la consacrer à quelque divinité. Il étoit assez ordinaire de se faire raser pour la premiere fois en prenant la robe virile ; quelques-uns cependant attendoient plus tard, & c’étoit encore pour ceux-ci un autre festin & une nouvelle cérémonie, car on regardoit cette action comme un acte de religion. A l’égard des filles, lorsqu’elles étoient parvenues à l’âge nubile, on leur ôtoit la bulle, espece de petit cœur ou de boule d’or qui pendoit du col sur la poitrine, mais elles conservoient toujours la robe prétexte jusqu’à ce qu’on les mariât. Voyez Prétexte & Barbe.