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aveuglément leurs préceptes : il rejette l’usage du feu en beaucoup de cas où les anciens l’employoient. En général, il est le partisan déclaré des moyens les plus doux ; il conseille néanmoins de cautériser les articulations abreuvées de sucs pituiteux : il rapporte à cette occasion les préceptes des anciens, mais il se décide d’après sa propre expérience. Il avoit essayé sans succès l’application des remedes capables d’amollir & de discuter la matiere que rendoit un genou fort gonflé & très-dur : le malade guérit par l’application de cinq ou six cauteres actuels, ronds, & assez larges. Il cite un autre cas qui lui fera encore plus d’honneur dans l’esprit des gens de bien. Un homme de considération avoit le genou si gonflé & si dur, qu’il ne pouvoit le faire mouvoir. Fabrice, appellé avec Capivaccius, jugea que cette maladie étoit incurable. Un empyrique qu’on appella, mit un médicament irritant sur la partie, qui y excita une grande inflammation, avec chaleur, rougeur & douleur. Dès ce moment même le genou acquit un peu de mouvement, & les choses ont toûjours été de mieux en mieux jusqu’à la parfaite guérison. L’amour de la vérité & du bien public fait dire à notre auteur que cet empyrique a fait une cure qu’il n’a pas osé entreprendre, & il en prend occasion d’expliquer le fait, en disant que le caustique a échauffé & atténué la matiere froide & épaisse qui formoit la tumeur.

Fabrice d’Aquapendente appliquoit quelquefois le feu de façon qu’il n’avoit point d’action immédiate sur la partie. Pour la guérison d’un ozeme ou ulcere de l’intérieur du nez, il mit une cannule dans la narine, & porta le fer ardent dans cette cannule, dans la vûe d’échauffer la partie, & d’en dessécher l’humidité.

Le cautere actuel paroît n’être resté dans la Chirurgie, que lorsqu’il s’agit de détruire les caries & de hâter les exfoliations ; encore n’est-ce que dans le cas où l’on ne peut être sûr d’enlever exactement le vice local par le tranchant de la gouge ou du ciseau. Il est certain que l’instrument tranchant est en général préférable pour l’ouverture ou pour l’extirpation des tumeurs ; mais dans les abcès gangréneux on ne retirera pas le même effet de l’instrument tranchant, que du cautere actuel. Dans les tumeurs dures qui ne sont pas susceptibles d’être simplement ouvertes, si l’indication exige qu’on y attire de l’inflammation pour les faire suppurer plus promptement, les cauteres potentiels peuvent être employés ; ils font naître & attirent la putréfaction. Mais si la tumeur est déjà disposée à la pourriture, le cautere potentiel ne convient point, le feu actuel est préférable. L’incision nécessaire pour donner issuë aux matieres, a souvent donné lieu à une plus grande corruption dans certains anthrax. L’excès de l’air rend la pourriture contagieuse, & lui fait faire des progrès. L’application du feu n’a pas cet inconvénient ; il augmente la force vitale dans les vaisseaux circonvoisins, & il forme à l’extrémité divisée des vaisseaux, une escarre solide qui tient lieu des tégumens naturels. Que pouvoit-on faire de mieux que de porter le feu sur ces maux de gorge gangréneux qui ces années dernieres ont fait périr tant de monde ? C’étoit une espece de charbon placé dans un lieu chaud & humide, disposé par conséquent à une prompte putréfaction par sa situation même, indépendamment de sa nature. Les scarifications n’ont fait aucun bien, & la cautérisation auroit probablement arrêté les progrès du mal, si on l’eût employée à tems. (Y)

Feu, (Jurisprud.) Ce terme a dans cette matiere plusieurs significations différentes.

Feu signifie fort souvent ménage. Chaque feu, dans certains endroits, paye au seigneur un droit appellé foüage : foragium, à foro. (A)

Feu est pris quelquefois pour domicile ; c’est en ce

sens que l’on dit que les mandians & vagabonds n’ont ni feu ni lieu. Voyez Mandians & Vagabonds. (A)

Feu, dans d’autres occasions, est pris pour incendie. Les regles que l’on suit, dans ce cas, pour savoir qui est garant du dommage causé par le feu, seront expliquées au mot Incendie. (A)

Feu du ciel, c’est le tonnerre. Personne n’est garant du feu du ciel, c’est-à-dire du dommage causé par le tonnerre, qui est un cas fortuit & une cause majeure. Voyez Incendie. (A)

Feu se dit aussi, par abréviation, pour exprimer la peine du feu : on dit condamner au feu, ou à être brûlé vif, &c. On condamne au feu ceux qui ont commis quelque sacrilege, les empoisonneurs, les incendiaires, &c. Voyez Peines. (A)

Feu ou défunt, fato functus.

Feu signifie aussi quelquefois les chandelles ou bougies dont on se sert pour certaines adjudications. On compte le premier feu, le second feu, le troisieme feu, c’est-à-dire la premiere, seconde, troisieme bougie, &c. On adjuge à l’extinction des feux. Voyez Chandelle éteinte. (A)

Feu, (Couvre-) voyez Couvre-feu.

Feu croissant & vacant, en Bresse, signifie la vie d’un homme. Il est dû chaque année au seigneur d’Artemare par ses hommes de main-morte ou affranchis, une gerbe de froment pour le feu croissant & vacant, ou une bicherée de froment mesure de Châteauneuf. Collet, sur les statuts de Savoie, livre III. titre j. des droits seigneuriaux, p. 37. est d’avis que ces termes, feu croissant & vacant, signifient la vie d’un homme, parce qu’il est sujet à ce devoir dès sa naissance jusqu’à sa mort ; ou dès qu’il fait son habitation à part, & qu’il devient chef de famille, jusqu’à ce qu’il cesse de demeurer dans cet état. Collet pense aussi que ces termes, feu croissant & vacant, veulent dire que ceux qui vont s’établir dans cette terre d’Artemare, & font feu croissant & augmentant le nombre des feux du lieu, deviennent sujets à la redevance dont on a parlé ; & que ceux qui quittent ce lieu pour aller demeurer ailleurs, & par-là font feu vacant, n’en sont pas pour cela exempts. Voyez Main-morte & suite. (A)

Feu, dans l’Art militaire, exprime les coups qu’on tire avec les armes à feu, comme les canons, les mortiers, les fusils, les mousquetons, &c.

Ainsi faire feu sur une troupe, c’est tirer sur elle avec des armes à feu.

Le terme de feu s’employe plus ordinairement pour exprimer les coups qu’on tire avec le fusil, qu’avec les autres armes à feu.

Le feu de l’infanterie ne consiste que dans les décharges successives du fusil ; & celui de la cavalerie, dans celles du mousqueton & du pistolet, dont les cavaliers sont armés.

Le feu d’une place est formé des décharges que l’on fait de la place, avec les armes à feu dont on la défend ; mais on entend néanmoins ordinairement par ce feu, celui du canon de la place : c’est pourquoi on dit qu’on a fait taire le feu d’une place, lorsqu’on en a démonté les batteries.

On distingue plusieurs sortes de feux dans l’infanterie, suivant l’ordre dans lequel on fait tirer les soldats.

L’ordonnance du 6 Mai 1755, sur l’exercice de l’infanterie, en établit cinq ; savoir le feu par section, par peloton, par deux pelotons, par demi-rang & par bataillon.

Il faut observer que, suivant cette ordonnance, la section est formée d’une compagnie, & le peloton de deux ; ainsi les deux pelotons font quatre compagnies, c’est-à-dire le tiers du bataillon, lorsqu’il est de douze, non compris celle des grenadiers.