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mais comme elles sont moins ordinaires, on les expliquera chacune en leur rang dans les subdivisions des fiefs, qui suivront les notions générales.

On appelle vassal celui qui possede un fief en propriété, & arriere-vassal, celui qui possede un arriere-fief.

Les vassaux sont aussi quelquefois appellés hommes de fief, pairs de fief, hommes du seigneur.

Anciennement les vassaux étoient tous obligés d’assister aux audiences du juge de leur seigneur dominant, & de lui donner conseil, comme cela se pratique encore dans les coûtumes de Picardie, Artois, & autres coûtumes voisines : on les appelle hommes de fiefs & pairs.

Lorsque les vassaux avoient quelque procès entre eux, ils avoient droit d’être jugés par leurs pairs, & le seigneur du fief dominant y présidoit : ce droit d’être jugé par ses pairs, subsiste encore à l’égard des pairs de France.

Comme les seigneurs se faisoient souvent la guerre, leurs vassaux étoient obligés de les accompagner & de mener avec eux leurs arriere-vassaux. Le tems de ce service n’étoit que de 40 jours, à compter du moment que l’on étoit arrivé au camp ; celui qui vouloit servir pour deux personnes, restoit 80 jours.

Depuis que les guerres privées ont été abolies, il n’y a plus que le roi qui puisse faire marcher ses vassaux à la guerre, ce qu’il fait quelquefois par la convocation du ban & de l’arriere-ban. Voyez Arriere-Ban & Ban.

Le seigneur féodal ou dominant a une nue directe & seigneurie du fief servant qui est mouvant de lui : le vassal en a la directe immédiate avec le domaine utile.

La mouvance est la supériorité d’un fief sur un autre ; il y a des fiefs qui ont beaucoup d’autres fiefs qui en relevent ; mais il y en a aussi qui n’ont aucune mouvance ni censive. Voyez Mouvance.

Les fiefs servans relevent du roi ou de quelques autres seigneurs, soit particulier, ou corps & communauté auxquels appartient le fief dominant.

Tous les fiefs de France relevent du roi, ou en pleins fiefs, c’est-à-dire immédiatement, comme sont les fiefs de dignité ; ou médiatement en arriere-fiefs, comme sont les fiefs simples, qui sont mouvans d’autres fiefs qui relevent du roi immédiatement.

Un fief, soit suzerain, dominant ou servant, peut appartenir à plusieurs seigneurs ; mais un même fief ne peut pas relever en même degré de plusieurs seigneurs ; il peut néanmoins relever immédiatement d’un ou de plusieurs co-seigneurs ; & en arriere-fief, d’un ou plusieurs co-seigneurs suzerains.

Lorsque deux seigneurs prétendent respectivement la mouvance d’un fief, le vassal, pour ne point reconnoître l’un au préjudice de l’autre, doit se faire recevoir par main souveraine. Voyez Foi & Hommage, & Main souveraine.

Toutes sortes de personnes peuvent présentement posséder des fiefs, les roturiers comme les nobles, hommes & femmes, ecclésiastiques & laïques.

Sous les derniers rois de la seconde race, & au commencement de la troisieme, tout homme libre qui faisoit profession des armes, pouvoit acquérir & posséder un fief, ou faire convertir en fief son aleu.

Du tems des croisades, les roturiers même possédoient déjà des fiefs, quoiqu’ils ne fissent pas profession des armes ; mais comme la principale obligation des vassaux étoit le service militaire, & que la plûpart des roturiers ne desservoient pas leurs fiefs, saint Louis, ou selon d’autres, Philippe III. dit le Hardi, défendit aux roturiers de posséder des fiefs, à moins qu’ils ne leur échussent par succession, ou qu’ils ne les eussent acquis 20 ans auparavant.

Beaumanoir parle de ce reglement comme d’une disposition nouvelle ; il paroît en effet que c’est la premiere ordonnance qui ait exclu les roturiers de la possession des fiefs ; dans la suite les besoins de l’état ont obligé nos rois à permettre peu-à-peu aux roturiers de posséder des fiefs, en payant au roi une certaine finance.

Philippe-le-Hardi, par une ordonnance de 1275, & Philippe-le-Bel, par une autre de 1291, taxerent les roturiers pour les fiefs qu’ils possédoient hors les terres des barons.

Philippe V. dit le Long, les taxa même pour les fiefs qu’ils possédoient dans ses terres, à l’exception des fiefs tenus de lui en quart-degré.

Enfin les roturiers ont été assujettis, pour toutes sortes de fiefs, à payer tous les 20 ans au roi une finance qu’on appelle droit de francs-fiefs. Voyez ci-après Francs-Fiefs.

Les gens d’église & autres gens de main-morte, ne peuvent acquérir ni posséder aucun fief ou autre héritage, sans payer au roi le droit d’amortissement, & aux seigneurs le droit d’indemnité ; ce qui fut ainsi établi par S. Louis. Voyez Amortissement & Indemnité.

Il y a des fiefs auxquels se trouve attaché un droit de justice, soit haute, moyenne & basse, soit moyenne ou basse seulement ; d’autres fiefs n’ont point droit de justice, c’est pourquoi l’on dit que fief & justice n’ont rien de commun, c’est-à-dire que le fief peut être sans droit de justice & la justice sans le fief. Quand on dit que la justice peut être sans le fief, on entend que le seigneur qui a la justice dans un lieu, n’y a pas toûjours la seigneurie directe ou féodale ; mais ce droit de justice est toûjours attaché à quelque fief.

Il faut aussi observer qu’il y a quelques coûtumes où le fief & la justice sont réciproques, c’est à-dire que tout seigneur direct a, par sa qualité, droit de justice dans sa seigneurie : telles sont les coûtumes d’Artois, Anjou & Maine. Voy. Justice seigneuriale.

Anciennement l’investiture des fiefs de dignité, donnée par le roi, annoblissoit le possesseur ; mais depuis l’ordonnance de Blois, les fiefs n’annoblissent plus.

Le seigneur qui joüit du fief de son vassal, en conséquence de la saisie féodale qu’il en a faite, ne peut le prescrire par quelque laps de tems que ce soit, parce qu’il n’en joüit que comme d’une espece de dépôt, jusqu’à ce qu’on lui ait porté la foi & payé les droits : les héritiers du seigneur, & ses autres successeurs à titre universel, ne peuvent pas non plus prescrire dans ce cas.

Les contestations qui s’élevent au sujet des fiefs, soit pour leur qualité ou pour leur droit, doivent être reglées par le titre d’investiture, par les fois & hommages, aveux & dénombremens, par la coûtume du lieu du fief dominant, pour ce qui concerne la forme de la foi & hommage ; & par la coûtume du fief servant, pour les droits qui peuvent être dûs.

Au défaut de la coûtume du lieu, on a recours à la coûtume de Paris, aux coûtumes voisines, ou au droit le plus général, & à ce qui paroît le plus équitable.

La connoissance des matieres féodales appartient aux baillis & sénéchaux royaux, privativement aux prevôts.

Le seigneur plaide devant son juge au nom de son procureur fiscal, lorsqu’il s’agit du domaine & des droits & revenus ordinaires ou casuels de son fief, comme relief, quint, requint, lods & ventes, amendes, cens & rentes, baux, sous-baux, &c.

Le vassal est obligé de plaider devant le juge de