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tité d’autres phénomenes, dont les causes étoient ignorées avant qu’on eût connoissance de l’électricité des nuages. Voyez Electricité.

Feu électrique, Fluide électrique, ou Matiere électrique ; on entend sous ces différentes dénominations, ce fluide très-subtil, très-mobile, qui se trouve répandu dans tous les corps, qui pénetre avec la plus grande facilité la plûpart des milieux ; enfin qui cause immédiatement tous les phénomenes de l’électricité, comme l’attraction & la répulsion des corps legers, l’explosion de l’étincelle, les émanations lumineuses, &c.

Les Physiciens sont partagés sur la nature du fluide électrique : les uns considérant ses propriétés singulieres & différentes de celles de tous les autres fluides connus, le distinguent absolument des autres, & en font une espece particuliere ; ainsi que les propriétés de l’aimant, qui paroissent bornées à cette pierre & aux corps aimantés, ont fait donner le nom de magnétique au fluide subtil qui les produit : d’autres trouvent dans le feu électrique beaucoup des propriétés du feu élémentaire, dont la présence échauffe, agite, & raréfie les corps, qui les pénetre tous par sa grande subtilité, dans lesquels il éprouve cependant différens degrés de résistance ; qui se fixe & se concentre dans quelques-uns, d’où il ne cesse de lancer pendant quelque tems des émanations lumineuses : d’autres enfin veulent que le feu électrique soit l’éther des anciens ; cet agent universel, que les philosophes grecs regardoient comme l’instrument de toutes les opérations de la nature, & dont le mouvement variable à l’infini leur paroissoit agiter tout le reste de la matiere. Ces derniers commencent donc par établir l’existence d’un fluide subtil & répandu partout, qui reçoit le mouvement immédiatement des mains de Dieu, & le communique à tous les corps solides & fluides, suivant des lois que sa Sagesse infinie a établies pour entretenir l’ordre dans l’Univers ; & ils rapportent à la diversité de ces lois, la variété des opérations de la nature. Ainsi les effets de gravité, de ressort, de dureté, de chaleur, de magnétisme, & d’électricité, leur paroissent produits par les mouvemens de cet éther, dirigés par le Créateur suivant de certaines lois, qui suffisent pour différencier tous ces effets d’une même cause. Voyez Ether, &c.

Il est vrai qu’il n’est pas facile de comprendre au premier abord, comment les mouvemens de l’éther peuvent être assez variés dans un même corps, par exemple dans une barre d’acier, pour produire à la fois & sans le moindre trouble, les effets de gravité, de ressort, de magnétisme, & d’électricité. Car pour nous borner seulement aux effets de chaleur & d’électricité, il est incontestable qu’ils existent souvent ensemble dans les mêmes corps, & qu’ils y sont susceptibles d’accroissement & de diminution indépendamment l’un de l’autre.

On sait, par exemple, qu’une barre de fer peut être échauffée jusqu’au blanc dans une de ses parties, ou refroidie par le plus grand froid, agitée, dilatée, ou condensée aux plus grands degrés auxquels nous puissions parvenir, sans que tous ces différens effets apportent de changement sensible à son état d’électricité ; & réciproquement un corps rempli de matiere électrique, attire & repousse de très-loin les corps legers, contracte une atmosphere très-sensible, étincelle même de toute part, sans qu’il en paroisse plus échauffé, ni le moindrement augmenté de volume. Or on peut demander comment l’éther appliqué en si grande abondance à des corps très-échauffés ou très-électrisés, ne produit-il pas quelque chaleur, quelque dilatation sensible dans ceux-ci, ou quelques effets d’attraction & de répulsion dans ceux-la ? comment le milieu de cette barre, entouré ou pénétré de l’éther igné, n’arrête-t-il pas, n’absorbe-t-il

pas, ne dissipe, ne raréfie-t-il pas l’éther électrique que l’on a communiqué à la barre ? enfin comment la matiere électrique, loin de se confondre avec l’atmosphere du fer embrasé, la pénetre-t-elle, s’étend-elle, se conserve-t-elle dans une densité uniforme, aussi bien sur la partie la plus échauffée de la barre, que sur celles qui sont demeurées froides ?

Il faut avoüer que ces différens mouvemens d’un même fluide qui s’exécutent à-la-fois dans un corps, ne se présentent pas bien clairement à l’esprit ; cependant ce système est encore le plus simple : car si on faisoit dépendre ces mêmes effets de chaleur & d’électricité, de deux différens fluides qui exerçassent en même tems & sans confusion chacun leurs mouvemens particuliers, il est clair que cette explication ne seroit pas plus heureuse, & deviendroit sujette à des difficultés d’autant plus grandes, qu’on auroit à rendre raison d’un plus grand nombre d’effets, comme dans l’exemple d’une barre d’acier, dans laquelle on considéreroit les effets de pesanteur, de ressort, de dureté, d’électricité, de magnétisme, de chaleur, &c.

On peut citer en faveur de ceux qui n’admettent que l’éther pour cause de la plûpart des phénomenes, des exemples de plusieurs effets différens qui sont produits par des mouvemens variés d’un même fluide. Par exemple, le vent & le son sont deux effets très différens, qui dépendent certainement de deux mouvemens bien distincts excités dans l’air ; & l’on est très-assûré que ces deux sortes de mouvemens peuvent exister ensemble ou séparément dans ce fluide, sans que la violence de l’un puisse jamais nuire à l’uniformité de l’autre.

Le feu différemment modifié dans un même corps, produit les effets de chaleur, de dilatation, de coruscation. La lumiere du soleil réfléchie par un miroir concave, échauffe des particules de sable exposées au foyer, & les dissipe par une répulsion semblable à celle qu’elles éprouveroient, si elles étoient placées sur l’extrémité d’une barre de fer électrisée. Or, pour nous rapprocher de notre objet, le fluide électrique produit, quand nous voulons, des effets d’attraction, des étincelles & du magnétisme. En effet, l’explosion d’une violente étincelle électrique altere quelquefois la boussole ou aimante de petites aiguilles, suivant la direction que l’on donne à cette étincelle : or il y a long-tems que l’on a observé qu’un éclat de tonnerre (qui n’est qu’une grosse étincelle électrique) est capable d’aimanter toute sorte d’outils de fer & d’acier enfermés dans des caisses ; de donner aux clous d’un vaisseau assez de vertu magnétique pour faire varier d’assez loin les boussoles ; en un mot, de changer en véritables aimans les croix de fer des anciens clochers, qui ont été plusieurs fois exposés aux vives impressions de ce terrible fluide. Voyez Magnétique, où nous détaillerons plus amplement ces effets.

Ces exemples, & plusieurs autres qu’il seroit facile de rapporter, prouvent qu’il n’est pas impossible qu’un fluide dont les parties sont agitées par différentes sortes de mouvemens, ne puisse produire des effets qui nous paroissent si peu tenir ensemble, que nous sommes portés à les attribuer à des causes absolument différentes ; que si nous découvrions les lois suivant lesquelles le Créateur a réglé ces sortes de mouvemens, nous serions en état d’expliquer beaucoup de phénomenes qui nous paroissent incompréhensibles. C’est à la recherche que d’habiles physiciens ont faite de ces lois, que nous devons les explications les plus satisfaisantes que nous ayons des phénomenes de l’électricité ; & l’on peut dire que si ces explications ne sont pas entierement conformes à la nature, ou nous paroissent insuffisantes pour expliquer certains phénomenes, elles n’ont pas moins servi à étendre